
cercles. Pour prévenir ces accidens, on a deux
moyens qu’ un met en ufage : le premier confifte
à retourner les fonds ; le fécond à les barrer.
Pour remédier à l’inconvénient d’un fond qui
s’eft gonflé , ou qui a du trop-fond, en terme
d’ouvrier, le tonnelier ôte un cercle ou deux de
fon tonneau vers les extrémités, & lève avec
le tire-fond feulement la maîtreffe-pièce qu’il diminue
de largeur fur la colombe fur les deux côtés
qui avoifinoient les deux aiffelières ; & il la
remet en place, comme nous l’avons décrit en
parlant de fa première conftruéUon.
Quand les tonneliers veulent épargner fur le
temps, & ménager le bois qu’ils emploient, au
lieu de travailler la maîtreffe-pièce ; ils foulèvent
le chanteau, qu’ils diminuent fur lè côté qui tou -
choit l’aiffeliêre la plus proche. Ils ont fur-tout
cette pareffe, quand il 's’agit de fubftituer une
pièce à un fond qui n’a pas allez de dimenfion.
Ils épargnent quelque chofe fur la planche qu’ils
emploient; ils font un mauvais ouvrage, & qui
n’eft pas régulier.
On ne peut retoucher ou changer que la maîtreffe
pièce , celle du milieu, quand on veut qu’on
ne s’aperçoive pas de la inal-adreffe & du peu
de probité de l’ouvrier.
Pour foutenir chaque planche & les empêcher
de fe coifiner, on doit donc encore barrer les
fonds.
Mais dans toutes les grandes pièces, dont les
fonds ont quelquefois dix à douze pieds de diamètre
& au-delà, on ne les barre point ; ou fi
on le fait, c’eft une pièce de bois de chêne,
fans aubour, de cinq à fix pouces quarrés d’é-
paiffeur, dont les extrémités font retenues par
des crampons de fer.
La barre, dont on fe fert ordinairement pour
foutenir les fonds , eft compofée d’une pièce de
bois de la longueur du diamètre du fond. Ainfi
fa longueur doit varier fuivant les dimenfions
de la pièce dont elle doit foutenir les fonds. Elle
a environ quatre pouces de largeur fur un pouce
d’épaiffeur.
Cette barre eft fouvent faite de bois de chêne,
garni de fon ‘ aubour, & l’on s’inquiète peu de
fa qualité. Comme c’eft un ouvrage qui fe fait
dans la forêt, nous ne le détaillerons point ici.
Le tonnelier dreffe feulement cette barre avec
la doloire & la plane, & pratique fur chacune
de fes extrémités un bifeau de cinq à fix pouces,
qui fé termine à l ’endroit ou ceffent de porter
les chevilles dont nous allons parler, & qui
doivent la retenir. Ils achètent les barres au cent,
ainfi que les chevilles.
Il commence par former dans les douves les
ouvertures où doivent -fe pofer les chevilles qui
font deftinées à retenir la barre. Il fe fert pour
cela du barroir , ou de la vrille à barrer. C ’eft
une tarière dont le fer eft fort long , & la
mèche fort étroite. Nous allons en dire la raifon.
Le tonnelier fait premièrement avec cette tarière
les trous qui doivent porter les chevilles
du côté de la circonférence du jable, qui eft la
plus éloignée de lui. La tige qui porte la vrille
eft fort longue, pour qu’elle puiffe traverfer la
futaille. Il a l’attention de former ces ouvertures
à deux pouces au-deffus du fond , pour laiffer
l’épaiffeur de la barre.
Il place une extrémité de ' la barre fousi ilés
chevilles qu’il a enfoncées dans les trous faits
au jable, & au-deffus d’un des fonds * Mais pour baif-
fer la barre , & affujettir l’autre côté par les chevilles
, fur-tout lorfque le planches du fond font
bouges, & faire porter cette fécondé partie de la
barre .fur le fond , il faut que le tonnelier ait recours
à la tire à barrer , ou tiretoir.
Il fâifit avec le crochet de fer de cet outil,
un cercle qui lui fert de point d’appui ; & plaçant
l’extrémité de la tire à barrer fur la barre,
il iève le manche, & s’en fert comme de levier,
pour faire baiffer la barre, jufqu’à ce qu’elle porte
fur le fond. Il l’y retient par des chevilles pareilles
aux premières.
Les chevilles des tonneliers , avec lefqueHes
ils retiennent les barres & affujettiffent les pièces
des fonds d’un fût ou d’une futaille , font ordinairement
de chêne.
Dans quelques endroits on les formé cependant
de peuplier, de faule ou de bouleau.
Nous ne parlerons point encore des moyens
employés pour les fendre : c’eft l’ouvrage des
ouvriers fendeurs. Nous dirons feulement qu’elles
font équarries, & qu’elles portent quatre à cinq
pouces de longueur. Le tonnelier les pofe & les
frappe dans les trous qu’il a faits aux douves au-
deffus de la barre.
L’ufage de quelques provinces eft de'garnir
la barre de quatre à cinq chevilles fur chacune
de ces extrémités ; & dans d’autres, on n’en met
que deux fort petites. En Bourgogne , les tonneliers
en mettent beaucoup plus ; ils eh garniffent
prefque toute la circonférence des fonds d’une
futaille. Il leur faut pour lors donner beaucoup
plus de longueur ; & elles ont fept à huit pouces.
