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V E R R E T O U R N É,
C’est-à-dire , Vrerre travaillé aii tour ou au touret.
P l i n e (L . XXXVI, C. XXVI) a donné une
defcription également élégante & concife des différentes
façons dont les anciens p/éparoiem_ le
verre ; & dans ce nombre il parie du verre qu o'n
tournoit de fon temps, ou qu’on travailloit an tour,
torno teritur. Il ajoute qu’on le gravoit comme de
l’argent, argenti modo coel.ttur. M. de Caylus "dans
fon recueil d’antiquitésa rapporté des preuves de
la première opération dont parle Pline , & des
exemples de la deuxième qui fe pratique toujours.
Enfin il a inféré dans le même ouvrage la manière
de tourner le verre s que lui a communiquée M.
Mr'auld, do&enr en médecine ; nous allons auffi,-
la tranfcrire mot à mot dans cet ouvrage.
On ne parvient, dit M. Mai;auld, à tourner
un corps quelconque, que par des moyens propres
à fes différentes qualités. Lés bbis, ,,la pierre,
les métaux ne peuvent être tournés qu’avec des
outils d’acier plus ou moins trempés, félon que
le corps que l’on veut .ravailler eft plus ou. moins
dur. Le verre, matière plus fèche & plus caftante,
ne pourreit être travaillé au tour que difficilement
avec ces fortes d’outils. On ne fauroit enlever
des copeaux du verre pour le rendre rond ;
ce n’eft qu’en l’ufant fur le tour, qu’il eft poffible
deie tourner. Convaincu de cette vérité par l’exemple
que fournit l’art de travailler le verre en général
, M. Majauld à fait tourner félon les mêmes
principes deux gobelets de criftal faâice , fur un
defquels on a formé de petites moulures très-déliées
qui produifent us fort bel effet.
Pour y parvenir, on maftiqua fur un mandrin
de bois un gobelet de criftal pris d’un flacon dont
en avoit coupé la partie fupérieure, parce qu’on
ne trouve pas des gobelets auffi épais que le font
les flacons. Après l’avoir fait monter fur un 'tour
en l’air , & l’avoir mis auffi rond de tous les fens
qu’il fut poffible , ( Car, quelque rond que paroiffe
un verre fouillé, il ne l’en jamais entièrement, &
les bords ne fe trouvent pas perpendiculaires au
fon d ,) on effsya de le dégroffir au fable de grais
iv ec un outil de bois dur; mais comme le travail
langüifioit, on fubftitua du gros éméril au fable ;
ce qui fit beaucoup mieux : cependant le verre ne fe
trouvoit pas rond, & l’outil pouvoir en être lacaufe,
Pour y remédier, on fondit d’autres outils coia.
pofés d’un alliage de plomb & d’une partie d’étain,
Ces nouveaux outils exerçant une réfiftance plus
forte , & toujours plus égale1-que ceux de bois,
prbduifirent un effet favorable, & le verre fut plu-
tôt, & plus exaélement rond. Mais l’outil par le
travail formoit une boue dangereufe pour l’ouvrier.
On fait que le plomb infiniment, divifé, en
s’infinuant parles pores d e là peau, enfante des
maladies très-graves, & les ouvriers qui ne travaillent
que l’étain pur ne courent pas les mêmes
rifques. On fondit donc des outils de ce métal,
qui réùffirent encore mieux que ceux dans lefquels
p çntjtcîit du plomb, parce qu’étant d’une matière
. plus durei ils étoient encore moins expofés à perdre
ieur form,e.
'Ayant enfin dégroffi les grandes parties avec le
grbs-émeril, & les outils d’étain, on fit des moulures
avec de, petits outils de cuivre ; ceux d’etain
minces , tels qu’il les faut pour cet ouvrage, perdaient
leur forme .en un inftant, & ne pouvoient
tracer des petites parties bien décidées , telles
qu’elles doivent être pour former des moulures.
