
bien même on les laifferoit fubfifter fur la plante
jufqu’au moment de la récoke. En les arrachant de
bonne heure, il eft même poffible encore de concourir
à la vigueur de ce qui refte.
Ces grappes ou épis n’excèdent point alors la
grofeur du petit doigt. On les dépouille de leurs
feuilles Si de leur bourre, on les fend en deux
morceaux , & on les fait frire avec de la pâte,
comme les artichaux : c’eft un mets délicat &
excellent.
M a ïs confit au vinaigre.
Dans les endroits où le maïs conftitue la nourriture
principale du peuple , les gens aifés ont
trouvé le moyen d’en multiplier les mets.. Les
jeunes épis dont on fe fert pour la friture, peuvent
être confits au vinaigre , & remplacer les
cornichons.
On effuie les épis avec un linge bien fec : on
les jette dans du vinaigre blanc, avec du fe l , du
poivre de Guinée , de la perce-pierre & de l’eftra-
gon : on laiffe je tout fur le feu , jufqu’à ce que
le vinaigre foit prêt à bouillir de nouveau; alors
on enlève les épis, on les met dans un pot, ainfi
que le vinaigre quand il eft refroidi.
Maïs bouilli.
Quand le maïs eft prefque mûr, il eft encore
doux & fucré : on peut, difent les auteurs , Tégre-
ner, le cuire & l’accommoder à l’inftar des petits
pois, auxquels ils ne balancent point de le préférer.
Mais je déclare, d’après l’expérience, que
le maïs , traité de cette manière, fe crève aifé-
ment dans l’eau, & qu’indépendamment de la
très-grande difficulté qu’il y a de le détacher de
1 épi, auquel il adhère fortement , le mets qu’on
en prépare ne fauroit être comparé aux petits pois ;
mais.il eft poffible que les Indiens, qui n’avoient
nulle connoiffance de ce légume excellent, trouvaient
, dans le maïs accommodé de cette manière
, un mets nouveau & délicieux.
Amlieu d’égrener le maïs avant fa maturité, j’ai
voulu eflayer d’employer l’épi dans fon entier,
perfuadé que la totalité , encore tendre & flexible,
moyennant fa cuiffon dans l'eau , augmenteroit de
molleffe, & deviendroit un légume de plus à
l’ufage de nos campagnes ; mais ces épis, au-lieu
de fe ramollir , ont acquis plus de confiftance.
Ainfi, ni le grain vert détaché de l’épi, ni l’épi
lui-même encore tendre, ne fauroit être propofé
ni employé parmi nous comme reffource.
Les mêmes auteurs prétendent encore que. le
maïs, parvenu à fa maturité, fe mange entier,
cuit dans l’eau, comme les Chinois & les Japo-
nois mangent le riz. Les louanges qu’ils prodiguent
à ce mets, m'avoient perfuadé que ce grain pour»
roit remplacer les femences légumineufes. Mes
tentatives réitérées à cet égard m’ont bien détrompé.
Il .paroît que le maïs , à mefure qu’il mûrit £
acquiert une forte d’état corné , qui augmente
d’autant plus , qu’il s’éloigne de l’époque de fa
moiffon. Cet état ne lui permet pas de fe gonfler
confidérabîement dans l’eau ; ce n’eft même que
long-temps après y avoir bouilli, qu’il prend un
certain degré de molleffe, encore loin de celui
qui conftitue ce qu’on nomme vulgairement la
cuiffon , & fans lequel ou ne fauroit admettre
l’ufage des grains entiers*
J’ai effayé fi, en laiffant macérer ie maïs dans
l’eau, douze heures avant "de l’expofer au feu ,
ce ne feroit pas le moyen d’obtenir plus promptement
& plus parfaitement le point de cuiffon
néceffaire. Le maïs blanc de Béarn & de Bourgogne
, le maïs féché au four, celui quia effuyé
une forte de torréfaftion, tous ces grains, traités
de la même manière, n’ont point acquis la flexibilité
de nos femences légumineufes..
