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fes parties, étant plus atténuées, fe réunifient davantage
& lui donnent plus de corps.
Quant au temps de cueillir les raifins, on doit
clioiùr celui où ils font bien mûrs, & difpofés à
une fermentation vineufe; il faut aufiâ avoir égard
à la faifon & à la difpofition du temps, parce qu’il
vaut mieux vendanger huit jours plutôt par un
beau temps que huit jours plus tard par un temps
humide , ou après une forte gelée ; enfin il vaut
mieux les couper verts que pourris, parce que le
vin en eft moins fujet au filage & à devenir gras.
Pour ce qui regarde le degré de chaleur que
doit avoir la fermentation , & ie temps que le vin
doit refter dans la cuve, on prétend qu’on ne doit
pas redouter l’excès de la chaleur naturelle , &
que quelquefois même il eft néceffaire de l ’augmenter.
Quoique le temps^que. le vin doit demeurer
dans la cuve foit un point auiîi délicat qu’épineux,
on décide la queftion en difant, d’après plufieurs
expériences , qu’il eft temps de le retirer, lorf-
qu en prêtant l’oreille on n’entend plus de mouvement
ou de bruit dans le vin , ou. qu’on en entend
bien peu ; lorfque le gonflement diminue &
que le marc baifle ; lorfqu’én approchant du marc
une chandelle allumée elle ne s’éteint point ; &
lorfqu’au lieu du jus de cette vapeur fuffoçante,
qui cara&érife la fermentation fpirirueufe , & qui
le dégage du moût qui fermente, le marc exhale
une odeur douce, vineufe & moins pénétrante.
(.Voyez l’article vin ci-après;).
Il y a plufieurs pays où la nature produit naturellement
de la vigne dont le fruit eft peu différent
de celui des vignes cultivées :* on a raffem-
blé d’abord les ceps confondus auparavant avec
les autres arbuftes , on les a tranfportés dans, des
terroirs convenables, & on en a formé des plans
réguliers ; tout, éroit Ample dans cette culture; il
a fuffi de tailler la vigne , de Téjnonder; il n’a
pas été néceffaire d’en marier différentes efpèces
par la greffe pour les adoucir, comme on le pratique
.à l’égard des autres arbres fruitiers. Rien
n’étoit plus fimple que d’exprimer le jus des grappes
avec les mains; & l’art fe perfectionnant enfuite,
on a trouvé des moyens plus expéditifs. L’invention
des va fes propres à conferver les liqueurs a
luivi de près la découverte du vin. On a d’aborft
fait ufage de ceux que la nature préfentoit dans
tout les climats : tels étoient les courges, les cale.-
baffes qui, .étant defféchées & cr.eufées , fervoient
à garder les liqueurs : ce font encore les, valets
les plus ordinaires dp$ peuples dp l’Amér^qpe :
les bambous, efpèçe dp.rofpapjç, font, encore,proj-
presà cet ufage; dans plpftpqrs. pays. îlsjtiinn&nt
lieu de féaux & de barils : on s’eft. f<?rv,l auffi
des cornes des animaux, tels, que de , ainft
qu’on le pratique encore en Afrique : on parvint
gpfin à préparer les peaux des animaux , de ma-
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nière qu’on pût s’en fervir pour conferver les liqueurs.
Mais un des moyens les plus avantageux
a été de conferver le vin dans des vaiffeaux com-
pofés d’une multitude de morceaux de bois artifte-
ment joints, ouvrage du ténnelier (voyt^ ce mot).
Les premiers foins du vigneron confiftent à plan-
ter, provigner, tailler, labourer, lier, terrer fa
vigne & la fumer. Pour faire ces ouvrages, il fait
ufage d’un affez gro-nd nombre d’inftrumens, mais
tous fort Amples.
Il plante la vigne dans la terre légère, caillou-
teufe ; aligne les ceps de vigne, & les plante foit
de boutures , foit de plans enracinés ou de marcottes.
