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Quelques-uns fe fervent pour tailler les vis
fur un arbre, d’une double filière ; ce qui pourtant
n’eft pas toujours bien fûr , car pour peu qu’on
preffe trop violemment , ou qu’on penche en
mènànt la filière un peu plus à droite qu’à
gauche, on fe met en danger de fauffer fa pièce,
comme il arrive tres-fouvent.
Il y en a qui pour éviter ce danger n’achèvent
pas de filleter l’arbre avec la filière , mais fe contentant
de tracer le premier trait, ils l’approfon-
diffent avec une lime, & achèvent enfuite de la
nettoyer avec la même lime fur le tour, entre les
deux pointes.
Mais on peut agir autrement, & voici la méthode
la plus allurée.
Prenez des tarrots filletés bien juftement &
de la groffeur du pas de vis que vous fouhai-
tez. En ayant niis un dans l’ouverture que vous
avez faite au collet de l’arbre, vous le fouderez
avec de l’étain , du fel ammoniac & de la poix-
réfine, & le plus au centre qu’il vous fera pof-
fible.
Prenez enfuite une poupée gavine d’une lunette
brifée de b ois , avec laquelle vous embraf-
ferez le tarot , qui gliffant dan9 cette lunette
brifée , y fera fon pas lui-même.
Auparavant il faut établir l’arbre bien horizontalement
& en droite ligne avec les deux
centres des lunettes, afin que fon jeu foit bien
égal & bien libre pour avancer & pour reculer.
Après avoir placé l’arbre entre les deux lunettes
, vous approcherez le fupport le plus que
vous pourrez de l’endroit où vous voulez tailler
la vis. Vous planterez enfuite deux clous au
pivot fur le dos du fupport vis-à-vis l’endroit où
vous von ter tailler la vis , & tellement éloignés
Fun de l’autre que votre outil puiffe s’y placer
jufte & l’y tenir bien fiable.
Au lieu des deux clous, il eft mieux d’entailler
fur le dos du même fupport un petit canal
traverfier de la largeur de l’outil, afin que quand
l’arbre avancera ou reculera, la pointe de l’outil
foit inébranlable & que vous traciez une feule
ligne : autrement il y a danger que la pointe de
l ’outil ne vacillant tant foit peu vous ne traciez
diverfes lignes , ce qui vous fatigueroit beaucoup
pour tailler une vis bien nette.
Il faut que l’outil foit bien acéré & que fa
pointe fafle au jufte un angle de foixante degrés
comme un des angles du triangle équilatéral. De
cette façon le plein & le vide , ou le canal &
arête des yis feront parfaitement égaux.
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Si vous voulez que lesarêtes foient bien
taillantes, & les canaux bien enfoncés, il convient
que la pointe de l’outil foit d’un angle un
peu plus aigu , comme l’angle deuxième du triangle
ifocèle. Alors vous aurez le canal bien profond’
& les arêtes bien vives & bien aiguës.
Il y en a qui après avoir tracé une fimple ligne
& quils ont tant foit peu enfoncé avec un grain
d’orge achèvent la vis avec un peigne à trois
dents, également efpacées félon le pas qu’ils veulent
faire ; & d’autres qui l’achèvent avec une
lime tiers point , ou triangulaire; mais c ’eft la
façon moins jufte.
Pour la vis dans l’ouverture du collet de l’arbre
, il faut fe fervir d’une pointe à crochet &
du même angle que la première. Après l’avoir bien
affermie entre les deux clous , ou dans le C3nal
du fupport, vous tracerez la vis ; & vous l’ache-
verez avec la même pointe, ou avec le même
peigne à trois dents.
Cette manière d’arrêter la pointe ou le peigne
fur le fupport, n’eft proprement que pour aider
ceux qui , n’ayant pas le poignet affez fort ,
feroient fujets à faire plufieurs fauffes traces ;
car il faut fur-tout bien prendre garde à bien
commencer & à bien fuivre fon premier trait.
C*eft pourquoi ceux qui n’ont pas le poignet affez
ferme, ni affez d’adreffe pour tenir l’outil bien
affuré , qu’ils fe précautionnent de quelque méthode
pour le bien affermir ; autrement ils gâteront
tout, & n’auront jamais de farisfaélion de
leur ouvrage.
Cette manière de tailler la vis eft la plus jufte
de toutes celles dont on peut fe fervir pour un
arbre de fer & mêide pour un de laiton ou de
cuivre.
Celle de la double filière doit être rejetée,
comme on l’a d it, à caufe de l’effort qu’il faut
faire pour la faire mordre, ce qui met toujours
en. danger de décentrer l’arbre. J’aimerois mieux
la manière fuivante , toute méchanique qu’elle
eft.
Véritablement il èft bien difficile de faire les
pas juftes & dans l’exaélitude requife ; au moins
on n’eft pas en danger de décentrer l’arbre,
comme on le peut par la précédente méthode.
Je l’ai exécutée plufieurs fois, ajoute le P. Plumier
, étant à la campagne & dans la néceffité de
tracer quelques v is , fans avoir ni tarot, ni filières.
Coupez à cet effet une petite bande de papier
de telle longueur & largeur qu’elle puiffe couvrir
bien au jufte tout l’efpace que vous defirez filleter.