Quoique te maïs ait cet avantage fur les autres
grains , qu’il ne faut pas toujours attendre qu’il foit
mûr pour en manger, nous fommes forcés de terminer
cet article, en difant que lé maïs en légume
n’eft point une nourriture agréable ni d’une grande
reffource; que jamais, dans ce cas, il n’offrira les
avantages des lentilles, ctes pois, des fèves & des
haricots, à môins qu’il n’y en ait une efpèce propre
à cette forme, comme il y en a une particulière,
fuivant quelques auteurs, pour les gruaux.
La Louifiane produit plufieurs fortes de maïs ;
favoir, le maïs à farine : il eft blanc, plat Si ridé ,
mais plus tendu que les autres efpèees : le maïs à
gru ou à gruau ; celui-ci eft rond, dur & luifant.
De cette efpèce il y en a de blanc, de jaune, de
rouge & de bleu. Le maïs de ces deux dernières
couleurs eft plus commun dans les terres hautes
que dans la Baffe-Louifiane. Nous avons encore le
petit blé ou petit maïs, ainfi nommé parce que fon
efpèce eft plus petite que les autres. On féme de ce
petit blé en arrivant, afin d’avoir promptement
de quoi vivre , parce qu’il vient fort vite , & qu’il
mûrit en fi peu de temps, que l’on en peut faire
deux récoltes dans un même champ & dans une
même année. Outre cet avantage, il a celui de
flatter le goû t, beaucoup plus que celui de la groffe
efpèce. { Hifioire de la Louifiane').
Emploi du Mais en potage•
Il né paroît point que nous mettions nulle part
en ’pratique l’opération des Américains, qui con-
fifte à féparer l’écorce du maïs, fans la réduire en
farine, foit en employant des moulins à pilon »
qu’un cheval fait mouvoir, foit en échaudant ce
grain avec de la leffive. Cette dernière méthode
eft dit-on, la feule qui foit adoptée chez les Nations
fauvages ; ils l’exécutent avec tant d’adreffe ,
que Colden avoit pris le maïs ainfi dépouillé de
fon écorce , pour une variété naturelle , en la
nommant le mais à grain nu., & que nous appellerons
maïs mondé plutôt que gruauparce que ,
fous cette dernière dénomination , nous entendons
toujours , en Europe, le grain plus ou moins con-
caffé avec fon-écorce.
Mais mondéi-
Les Européens établis en Amérique ont appris
des naturels du pay s , a faire , avec le maïs , une
efpèce de foupe. Les Français la nomment faga-
mité ; les Anglois, hommoni les Suédois, fapaan.
Après avoir fait ramollir ce grain-dans l’eau pendant
quelque temps r on le n*et dans un mortier
de bois, qui n’eft qu’un tronc d’arbre creufé. On
le preffe doucement avec un pilon , jufqu’à ce que
la peau foit féparée du grain : on ote les peaux,
& on a< le maïs mondé.
Lorfque le grain eft ainfi dépouillé , on le fait
bouillir avec de la viande ; lor-fqu’elle eft cuite,
la foupe eft faite : elle a le goût de la foupe de
pois. C’e ft, félon M. Kalm , un bon potage très-
fain & fort nourriffant ; mais il paroît qu’il n’eft
pas indiffèrent de fe fervir de toutes fortés-de maïs
pour cette préparation.