Pour planter la vigne, le vigneron fait ufage
d’une efpèce de bêche renverfée qu’on nomme
houe, qui a un fer large & plat, attaché à im manche
de deux pieds & demi de long : il y a des
houes fendues en deux parts dont il fait ufage,
fur-tout lorfque les terres font fortes & pierreùies,
C’eft avec ces inftrumens qu’il prépare les trous
néceffaires pour planter : il ne laiffe ordinairement
qu’un pied & demi ou deux de diftance entre chaque
cep de vigne ; mais le vin en feroit bien meilleur,
& la vigne rapporteroit même davantage,
fi l’on efpaçoit davantage les ceps, ainfi qu’on le
pratique dans certains endroits.
Pour aligner la vigne en la plantant, le vigneron
fe fert d’un cordeau parfemé de noeuds à dif-
tances égalés. Il difpofe le rang de ceps, de façon
que le foleil, étant dans fon midi, puiffe facilement
les échauffer : le tout pourvu que la penté du ter-
rein & celle de l’écoulement des eaux ne foit pas
contraire ; car alors il dirige les rangs d’une manière
plus ou moins oblique à la pente. Lorfque
la terre eft extrêmement remplie de pierres, il fe
fert pour planter la vigne , de tarières de fer de
trois pouces de diamètre ; l’une eft faite en vilebrequin
, & a le bout terminé en cuiller; ôc la
fécondé reffemble à celle des charpentiers. Il emploie
la première pour les jointures des groffes
pierres & la fecorrde , qui fait un trou plus grand ;
pour planter du latment qui a^du vieux bois, lequel
eft préférable à tout autre , parce qu’il ne
manque jamais , & que la vigne produit du fruit
deux ans plutôt,
La vigne étant plantée , demande pendant l’an-
nçe,de grands foins de la part du vigneron; il faut
qu’il lui donne de fréquens labours,, il en donne
ordinairement trois pendant l’année. Lejpre.iDier
fe fait, en mars ; à ce labour il remue bien la
terre jufqu’aux racines qu,e l’on recouvre.enfuite»
& il fe fert pour cette opération de la. houe, ..plu-ôt
que de.la bêche ; ce premier labour s’appelle houç/icy
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Il n’y a que ce labour qui en mérite proprement ;
le nom ; car dans les autres on farcie plutôt qu’on j
ne laboure, ce qu’On fait toujours avec la houe : I
cette fécondé opération eft le binage, qu’il donne
avant la fleur de la vigne. Lorfque le fruit eft
formé, & qu’il eft en verjus, on réitère cette
opération, & c’eft ce que l’on nomme tiercer. C ’eft
après le premier labour que le vigneron pique les
échalas auxquels il lie la vigne avec des brins d’o-
fier quand la fleur eft tombée ; Téchalas ne fert
pas feulement à foutenir le cep, il le 1 garantit encore
en partie de la gelée , des vents & "de la
g«18- ;•
Avant de donner les labours dont nous venons
de parler, il a^grànd foin en novembre de tailler
fa vigne ; i° . afin qu’elle pouffe un plus gros bois ;
2®. pour empêcher qu’elle ne porte trop de fruit,
& qu’ainfi elle ne s’épuife en peu d’années; 30< pour
faire mûrir les raifins ; 4°. pour lui faire produire
de nouveaux rejetons au-deffus de la tête.
L’ébourgeonnement de la vigne ne lui eft pas
moins effentiel que la taille ; tout dépend d’y
procéder à propos. Selon que la faifon eft plus
ou moins avancée, que les pouffes font plus ou
moins formées , que la vigne a plus de force ,
qu’ellé eft mieux expofée , ou qu’elle eft dans
un meilleur ferrein, on procède à cette opération,
ou plutôt, ou plus tard. Lorfqu’on ébourgeonne
trop tôt, on court les rifques de la1 coulure & de
cafter les bourgeons trop tendres; fi l’on diffère
trop, l’entrelas des pouffes caufe la chute des bou-r
tons, lorfqu’on veut démêler les branches fans les
brifer. Le temps le plus propre à cette opération
eft, dans les vignes fortes, lorfque la pouffe eft
de la longueur de deux pieds, et de dix-huit
pouces dans les foibles.. Cet ébourgeonnement,
qu’on doit répéter tous les quinze jours dans le
fort de la sève en mai, & au commencement de
juin dans les pays froids , & plutôt .dans les climats
méridionaux, doit fe faire, non encaffant,
mais en coupant avec le tranchant de la ferpette
tous les bourgeons furnuméraires, & avec la pointe
tous les faux bourgeons, & en obfervant de couper
à contre-fens-des feuilles pour n’en retrancher
aucune.