Nous ferons remarquer dans un moment,
que les chevilles ont d’autant plus de force,
qu’elles portent fur les cercles doubles, appelés
Jommiers.
Il paroitroit que l’on pourroit prévenir un des
inconvéniens que nous venons de détailler du
trop fond, & des bois qui renflent quelque temps
après que l’on a rempli le tonneau de liqueur,
fi l’on commençoit par placer la barre avant d’y
mettre le vin : cette barre retiendroit le bois qui,
en renflant, demande à s’écarter; mais le tonnelier
a de bonnes raifons pour ne la placer que
quand les bois imbibés ont fait leur effet.
i ° . Il eft plfus avantageux que le bois foit humide
& gonflé, pour former fur l’extrémité des
douves les trous qui doivent porter les chevilles.
Si le bois étoit fe c , il fendroit, & la douve
deviendroit défeâueufe.
i ° . Le tonnelier formeroit fes trous trop bas ;
& le bois venant à fe gonfler & à s’alonger,
on ne pourroit plus retoucher le fond ; & les trous
des chevilles fe trouvant pour lors mal-placés,
nuiroient au changement qu’on auroit été maitre
de faire au fond de la pièce, dont toutes les parties
auroient augmenté de volume.
, Enfin c’eft un ouvrage que le tonnelier remet
à riiiyer ; & c’eft un temps ou il eft plus tranquille
& moins furchargé d’autres befognes qui fe trouvent
réunies dans celui ou l’on tire les vins.
V, Du reliage des tonneaux.
Comme les tonneliers conftruifent des pièces,
fûts ou futailles, cuves , poinçons, &c, de différentes
grandeurs, & que les cercles deviennent
les liens des douves qui fervent à les former, ils
doivent faire provifion de cercles ou cerceaux de
différentes dimenfions , forces, longueur & largeur.
Il ne feroit plus temps d’en faire l’acqui-
fition,, quand on viendroit chercher le tonnelier
pour relier une pièce dont plufieurs cercles auroient
déjà manqué.
On eft convenu d’appeler cercles, plus communément
ceux des grands vaiffeaux, comme cuves,
cuviers, baigpoires, &c. cerceaux, de plus
petits qui fervent pour les barrils, fûts, futailles,
&c.
Le tonnelier doit fe munir de cercles pour les
cuves, les baignoires , cuviers ; & de cerceaux
pour les futailles, tonneaux, quarts, &c.
Différens bois fervent à former les cercles. Les
meilleurs font ceux do chêne , de châtaignier,
de noyer , d’orme , merifier, laufier-cerife, épine ,
&c. On en fait encore avec du coudrier, & avec
de jeunes branches de mûrier.. Ce bois eft très-
tendre & pliant ; ce qui engage à l’employer particulièrement
en cerceaux pour les petits barrils.
On en forme aufti avec le frêne; & de moindre
qualité, avec le bouleau, le faule, le peuplier
& autres bois blancs. Ces derniers fe fendent
aifement ; mais ils pourriffent très-promptement.
Nous n’entrerons pas dans das détails fur la
fabrique des cercles ; ce feroit fortir de notre objet,
puifque le tonnelier les achète tout faits.
Nous dirons feulement que l’on fe fert de jeunes
taillis, dont les pouffes font coupées tous les dix
à douze ans , qu’on les fend, & qu’on les façonne
en cercles.
Dans les pays de vignobles, le tonnelier fe
procure les perches de frêne, de faule, & il les
refend; il les amincit avec la plane, il les plie
fur un morceau de bois arrondi , il les met en
forme dans une croix garnie de chevilles pofées
circulairement , puis il les- lie en rouelles , meules
ou bottes , qu’il réferve pour le befoin. Les particuliers
qui ont des vignes , font ces provifions
pour les livrer au tonnelier, qui relie chaque année
leurs futailles.
Le tonnelier achète ces cercles en rouelles ,
meules ou bottes , compoféès de plus ou moins
de cercles ou cerceaux, fuivant l’ufage du pays
d’où il les tire, & la groffeur du cercle. Les plus
grands cercles que l’on prépare dans la forêt
d’Orléans, ont trente-neuf à quarante pieds de
long. Les plus petits cercles de cuves ont dix-
huit pieds de long. Les cercles de cuves s’arrangent
fix à fix , & fe vendent ainfi ^au fixain. Les
cercles de tonneau ou demi-pièce font liés quatre
par quatre l’ un dans l’autre, & forment une
rangée.
Six. rangées compofent ce qu’on appelle une
rouelle. Ainfi la rouelle^contient vingt-quatre cercles,
qui font retenus & liés enfemble.
Six rouelles font une pile , & fept piles paffent
pour un millïer , quoiqu’il contienne mille &
huit cercles. Les quarante-deux rouelles forment
ce que le tonnelier achète pour un millier.
Les cercles pour les pièces de quatre font nommés
cercles de plein-pied. La rouelle de ces cercles
n’eft compofée que de douze cercles, fix rouelles
à la pile, & fept piles au millier. Ils fe livrent
au même prix que les premiers dont nous
avons parlé. Mais comme ils ont de plus grandes
dimenfions , on les vend moitié moins en nombre.
Le cerceau doit être garni de fon écorce, point
vermoulu, ni trop caffant. On eft obligé dans la
V a