On diftingue deux fortes de maïs, dont l’un eft
propre à faire de là farine ,- & l’autre non. Ce
dernier a le grain tout rond, l’autre l’a un peu plat,
& fe diftingue par une efpèce de coup d’ongle ou
de rainure qui règne fur toute la longueur des
grains. L’un & l’autre ont leur u f a g e Si fervent
également à la nourriture des Sauvages, des Nègres,
des habitans, des voyageurs. On peut les
apprêter en quarante.-deux manières, dont chacune
a fon nom particulier. Il eft. inutile d’entrer ici
dans le détail de toutes ces différentes façons que
l’on peut donner au maïs ; il fuffit d’apprendre
aux le&eurs, qu’on en fait du pain , de la bouillie,
de la farine froide , de la farine grillée, du blé
boucané & féché au feu & à la fumée, qui, étant
cuit, a le même goût que nos petits pois, & eft
auffi fucré. On en fait encore ce qu’on appelle le
grut ; c’eft-à-dire qu’en le battant & le broyant
pendant quelque temps dans un mortier de bois ,
avec un peu d’eau qu’on y mêle, ©n en ôte la
peau ou enveloppe dont il eft couvert. Ce grain ,
ainfi concaffé & féché, fe tranfporte fort loin &
fe conferve parfaitement. Le plus fin qui refte ,
fert à faire la fagamïté , qui eft une efpèce de
bouillie cuite avec de l’huile ou de la viande. C’eft
un aliment très-bon & fort nourriffant; ( Mémoires
hifloriques fut la Louifiane ).
Maïs en gruaux.
Le maïs groffiérenaent moulu, fans avoir paffé
à la bluterie , peut fournir de très-bons potages,
étant délayé dans des véhicules nutritifs, tels que
les décoâions mucilagineufes , le la it, Sic. paffé
à travers un tamis ou un linge , 8c cuit, apiès
cela, plus eu moins.
Le maïs .ainfi écrafé , s’appelle en Rouffillon,
Jarre, du nom que les anciens donnoient au froment
groffiérement moulu , dont ils fe nourrif-
foient. Il pourroit offrir beaucoup de reffources
dans l ’état de maladie ; & nous ne craignons pas
de nous aveugler fur les véritables propriétés du
maïs, en affurant qu’il eft le grain le plus propre
à remplir cet ob jet, & que fi on connoiffoit tous
fes avantages fous cette forme, ce feroit un jour
le feul gruau dont ôn adopteroit 1‘ufage dans le
royaume ; car il eft même préférable à' celui d’orge
ou d’avoine.
Des femoules.
Le maïs, priyé de la portion de farine qne
les meules ont réduite en poudre fine, Si *de
fon écorce, offre un petit grain jaune, n e t ,
fort appétiflant, & qu’on peut traiter comme
les femoules, dont il remplit les indications.
Combien de conftitutions foi blés , d’eftomachs
fatigués par les excès de la table ou par les
ma’adies, q u i, ne pouvant digérer de nourritures
fblides, fe trouveroient foulagés & même guéris
par l’ufage du maïs pris en gruau ou en fe-
moule 1 L’aliment qui en réfulte, n’a prefque
pas befoin d’affaifonnemens étrangers ; il eft
doux 8i léger; il n’a ni l’âcreté de l’orge , ni
l’amertume de l’avoine, ni la glutinofité du froment
: il poffède même une propriété qui mé-
riteroit une attention particulière dans certaines
circonftances , celle . d’être apéritif. Quelques
habitans du Bas-Bugey m’ont affuré que quand
ils en mangeoient à leur dîner, en guife de foupe ,
ils avûient befoin d’uriner plus qu’à l’ordinaire.
Maïs en vermicelle.-
La confommation qui fe fait maintenant des
pâtes d’Italie; & dont il rs’eft établi plufieurs
fabriques à Paris, m’a faille entrevoir l’ef-
pérance d’en préparer également avec le maïs.
J’ai fuivi , chez un de . nos Vermicelliers le
plus intelligent, toutes les opérations de fou
art, en variant la température de l’eau peur
pétrir, depuis l’état naturel jufqu’au degré bouillant
; fans pouvoir donner à la pâte cette continuité
tenace & glutineufe dont elle a befoin
pour s’allonger fans fe rompre , & fe prêter aux
differentes formes qu’on lui. donne. -