On travailla enfuite, à effacer les gros traits avec
un émeril plus fin ; on fé fervit d’autres fois d’un
troifième émeril en poudre encore plus fin, pour |
effacer les traits du fécond , ufant toujours des
outils d’étain pour les grandes parties, & de cuivre
pour les moulures.
Enfin l’ouvrage étant parfaitement adouci ( car
il eft impoffible de détruire les traits du premier
émeri! qu’avec"la deuxième, & ceux du deuxième
qu’avec le troifième),/on fe fervit de pierre ponce
entière , laquelle, ayant reçu une forme favorable
su travail, & fervant d’outil & de moyen pour
ufer, effaça entièrement le mat du verre travaillé par
le troifième émeril. Cette pierre qui paroît fort tendre
ne laiffe pas cependant de mordre fur le verre,
Il eft même important de choifir la plus légère
pour cette opération ; elle n’a pas de ces grains durs
que l’on trouve dans la pierre ponce compare,
qui pourraient rayer l’ouvrage, & faire perdre dan*
un inftant le fruit du travail de plufieurs jours. Alors
il ne fut queftion que de donner le poli au verre,
on le fit avec la potée d’étain , humeâée d’hwle>
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nnliaaée fur un cuir de vache propre à faire des
i Sellés d’efearpin, & le cuir cpllé fur des mor-.
Sceaux "de bois de forme convenable à l’ouvrage.
I Lorfqu’on travaillera le verreavec l’émeril ou avec
la ponce, ôn ne manquera pas d’hume&er l’un &
l’autre aveede l’eau commune. Il ne faut ni noyer ,
ni laiffer les matières trop fèches ; fi on les noyoit
trop, le lavage ferait perdre l’émeril, parce que,
[ j’eau l’entraineroit : fi on laiffoit l’émeril trop fec, il
[ne formeroit qu’une boue trop épaiffe pour mordre.
ï La préparation de l’émeril n’eft pas de peu d’im-
! portance, pour la perfe&ion de c^e travail. Le gros
[ émeril que l’on trouve chez les marchands eft en
[poudre fi inégale & fi groffière qu’il feroit impoffi-
[bie de s’en lervir tel qu’il eft. Les parties de. l’é-,
| irîéril dans cet état formeraient des traits, q u i,
s’ils n’expofoient pas le verre aurifque d’être tou-
I pé, prépareraient du moins un travail.proportionné
[ à leur profondeur : inconvénient qu’il faut éviter,
[ fi l’on ne veut fe mettre dans le cas d’être obligé
I de doubler ou de tripler le temps qu’il faut pour
■ tourner le verre.
I Toute fia préparation de l’éméril çonfifte à le
broyer dans un mortier de fer, & à enlever par
le lavage , de -l’émeril en poudre plus ou moins
■ fine , ainfi qu’on lé pratique dans les manufaétures
I de glaceS.
I On prendra du gros émeril tel qu’il fe vend chez
I les marchands, car leur émeril hn eft communé-
I ment de l émeril qui a fervi , & qui eft altéré par
E les matières au travail defquelles il a déjà été em-
I ployé ; il fe vend fous le nom de potée cTémeril.
I On mettra ce gros émeril dans un mortier de fer y
I on l’humeélera d’eau commune, & On le broyer a/,
■ jufqu’à ce que les plus gros grains aient été éc.ra-
I fés; ce qui fe fentira aifément fotisle pilon. On
■ verfera dans le mortier une quantité d’eau fuffi-
I fante pour en emplir les trois quarts , en délayant
K bien tout l’émeril qui fera au fond. Après avoir
I laifîé repofer l’eau un inftant, on en verfera, en-
I viron les deux tiers dans une terrine verniffée ; ori
K broyera de nouveau ce qui fera précipité au fond
K du mortier, on le lavera comme la première fois ,
I & l’on répétera cette manoeuvre jufqu’à ce qu’on
K aperçoive qu’il ne refte plus qu’un tiers, ou en-
I viron , de Témeril dans le mortier.
