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en diminuant la mafle-totale du verre, & confé-
quemmenr ajouter a la caufe. du vice que l'on
voudroit prévenir.
Dans -les verreries chauffant en bois , on peut
employer, dans là com: ofition, plus de charrée
que dans les verreries chauffant en charbon. Dans
les premières, le bois ne fourniffanr qu’une cendre
très-légère & peu abondante, on peut tifer pendant
le t tavail, prelqu’auffi fort que pendant les fontes :
le verre conferve toute la matière de la chaleur
qui lui eft néceffaire, et le fuin s’y trouve, ainfi
que la terre alkaline , dans un état toujours à-peu-
près égal de volatiliiation ou de divifion. D^ns les
fours en charbon , au contraire, les cendres, plus
pelantes & plus abondantes, gâteroient les pièces
fabriquées, & l’on eft obligé, par cette raifon ,
à ne pas tifer pendant le travail; le verre fe refroidit
, & alors il perd fa tranfparence, & paroit
plus ou moins opaque, &. plein de boutons fem-
blables à de la graille. 11 doit cet accident, en
partie au tel de verre dont la diflipation celle par
le refroidiffement, & qui alors devient fenftbie à
la vue, mais plus encore à des parties de terre
alkaline , qui font moins diffoutes par la chaleur,
qu'extrêmement divifées , £i qui, par la diminution
du menftrue , ne peuvenrplus demeurer dans
leur précédent état de divifion. Le verre, dans
cet état, eft dit amb'.té ou devenu chapeau. On voit
que , lorlque la dofe de terre alkaline fera trop
forte, & que l’on ne pourra pas continuer le ti-
fage, le verre fera plus fujet à devenir ambitè. On
fe débarraffe de ce défaut en ceffant le travail, et
en tifant de nouveau & avec force, ce qu’on appelle
raffiner ; mais ce ne peut jamais être fans
perdre du temps & du charbon. Par le refroidiffement
, le verre devient aufli cordelé , c’eft-à-dire
que l’on y obferve des fils plus ou moins gros :
ce vice vient de défaut d’union entre les diverfes
parties du verre : on le fait difparoitre en -mêlant
le verre par une vive agitation , par le dèmaclage
&. fur-tout en raffinant.
On peut faire du verre noir avec le picadil des
fabrications plus foignées , telles qtie la gobeleterie
ou les glaces , (oit fouillées foit coulées. Le picadil
elt la maffe vitreufé qui fe trouve fur l’âtre des
fours de fufion chauffant en bois, .& qui eft produite
par le verre qui s’écoule des pots caffés , ou
qui eft répandu en enfournant, & qui, mêlé plus
ou moins avec les cendres ou la braife, prend une
teinte noire ou plus tôt d’un jaune très-fombre.
On pulvérife & l’on tamife ce picadil : on le fritte
dans les arches cendrières, & l’on y mêle une certaine
quantité , foit de cendres, foit de charrée,
foit d’alkali, pour qu’il devienne moins dur, moins
aigre en le refondant.