Dans une abondance exceffive où la vigne eft
furchargée de grappes, on ne doit lui laiffer que
celles qu’elle a la force de porter ; une abondance
obtenue mal à propos épuiferoit les vignes, &
diminueroit la qualité du vin. Dans ce cas, de
tous les bourgeons qui fortent du même oeil, on
ne conferve que ié meilleur, on en ôte celui qui
eft au-deffous, eût-il même du fruit ; on en fait
jutant à tous les bourgeons chiffons, & de faux
bois, qui pouffent tant de la fouche que du vieux
béis, en les coupant à rafe écorce, ce qui vaut
mieux que de les arracher, parce qu’ils ne fe re-
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nouvellent plus. Ces, fauffes pouff;-s viennent ordinairement
aux vignes qu’on a taillées trop court,
& qui, pour ne pas avoir afl’ez de réfervoirs à
la fè v e , s’en font de nouveaux à la place de ceux
dont on les a privés, & pouffent, foit en terre,
foit du pied, quantité de faux bois aufïi difforme
que nuifibie. Il faut donc en ébourgeonneant retrancher
toutes les branches gourmandes, à moins
qu’on ne les-réferve pour en faire dés provins, des
marcottes, ou qu’on veuille renouveler un cep
ufé,
Lorfque le fruit eft noué, le vigneron lie , comme
nous l’avons dit, la vigne à l’échalas , & en même
temps il la rogne, c’eft-à-dire , qu’ il coupe le bois
fuperflu qui a crû & qui eft à l’extrémité des branches
: il. retranche avec (es doigts les petits rejetons
qui fortent du bois & des côtés de la fou-
che ; il ôte ces vrilles à l’aide defquelles la vigne
s’entortille autour des différens corps qu’elle rencontre,
parce que ce font autant de parties du
végétal qui enlèvent la nourriture aux grains de
raifins, pourlefquels feuls on prend tout ces foins.
Ces deux opérations , c’eft-à-dire, l’ébourgeonnage
& le rognage , qui font ordinairement confiées
aux femmes & aux enfans , exige plus d’intelligence
qu’on ne penfe. En rognant au hafard
& en tirant trop à fo i, on abat fouvent les bourgeons
qu’on doit laiffer plus longs que plus courts,
parce qu’en rabattant trop bas ceux qui font bien
nourris, ils repouffent de tous leurs yeux une foule
fucceffive de rejettons inutiles qui abforbent la fève.
Lorfqu’on arrête la pouffe de la vigne avant qu’elle
ait fleuri & que le raifin foit noué, on s’expofe
à la coulure , parce qu’on trouble le cours de la
fève & qu’on l’oblige de revenir fur fes pas, au-
lieu de fe filtrer dans le bois qu’on a fupprimé.
L’attache & l'effeuillage des vignes que beaucoup
de perfonnes Regardent comme des objets
de peu de conféquence , font ordinairement ceux
qui contribuent le plus à leur dépériffement ou
à leur avancement , & au plus ou moins de profit
qu’on en retire. A peiné les bourgeons font-ils
en état de fe prêter aux liens fans caffer, qu’on
les ferre tous enfemble du bas, & qu’on les ao-
proche de Téchalas le plus qu’on peut pour les
mettre à l’abri des coups de vent. Dès qu’ils ont
fuffifamment pouffé dans cet état, on les rapproche
de Téchalas, & avec de la paille trempée on lie
jufqu’à trois & quatre fois les pouffes qu’on prend
à poignée. Ce mauvais procédé renferme non-feulement
les feudles qui périffent bientôt, mais encore
une quantité de, grappes qui ne jouiffent plus
des bienfaits de l’air & de Tafpeél du foleil.
Pour ne pas favoir combien les feuilles font néceffaires
à Taccroiffement des plantes, & à la for-
I mation des fruits, les vignerons tombent dans