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F I L D E
O n fait qùr quand le verre efl bien pénétré de
la chaleur du feu , les ouvriers peuvenr le former
& le façonner comme de la cire molle ; mais ce
qu’il y a de plus remarquable, c’eft qu’on peur
le réduire en fil d'une fineffe & d’une longueur
excefîive.
Nos fiîeurs ordinaires ne font pas leurs fils de
foie, de lin ou d’autres matières femblables, avec
autant d’aifance & de célérité, à beaucoup près,
que les fileurs de verre qui travaillent fur une
matière fi fragile.
On a des plumets de cette matière pour orner
la tête des enfans ; on en fait d’autres ouvrages
beaucoup plus fins que les cheveux , qui fe plient,
qui fe courbent, qui flouent comme eux au moindre
vent*
Il n’y a rien de plus (impie ni de plus aifé que
la méthode de faire cet ouvrage. On y emploie
deux ouvriers. Le premier tient une extrémité
d'un morceau de verre fur la flamme d’une lampe ;
& quand la chaleur Ta amolli, .un fécond ouvrier
applique un crochet de verre au morceau en fufion,
retirant enfuite le crochet, il amène un filet de
verre qui eft toujours adhérent à la ma fie dont
il fort. Après cela , approchant fon crochet fur
la circonférence d’une roue d’environ deux pieds
& demi de diamètre, il tourne la roue aufli rapidement
qu’il veut j certe roue tire des filets qu’elle
dévide fur la circonférence, jufqu’à ce qu’elle foit
couverre d’un écheveau de fil de verre, aptès un
certain nombre de révolutions.
La maflenui eft en fufion au-deflus de la lampe,
diminue infenfiblement, étant enveloppée , pour
ainfi dire, comme un peloton fur la roue ; & les
parties qui fe réfrbidiffent à msfiire qu’elles s’éloignent
de la flamme, deviennent plus cohérentes
à celles qui les fuivent, & ainfi de fuite. Les parues
les plus proches du feu font toujours les moins
cohérentes, & par conféquent elles cèdent plus
facilement à l'effort que fait le refte pour les tirer
vers In roue.
La circonférence de ces filets eft ordinairement
une ovale plate , trois ou quatre fois aufli large
qu’épaiffe. Il y en a qui font à.peine plus gros
que le fil d’un ver à foie , & qui ont une flexibilité
mer veille u fe.
V E R R E.
De là M. de Réaumur coxidud que la flexibilité
du verre croiffant à proportion de la fineffe des
fils , fi nous avions feulement lV t de tirer des fils
aufli fins que ceux d’une toile d’araignée, on en
pourroit fa re des étoiles & des dtaps propres
à s’habiller.
M. de Réaumur a fait quelques expériences à ce
fujet, & il efl parvenu à faire dès fils affez fins,
& à ce qu’il croit, aufli fins que ceux d’une
araignée , mais il n’a jamais pu les faire aflez longs
pour en fabriquer quelque chofe.
Du verre mallé.Me,
Une des plus belles découvertes des arts eft
fans contredit la compofition du verre ; fa rranf-
parence nous permet de jouir de la vue lies objets
extérieurs, fans être expofés aux injures de |air;
fon poli le rend propre à réfléchir, à mult p ier,
à peindre en quelque fo te tout ce qui ie piéfente
devant lui ; fufceptible de toutes fortes de formes,
on en peut faire des vafes plus ou moins tranfpa-
rens, propres a conferver toutes forres de liqueurs,
fans leur communiquer aucun goûr ; les acides
même Us plus concentrés n’ont aucune aélion fur
lui ; il n’a qu’un feul défaut, c’eft d’ê re trop fragile.
Les anciens, dit-on, avoient trouvé le fecret
de fendre le verre malléable ; mais ce fait paroît
très-peu certain, fi l’on en juge par les principes
de la faine phyfique.
L'état de malléabilité eft en contradiction avec
l’état de vitrification ; l’un eft exclufif de l'autre.
Les métaux poufles au feu, privés de leur phl<K
giftique, fe rapprochent de l’état du verre, &
perdent leur malléabilité; ce qui paroît prouver
qu’il eft impoflible de parvenir à faire du verre
malléable. Kunkelobferve qu’on pourroit à la vérité
découvrir une compofition qui auroit à l’extérieur
la reffemblance du verre , & qui fe plieroit, & fe
travailleroit au marteau ; il fe faifoit même fort
de former avec l’argent un gobelet tranfparent, fur
lequel on pourroit graver & cifeler toutes fortes de
figures , & qui feroit prefque malléable. Neumann
dit qu’en mettant en fufion la lune cornée, on en
fera un verre qui fe pliera, qui fera en quelque
f«ç n malléable, & dont on formera différentes
figures au tour & au moule ; Henkel croit qne cc
pourroit être le verre malléable dont les anciens
ont fait tant .de bruit.
verre*
V E R R E .