Les produits volcaniques, la lave & le bafalte,
que, dans l’article précédent, nous avons présentés
comme un fondant, fourniffent un verre. La diffé-
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rence la plus fenftbie. que l’on puiffe remarquer
entre ces deux fubltances, c’eft que la lave paroit
plus complètement vitrifiée que le bafalte. Quant
à leur car.aéfère propre, il paroit que l’une &
l’autre proviennent des fubftances, foit falinès
foit terreufes , foit enfin métalliques, que le feu
fouterrein des volcans a miles en fufion d’une manière
plus ou moins complette. Nous nous écarterions
de notre fujet, fi nous cherchions à dif-
cuter ici les caufes-des volcans. Il nous fuffit de
fa v oir , par l’expérience & par toutes les obfer-
vations, que leur cratère vomit des courans de
matières fondues par l’aâion du feu, qui, après
leur refroidiffement, fe préfentent en niaffes plus
ou moins légères, plus ou moins poreufes, plus
ou moins folides, & la plupart d’une couleur noire
ou d’un jaune très-fombre. Il doit néceffairement
exifter une très-grande variété entre les diverfes
efpècès de lave ou de bafalte' recueillies
dans les divers volcans, & elle eft due aux différentes
matières dont la fufion a produit ces différentes
laves ou ces divers bafaltes. Lçs laves ou
bafaltes ne font pas aufli rares que l’onferoit peut-
être difpofé à le croire : outre les volcans qui,
encore dans ce moment, effrayent notre imagination
par leurs phénomènes exiftans, & par les
ravages de leurs éruptions encore récentes , on
en trouve dans beaucoup de contrées qui font
éteints, dont la tradition la plu* reculée ne nous
tranfmet pas Texiftence , mais dont le cratère,
dont les courans ne peuvent fe dérober à l’oeil
attentif de l’obfervateur ; tels font ceux du Viva-
ràis. Il y a beaucoup d’autres volcans éteints dans
les autres "parties du Languedoc : bien des rivières
roulent, dans leur cours, des morceaux de lave
ou dé bafalte, & dépofent, fur leurs bords, des
fables volcaniques , c’eft-à-dire, des laves ou des
bafaltes triturés & pulvérifés , foit par l’adion d.s
eaux, foit par leur choc mutuel.
La fufibilité de la lave & du bafalte a été néceffairement
foupçonnée. Il étoit difficile de ne. pas
efpérer qu’une fubftance qui avoit déjà été fondue,
entreroit de nouveau en fufion par l’aéfion d’un
nouveau feu. On a fournis ce foupçon à l’expérience
; & en .effet, prefque tous les chimiftes qui
ont écrit fur cette matière, ont annoncé .cette fufibilité
de la lave & du bafalte; mais tout s’étoit
réduit à des épreuves de laboratoire , & on n’avoit
pas cherché à faire, de la propriété qu’on avoit
découverte aux produits volcaniques, une jufte
application aux arts. En 1780, M. Chaptal, pro-
feffeur (Je chimie , que nous avons déjà cité avec
reçonnôiffance dans l’article précédent, conçut le
projet d’employer la lave dans les verreries. Après
avoir fait, dans fon laboratoire, quelques expériences
préliminaires , il rémit douze à quinze livres
de lave du volcan éteint de Montferrier, près
de Montpellier, à M. Ducros, maître de verrerie,
qui exploitoit à Saint - Jean , près d’Alais, une
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verrerie chauffant en charbon de terre. Cet artifte 1
xnit en fufion la lave pure & fans mélange ; elle
fondit très-vite, & on en fouffla deux bouteilles
plates, très -légères, d’un beau poli, & noires ,
c efl-à-dire, d’un jaune très-foncé ; ellesfont encore
confervées dans le cabinet de M. Chaptal.
M. de Caftelvieil, autre maître de verrerie de
la même province, apprenant ce fuccès , voulut
répéter les mêmes expériences ; mais fon four,
chauffant en bois, ne lui donna pas les mêmes
réfultats : la lavé lui parut trop réfraâaire. On ne
peut attribuer, puifque la matière étoit la même, la
différence obfervée, qu’à celle de la chauffe : le
feu de charbon de terre fe trouva plus aâ if que
celui produit, par les verriers languedociens, avec
du bois de médiocre effence, dans des fours français,
conftruits de la manière la plus défavanta-
geufé ; il fallut donc varier les compofitions, &
ceïlequiréuflit le mieux, fut un mélange de fable,
de foude & de lave, en parties à-peu-près égales.
Cette combinaifon produifit un verre vert d’ofive,
dont on fouffla des bouteilles qui, à dimenfions
égales, fe trouvèrent pefer beaucoup moins que
celles de verre ordinaire. Les expériences de M.
