
d’un détail très-confidérable, & doit être conduit
par des chefs très-intelligens.
Le ficelage,
A mefure que les carottes fortent des moules,
on a foin de les envelopper fortement avec des
lifières , afin que dans le tranfport, & par le
frottement, les longueurs ne puiffent fe défu-
nir , 8c elles font livrées en cet état aux fice-
leurs.
Le fice’ age eft la parure d’un bout de tabac ;
ainfi , quoique ce foit une manoeuvre {impie ,
elle mérite beaucoup de foin, d’attention, &
de propreté : la perfe&ion confifte à ce que les
cordons fe trouvent en diftance bien égalé ,
que les noeuds foient rangés fur une même ligne,
& que la vignette foit placée bien droite;
la ficelle la plus fine, la plus unie, & la plus
ronde , eft celle qui convient le mieux à cette
opération.
Lorfque les carottes font ficelées, on les remet,
à quelques ouvriers deftinés à ébarber les
bouts avec des tranchoirs : cette opération s’appelle
le parage, & c’eft la dernière de toutes ;
le tabac eft en état alors d’être livré en vente,
après avoir acquis dans des magafins deftinés à
cet ufage , le dépôt'qui lui eft néceflaire pourfe
jperfeâionner.
Moulinage du tabac*
Il eft des queftions qui intérefîent en même-
temps les fciences Sc l’ordre politique & focial ;
elles montrent parla multiplicité de ces rapports,
combien les connoiflances Scientifiques font utiles
aux différentes claffes de citoyens. Nous infifterions
davantage fur cet objet s’il y avoit quelques doutes
; mais grâces aux lumières qui font généralement
répandues, des détails font ici abfolument
inutiles.
Depuis qu’on a introduit le moulinage du tabac
dans quelques manufactures , 8c fur-tout dans la
manufacture royale de Cette , des murmures fe
font élevés contre ce procédé.
Des perfonnes mal intentionnées , peut-être
même intéreflees à le contrarier, avoient infinué
fonrdement que les Fermiers-Généraux en abu-
foient pour employer les côtes & nervures des
tabacs défectueux , les mauvais tabacs faifis fur
les contrebandiers , même des matières capables
de nuire à la fanté.
Quelques mouvements furvenus depuis en Bretagne
avoient renouvelé ces murmures.
Pour les faire ceffer & difliper toutes préyen-
T A B
tions , les Fermiers-Généraux ont pris le parti dé
requérir la defcente d’une commflion de la Cour
des Aides de Montpellier , à la manufacture de
Cette , au bureau général , à l'entrepôt & chez
les débitans de Montpeiier , afliftée de deux
experts, nommés refpeCtivement par M. le Procureur
Général 8c par les Fermiers-Généraux.
Cette commiflion a vérifié à Cette les différentes
efpèces de tabacs , dans tous les états
poflibles de la fabrique , depuis l’introduCtion
en feuille , jufqu’à leur fortie en carottes ou en
poudré.
Le procès-verbal tenu à ce fujet, & le rapport
des experts , imprimés à la fuite de l’arrêt, pré-
fentent un tableau fatisfaifant des procédés de la
manufacture , & des moyens employés par les
experts,MM. Goian , profeffeur en médecine , 8c
Joyeufe -, démonftrareur en chimie , pour vérifier
la nature des différens tabacs , & s’afiurer de la
fidélité & de la falubrité des opérations qu’on emploie
à leur préparation dans la manufacture. Le
rapport a été autorifé par un arrêt de la Cour
des Aides , le 9 décembre 1786, lequel décharge
l’adjudicataire des fermes , fes commis &
prépofés , de toutes plaintes & recherches à
raiion du tabac en poudre , l’autorife à-continuer
de le vendre ainfi , avec défenfes à toutes perfonnes
de lui donner aucun trouble ni empêchement
, & aux débitans d’entreprendre la pulvérisation
du tabac, de quelque manière que ce
foit , comme auffi d’altérer 8c dénaturer celui
qu’ils auront levé aux entrepôts , à peine d’être
pourfuivis comme employés infidèles.
Nous allons préfenter , d’après le rapport des
favans experts que nous venons de nommer ,
le détail des opérations, qui fe pratiquent dans
la manufadure de tabac. Q n y emploie du tabac
de Mariland , du tabac de Virginie , du tabac
d’Hollande , du tabac d'Amersfort, du t«bïc d’ Al-
face. Ces tabacs font en manoques ; la manoque
eft un paquet compofé de vingt ou trente feuilles ,
appliquées les unes fur les autres , & attachées
par le bas à la faveur d’une feuille.
Expofè des préparations quon. fait fubir au tabai
dans la manufacture.
Quand même le détail des opérations qu’on .
pratique dans les manufactures de tabacs ne fer-
viroit qu’à fatisfaire la curiofiré , le nombre de
ceux qui prennent du tabac eft fi grand , que la
defcription fuivante ne peut qu’être agréable à la
plupart de nos leCteurs.
La première de ces opérations eft Vépoulardage ,
la fécondé, la moüillade ; la troifième , i’écotage ;
la quatrièmele hachage ; la cinquième, Je filage,
la fixième, le carottage ; la feptlème , le ficelage ;
enfin la huitième, le moulinage.
i° . Vépoulardage confifte à' dépouiller le tabac
de toutes les parties hétérogènes : les ouvriers
employés à cette main-d’oe uvre, prennent les
manoques , en féparent les feuilles une à me ,
les fecouant pour en faire tomber la terre , jettent
les feuilles gâtées ;& celles qui ont quelque
défeCtuofité , moififfure, 8cc. font coupées à un
pouce dans le v i f , au-deffus de la portion gâtée ;
oe-là elles font portées dans un atelier voifin ,
diftribué en cafés , où elles font rangées par
couches.