( Art de peindre sur )
Le- fieur Avelin a préfenté, en 1787, à l’Aca-
dèmie royale des Sciences , fes procédés pour
peindre fur verre. Cette compagnie a nommé MM.
Cadet & d’Arcet pour lui en rendre compte. Voici
l’extrait du rapport de ces commiffaires ; les détails
qu’il renferme fur l’art dont il s’agit, ne pourront
qu’intéreffer nos le&eurs.
»La peinture fur verre, née en France, pafla
vers le feptiéme fxècle en Angleterre, en Italie, &
fe répandit fuccefli veine ntda ns ie relie de l’Europe.
'Elle doit fon origine à la mofaïque, à l’art des
émaux & à l’ ufage des vitres en verres colorés,
qu’il ne faut pas confondre avec l’art de peindre
fur le verre. Cet ufage de verres de diverfes couleurs
exiftoit déjà-en Italie fur la fin du troifieme
.fiècle; c’eft de ces verres qne font formés les vitraux
: de la coupole de la Bafilique. de Sainte-Sophie,
\ élevée à Conftantinople par Juftinien«.
» L’art de peindre fur verre ne fut en honneur que
dans le douzième fié cle, au temps de l’abbé Suger;
mais ce n’eft réellement que dans le feizieme fiècle
qu’il parvint à fon plus haut degre de fplendeur;
il la dut à l’émulation que fit naître la renaiffance
des arts en Europe. Cette époque brillante ne fut
pas de durée. Ceux qui excelloient dans la peinture
fur verre, prenoient pour modèle les cartons
de Jean de Bruges, Michel Ange , Raphaël , Jules
Romain , &c. Mais les tableaux de ces^ grands
Maîtres qui fe répandirent, le bon goût qu’ils
: ramenèrent, éclipsèrent bientôt un art qui fe bor-
i noit à copier ces grandes compofidons.
D’ailleurs, ce genre de magnificence noble, mais,
trille, dont on décoroit les temples & les palais
[ des Princes, portoit une trop grande obfcurité
dans leur intérieur, fur-tout quand le fujet qu’on
peignoitétoit riche &compofé.La difficulté d’ouvrir
les croifées, la crainte de caffer ces vitraux , ,em-
I pêchoit de renouveler l’air, & l’interception des
I rayons de la lumière ajoutoit à fon infalubrité.
[ Cette réunion d’inconvéniens fir déçheoir la Pein-
I turefur verre avec tant de rapid té , que le célèbre
j Palifly fUt obligé d'y renoncer. 1 tourna fon talent
I du côté de la Poterie, & fe réel vu fit, pour vivre,
■ Arts £» Métiers, Tome VI11.
à peindre fur la fayence. Elle tomba tellement en
défuétude, que c’eft aujourd’hui une opinion prefque
généralement reçue que l’art eft perdu : cependant
une famille diftinguée , les frères Pierre & Jean le
Vieil, en confervoit depuis deux cens ans la con-
noiffance & la pratique, lorfque l’aîné en donna
à l’Académie l’hiftoire & la defeription, que cette
compagnie a fait joindre au Recueil des Arts
qu’elle publie ».
Il paroît que ce genre de peinture embraffe trois
procédés ; le premier confifte à fondre des verres
diverfement colorés, bleus, verts, violets,. rouges ;
ces verres, deftinés particulièrement à faire, des
draoeries | font taillés. & mis en oeuvre avec le
plomb. C ’eft l’art tel qu’il exiftoit dès le troifième
fiècle.
Le fécond procédé a pour objet, d’applique^
fur un verre blanc une couche de verre coloré
très-tendre, qui, à l’aide d’un feu ménagé, entre
en fufion & s’incrufte avec le verre blanc auquel
il communique fa couleur fans lui rien faire perdre
de fa tranfparence.
Enfin le troifième procédé eft l’application des
ombres, des demi-teintes & des. bruns plus ou
moins foncés ; attendrir aflez ces couleurs pour
les. attacher au verre ; ne pas déformer celui-ci
au feu & ménager l’intenfitè des teintes, font autant
de difficultés que préfente cette partie de l’art.
Le fieur Avelin a préfenté aux Commiffaires^
divers morceaux bien affemblés, un emr’autres
formant réeuffon & les armoiries d e France ; il a
peint, deux chrifts en couleur brune fur un verre
blanc de vitre; ces eff us ont mérité au fieur Avelin
l’approbation de l’Académie.
Nos temples nouveaux n’ont plus cette obfcurité
de nos églifes anciennes , fi favorable au recueillement,;
p-.-.ut-être feroit-il poffible d’y employer
la peinture fur verre-; les croifées font fi gra.- des,
fi multipliées, que le cenne ou le contour des
vitraux demeurant en verre blanc, en pourroit
décor,er & peindre le fur^lus fans nuire à la clarté.
C c c c