Enfuite marquez fur les deux bords qui
doivent fe joindre fur la pièce, la grandeur de
la vis avec un compas, ayant marqué tous les
deux bords par des efpaces égaux ; tirez du pre-
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mier point une ligne droite au fécond point du
bord, & de ce fécond point du bord, une autre
ligne au troifième point du bord & ainfi de fuite.
Vous aurez plufieurs lignes parallèles obliques &
également diftantes les unes des autres.
Vous collerez votre bande de papier tracé de
cette manière fur le tourillon ou partie que vous
voulez filleter, mais de façon que les deux bords
fe touchent fans fe furpaffer.
Alors toutes les extrémités des lignes venant
à fe rencontrer mutuellement feront un pas de
vis très-jufte ; c’eft-à-dire , une fimple trace de
vis que vous marquerez enfuite fur le fer avec
un couteau tant foit peu ébréché par le taillant
d’un autre couteau ; ce qui fera une forte de lime
très-fine.
Ayant fait la première trace avec ce couteau
légèrement ébréché, vous prendrez une petite
lime à fendre , & fuivant la première trate, vous
commencerez à l’élargir, afin que vous y puif-
fiez conduire plus furement une petite lime à
tiers point qui avancera votre ouvrage.
Enfuite ayez un peigne également efpacé de la
mefure que vous voulez former votre v is , ayant
mis votre arbre entre les deux pointes du tour ;
avancez le fupport le plus près que vous pourrez
de l’endroit où la vis eft tracée. Vous pofe-
rez deffus le peigne, & ayant fait entrer les dents
du peigne dans les filions que vous avez tracés,
vous ferez tourner votre mandrin avec le pied &
l’arc , en conduifant le peigne fuivant les traces
formées avec la lime tiers point.
Il faut prendre garde de ne pas forcer le peigne
ni à droite , ni à gauche , mais l’avançant
feulement en avant pour le faire couper & y
mettant fouvent de l’huile , vous verrez la vis fe
former vivement & fe finir d’elle-même.
Après avoir montré “k tracer les vis fur les
arbres ou mandrins, il eft auffi à propos d’enfei-
gner la manière de tailler les peignes <jui fervent
à former les vis fur les ouvrages.
Il y en a de deux fortes, qu’on appelle mâle
& femelle. Le mâle eft celui avec lequel on creufe
les vis en dedans d’une boîte, & la femelle celui
dont on fe fert pour les tailler en dehors.
Pour le mâle taillez un outil à crochet, mais
dont le taillant foit droit, tourné vers la gauche ,
& affez long pour pouvoir y entailler cinq à fix
pas de v is , tout au plus , fur-tout fi c’eft pour
des vis menues & fines : car pour les plus grof-
fes, il fuffit qu’il foit affez long pour y en pouvoir
entailler trois ou quatre. .
Il faut que le taillant ne foit pas bien trempé,
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mais bien aiguifé. Pofez-le enfuite en travers fur
la vis de votre arbre dont vous voulez avoir le
pas , & le tenant bien affuré , frappez fur for. dos
un petit coup de marteau , les arêtes de la vis
de l’arbre étapt bien affilées & v iv e s , imprimeront
de petites brèches fur le taillant de l’outil,
auffi diftantes les unes des autres , que les pas
de la même vis. Vous ferez mieux cette opération
fur un tarot d’acier bien trempé & du même
pas de la vis de votre arbre.
Après que vous aurez marqué les petites brèches
, prenez le même couteau ébréché dont vous
vous êtes fervi pour faire la première trace de
la vis du mandrin, & à chaque brèche tracez une
ligne fur le bizeau de l’outil perpendiculaire à fon
taillant.
Ayant taillé autant de ligtîes qu’il y a de brèches
fur le taillant de l’outil , élargiffez-le auffi
de la- même manière que vous avez élargi les
pas de la vis de l’arbre, c’eft-à-dire , en [les enfonçant
avec une petite lime à tiers point, juf-
qu’à ce que les arêtes foient vives. Si vous opérez
bien jufte & ex ac tem en tq ue vos arêtes
foient bien également enfoncées & diftantes les
unes des autres , vous aurez auffi un peigne bien
jufte & convenant à la vis de votre arbre.
Vous fuivrez la même méthode pour le peigne
femelle, avec cette différence, que fon taillant
doit être bien au bout de l’outil, de même que
celui d’un bec-d’âne ; & qu’aulieu que vous avez
frappé fur le dos du taillant du premier pour
faire imprimer les pas de la vis , il faut que vous
donniez le coup de marteau fur le bout du manche
de celui-ci.
De l'acier propre à faire des outils.
L’expérience montre tous les jours que les bons
outils font les bons maîtres , comme on dit ordinairement.
En effet il eft important que ceux
qui veulent avoir plaifir & honneur dans leurs
ouvrages fe pourvoient des meilleurs outils. Pour
ce fujet, il feroit néceffaire au tourneur de favoir
choifir le meilleur acier; mais, dit le P. Plumier,
comme c’eft plutôt l’affaire des ouvriers en fer,
je ne m’arrêterai, point à traiter de la nature &
des marques du bon' acier.
Je dirai pourtant qu’outre les différens aciers
qu’on voit communément en France , je n’en ai
jamais rencontré de meilleur que celui qu’on
appelle acier à la rofe , & le foie de cochon ; à
Caufe que quand on caffe îes billes en travers ,
on découvre au milieu une marque ronde, noire
& bleuâtre, ou bien une tache de rouille , & à
peu près de la couleur du foie.
L’acier qu’on nous apporte d’Allemagne , paffe
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