2t°. La Moüillade : à mefurè qu’on forme les
couches , on les arrofe tant foit peu ; cet arro-
fage ou moüillade n’eft que l’eau commune dans
laquelle on a mis du fel marin en diftolution :
elle eft d’une néceflité abfolue afin de difpofer
les feuilles à l’écotage ; & le fel qu’on y ajoute
eft également néceflaire pour prévenir une altération
quelconque , & pour empêcher tout mouvement
de fermentation putride. La moüillade ou
eau falée, eft préparée dans des baquets ronds
de trois pied-s de diamètre , fur deux pouces
plus haut que le fond. O a a loin d’écumer tout
ce qui fumage ; les fédimens terreux 8c les fubf-
tances infolubles vont à fond au deflous du ror
bintt : on donne deux livres d’eau par quintal
de tabac plus ou moins, eu égard au degré
d’on&uofité. Quant à la proportion de dix livres
de fel fur cent livres d’eau , elle eft conforme à
tous les principes de la chimie 8c de la phyfi-
que.
30. Üécotage ou tirage des côtes : l’atelier où
on y travaillé eft au premier étage, & n’eft occupé
que par des perfonnes du fexe, attendu
que cette opération eft plus fimple , moins pénible
oc plus minutieufe : les femmes, filles 8c enfans
y font rangés par ordre 8c comme par cafés ,
afin de ne point s’y embarraffer ; d’une main elles
prennent les feuilles par un b out, 8c de l’autre
elles arrachent la groffe côte dans toute la longueur
de la feuille. Les feuilles écotéts font portées
au fond de l’atelier voifin, où elles font d’abord
rnifes fur des tables ou claies de fil de fer ;
des femmes y font occupées à repaffer les feuilles
pour en ôter les nervures qui auroient pu échapper
avtx écoteufes, & afin d’en faire tomber toute
efpèce de matière.
Ces deux tables ou grilles font féparées par
une grande trappe ou trémie qui correfpond à
l’atelier de l’époulardage , en forte que les feuilles
écotées & purgées de toutes les terres & fables,
tombent en partie dans l’atelier de l’époulardage ;
on évite par-là une perte de temps, & le tranfport
des matières d’un atelier à l’autre. Les feuilles
criblées & mondées font, comme on l’a déjà d it,
e# partie jetées à l’atelier de deflous pour être
hachées efc pulvérifées , & une autre partie eft
retenue pour être mife en corde 8c en former les
rôles 8c les carottes.
Le tabac de Virginie reçoit moins de moüillade,
& quelquefois point du tou t, parcequ’il eft fort
onctueux, & qu’il arrive affez Souple pour être
écoté fans cette préparation ; 8c quant aux tabacs
d’Alface 8c de Hongrie , ils ne font point fournis
à l’écotage , à caufe de la petiteffe de leurs
côtes 8c nervures.
40. Le Hachage : les machines propres à cette
opération font de l’invention de M. de Parcieu,
8c bien dignes de leur auteur.
Une table horizontale , une roue verticale , une
vis placée horizontalement à l’extrémité de la
table , une hache large placée verticalement ÔC
enchâffée dans une coulifle, font les principaux
inftrumens qui les compofent. Un homme feul
fait aller cette fuperbe machine. La même roue
qui fait monter alternativement 8c defeendre le
hachoir , fait pareillement avancer la vis , qui
pouffe en même-temps le plateau mobile fur lequel,
on a mis le tabac à hacher. Celui qui eft
haché fort avec le plateau & fait place a 1 autre ,
jufqu’à ce que toute la vis foit enfoncée & que
tout le tabac foit haché.
50. Le Filage ou filature n’eft autre chofe
que les feuilles de tabac mifes en corde ou rôle ;
c’eft dans le même atelier du criblage que font
placés les tables.8c rouets propres à cette main
d’oeuvre. L’ouvrier prend plufieurs feuilles à la
fois , les tortille enfemble fur une longue table ,
en les couvrant d’une large feuille pour les contenir
, 8c paffe légèrement la main fur une petite
éponge imbibée d’huile douce, tant pour donner
de la foupleffe aux rôles que pour éviter la fé-
chereffe , l’odeur que la chaleur de la main 8c
le frottement pourroient occafionner.
Le rouet placé à l’extrémité de la table , forme
une efpeçe de boudin, nommé rôle, de plufieurs
aunes de long , & ces rôles , ainfi formés
, font enfuits dépofés dans un atelier au
rez-de-chauffée, 8c y reftent le temps néceffaire
pour que le -tabac y acquière une parfaite combinaison.
6°. Le Carotage : les rôles ayant été entaffés
pendant le temps convenable , font portés dans
un autre atelier voifin, où des ouvriers les déroulent
, les coupent en pièces de la longueur
requife pour les carottes.
Huit bouts fuffifent pour en former une : on
les place paralellement entre deux lames de bois
creufes de la forme de la carotte 8c de la même
longueur. Ces deux lames ou moules rapprochés
repréfentent un carré qui auroit été creufé dans
: fa longueur 8c du diamètre de la carotte. Les rôles