Chaptal prouvent cependant qu’elles offrent plus" I
de réfîftance à l’aéfion de leur contenu. Ces expériences
furent publiées par leur auteur, dans l ’as-,
semblée publique de la foçiété royale des fciences
de Montpellier, en 178a, & elles ont depuis été
vérifiées par M. Joly de Fleury, alors contrôleur-
général des finances. La bonne qualité des bouteilles
de M. de Caftelvieil lui en affura le débit :
fa fabrication ne pouvoit pas fuffire aux demandes
des confommàteurs ; mais ce fuccès ne fut pas
très-long. Au bout d’environ quatre années , les
bouteilles n’eurent plus les propriétés qui les
avoient rendues recommandables, la fabrication
perdit de fon crédit & fut abandonnée. Cet événement
juftifïe jce que nous avons dit ci-deffus, de
la variété qu’éprouvent les diverfes laves dans leur
fufibilité & leurs autres qualités, a
M. Giral, propriétaire de la verrerie d’Erepian,
près de Beziers, a aufli effayé l’emploi de la lave;
mais fon four étant conftruit à l’allemande, &
chauffant en charbon de terre,-il trouva la lave
pure trop fufible ; il en fit cependant des bouteilles,
dont M. Chaptal conferve des échantillons
très-folides & du plus beau noir. Il ajouta à la
lave, un quart de fable; alors, comme on devoir
s’y attendre , le verre fut moins promptement
fondu , & la couleur en fut d’un noir moins beau
& moins décidé. Le même artifte a aufli tenté,
avec quelque fuccès , de couler du verre de la v e ,
pour en former des pavés. Il eft à obferver que la
lave fondue fans mélange, au rapport de tous ceux
dont le feu a pu opérer cette fufion , a été , dans
, moins d’une heure , vitrifiée afiez- complètement
pour permettre de fabriquer des bouteilles & d’aubes
vafes.
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J’ai aufli effayé avec M. Chaptal, diverfes compofitions
de verre, dans lefquelles la lave entroit
comme une des principales matières ; & pour avoir
des objets de comparaifon , nous fondîmes en
même temps de la lave pure & quelques compofitions
où il n’entroit point de lave ; mais nous
n’^vions pas, dans cet inftant, à notre difpofition ,
des fourneaux de verrerie, & nous nous contentâmes
d’un feu de poterie en charbon de terre. Je
vais rendre compte du fuccès de nos expériences,
& le leéleur intelligent diflinguera aifément ,
comme nous le fîmes nous-mêmes, ce qui, dans
nos réfultats , eft dû à l’infuffifance du feu que
nous employâmes : on peut être affuré, fans courir
rifque d’aucune erreur, que ce qui, au fourneau
de poterie , produit une forte agrégation
ou tout au plus une fufion incompletie, produi-
roit dans un bon fourneau de v e r r e r ie la vitrifi-
- cation''la plus parfaite.
Nous mîmes en même temps dans le lieu du
four qui nous parut le plus expofé a la flamme
du tifar, fept creufets que nous garnîmes chacun
d’un couvercle , & que nous compofames comme
il fuit, -après les avoir numéroté?. Le creufet nQ. 1
contenoit, fans aucune addition, la lave la plus
dure que nous avions pu trouver, fans cependant
qu’elle eût ni la dureté, n i, à la caffure, le tranchant
du bafalte.
Le creufet n°. 2 étoit rempli d’un mélange de
i de lave, j de cendres & \ quartz blanc pulvé-
rifé.
Le creufet n°. 3 contenoit { de lave & \ de
fable ordinaire , ou débris d’un grais quartzeux gris
cendré.
Le creufet n°. 4 étoit compofé de parties égales
de cendres & d’un granit volcanique tiré de Saint-
Adrien, près de Beziers.
Le creufet n°. 5 contenoit,. 75 de foude d’affez
médiocre qualité, 1 f i fable ordinaire , & 77 de
cendres.
La compofition du creufet n°. 6 étoit ~ de lave,
| de marc de foude, f de fable ordinaire.
Enfin, nous enfournâmes dans le creufet n°. 7 ,
du fable pur de la rivière d'Orb, fur les bords de
laquelle nous étions, parce qu’à l’infpeéUon, nous
avions jugé que ce fable contenoit beaucoup de
détrimens de lave , dont l’Orb fe charge en tra-
verfant les pays volcaniques qu’elle parcourt.
Les fept creufets mis au feu en même temps,
fubirent le même degré de chaleur, & ils furent
retirés enfemble après environ quinze à dix-huit
heures de chauffe. Voici les réfultats qu’ils nous
donnèrent.