| Cet émeril ne fera pas en poudre bien fine,
K mais il n’aura plus les grains dangereux qu’il avoit
■ auparavant ; il fera propre à commencer l’ouvrage ;
I car, ainfi que je l’ai déjà dit, les verres fouillés
I étant trop peu ronds, il faut, pour les ébaucher, une
E matière qui les ronge avec une force proportionnée
I à leur inégalité. On agitera enfuite l’eau de la ter-
f nne chargée d’émeri 1 ; on laiffera repofer cette
I eau pendant une minute; on en verfera en incliy
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nant doucement,, les deux tiers, dans un autre vafe
I verniffé. On lavera encore i’étr.er.l de la première
terrine, afin d’en enlever les parties les plus fines,
! en veçfant toujours de même l'eau aprè* Lavoir
agitée , & laiffé repofer comme la première fois.
Ou laiffera précipiter ces deux fortes , d’émeril ,
on jettera l’eau quiles furnagera; Lémeril de la première
tertine fera de la deuxième fineffe, & celui de.
j la deuxième fcra-Lémcril le.plus fin. La potée d’érain
: confie àt\$üyent ‘ d’es.'grajns. durs , qui peuvent
rayer le'verre auTieu dé le polir; il feroit bon
, cpiiféqueniment de j a ...prioarer, comme Lémeril ,
i en ri’en .{aijfànt. ce.penaapt que d’une jfpçte. Si on
vouloitüfçi du tripoli .de Venife, .aille.préparerait
comme la '\pbtee d’étain : il donné un très-beau
poli au verre.
Le choix dn maftic n’eft pas indifférent ; iî faut
i qu’il foit de. nature a pouvoir être adhérent au
verre. Les. ouvriers compofent ordinairement leur
maftic fin avec la colophane, la poix blanche, la
poix noire , & le rouge brun d’Angleterre. Ils combinent.
çe;s. ingrédiens , de façpn qu’ils font un tout
plus dur que mol. Si le maftic eft trop mol, le verre,
• en s’échauffant pendant le, travail, feroit fujet à fe
déjeter, il feroit difficile de le remettre rond, &
le travail deviendroit très-imparfait ; il eft donc
important qu’il foit un peu dur. On fait chauffer
j le maftic & le verre pour le maftiquer ; on les fera
' chauffer de même infenfiblement pour l’enlever de
deffus le mandrin; mais s’il reftoit du maftic attaché
au verre, il faudroitl’humeéler d’huile, le faire
chauffer de nouveau : alors le maftic pénétré par
l’huile deviendra liquide, & s’enlèvera aifément,
en l’effuyant avec un linge.
Le maftic dont on vient de donner la recette
eft très-bon ; mais il arrive, que, lorfqu’on ef-
fuie le verre pour enlever le maftic diffous par
l’huile , les grains de rouge brun d’Angleterre qui
font mordans, le rayent. Il vaudrait donc mieux
faire entrer le b’anc d’Efpagne au-lieu du rouge
brun, le verre ne feroit point expofé aux mêmes
inconvéniens, & le maftic n’en aurait pas moins
- les mêmes propriétés.
Il feroit affsz difficile de déterminer la forme des
outils; elle dépendra de celle que l’on aura deffein
de donner à l’ouvrage. Il ne peut être ici queftion
de burins, de gouges, de planes, ni d’aucun des
outils dont en fe fert pour tourner le bois, la pierre,
& les métaux.Tl ne faut pour les grandes parties
que des efpèces de lingots ronds, ovales, quarrés ,
proportionnés à la grandeur de l’ouvrage. On leur
donnera la forme néceffaire avec une lime ou une
râpe. On prendra des lames de cuivre rouge d’unè
ligne d’épaiffeur, & de trois ou quatre lignes de
large pour travailler les moulures. On leur don-
j nera auffi une forme convenable à l’ouvrage. A
I mefure quelles s’uferont, on renouvellera leur for-
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