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faire bouillir le vin doux & le raifin non prefluré
avec la grappe tout enfemble, parce que , fui-
vant la raifon qu’il en donne, la rafle contient un
principe confervateur, qu’on -jette enfuite dans
la cuve au moment que la fermentation fpiritueufe
commence à fe faire & que l’écume du vin fur-
monte la vendange, ou bien dans les tonneaux
fi l’on y fait fon v in , mais toujours en proportion
de leur contenance : dans ce dernier cas on
fe fert d’un entonnoir propre à cet effet & tel
que l’auteur en indique la conftruCtion.
M. Maupin, que je me perfuade être appuyé
de l’expédence, aflure que par ce procédé on procure
aux vins de la qualité, qu’on parvient aufli
à les conferver & même à les préferver des dé-
feCtuofités auxquelles ils font fujets , ajoutant
qu’en aucun cas il n’eft pas poflïble de rétablir
les vins lorfqu’une fois ils font gâtés. M. Maupin
fe trompé très-fort à cet égard ; bientôt j’en donnerai
la preuve. Quoi qu i! en foir, je crois fa
nouvelle méthode avantageufe pour les vins foibles,
communs, verts & durs ; mais quant aux vins
fins, tendres , moëlleux & délicats, tels que font
ceux de Bourgogne ,- de Mâcon & autres d’une
qualité à peu près femblable, je la crois peu favorable
& peu néceffaire; en 'forte que, malgré
les bonnes intentions de M. Maupin,'je doute
( fans cependant vouloir en rien dénigrer fon ouvrage)
qu’il y ait beaucoup de propriétaires de
vignes , fituées dans les meilleurs crûs de la France
qui ofent l’adopter.
Il eft encore diverfes façons de faire les vins,
qui fans offrir un avantage bien réel, font trop
fufceptibles de foins, pour en parler. Celles dont
on vient de faire mention , toutes Amples qu’elles
fon t, leur étant d’ailleurs en tout préférables , on
fe bornera à dire, que par un principe fondé fur
une longue fuite d’expériences & généralement
reçu, les vins blancs, pour l’ordinaire, veulent
être faits prompts ; qu’au contraire les rouges exigent
d’être cuvés » afin dé leur donner du coijos &
dé la fermeté en proportion du temps qu’on veut
les garder , ou du trajet plus ou moins.long qu’on
fe propofe de leur faire faire , non-feulement pour
qu’ils puiflent fe foutenir pendant la route juf-
qu’aux lieux de leur deftination , mais encore conferver
leur qualité après leur arrivée ; aufli les
propriétaires intelligens qui dépouillent beaucoup
de vignes, font-ils dans l’ufage de faire plufieurs
cuvées de vin différentes, fuivant l’ôccafion &
les circonflances. O r , comme nos plus excellens
vins de Bourgogne n’ont pu jufqu’à préfent foutenir
un long trajet fur mer fans fe dénaturer totalement
, parce qu’ils font trop fins & délicats,
& toujours trop foyeux & trop tendres, je fuis
perfuadé que fi on les faifoit durs & forcés en
cuvée , tels qu’on fait ceux de Bordeaux & autres
gros vins de cette efpèce, qui, au-iieu de péricli-
VIN
ter fur mer durant un paffage de long cours, s'y
bonifient; ils y réfiftëroienr égalementpourvu
toutefois qu’on eût la précaution de les muter de
même,, ç’eft-à-dire, de Içs foufrer, & qu’on eût
en outre, l’attention d’y ajouter au moirs un quar„
teron d’alun calciné par chaque tonneau. On expliquera
au. chapitre du gouvernement & rétablir,
fement des vins ,, les vertus effentieUes du foufre
& de l’alun calciné pour conferver fi fingulière-
ment les vins, 8c en quoi elles confident..
Il y a des particuliers qui, pour donner du parfum
à leur vin & lui procurer de la qualité, mettent
en fermentation avec la vendange, ou bouillir
à part dans une chaudière, avec du moût non
prefluré, une certaine quantité de fuc de fram-
boife , qu’ils ont eu la précaution de faire bouillir
avec un peu de fucre , afin de le conferver juf.
qu’au temps de la vendange , & qu’ils diftribuent
par égale portion fur chaque pièce de vin nouveau;
fouvent même ils y ajoutent la quatrième partie
de miel, qu’ils ont foin de bien écumer, dans les
années où le raifin n’a pas atteint le degré de maturité
qui lui convient. J’ai vu faire cette opération
, 6c goûté le vin qui en eff réfulté ; je l’ai
trouvé fupérieur de beaucoup en qualité, à tous
ceux qui n’avoient pas été faits de cette manière.
On emploie aufli la fleur de fureau dans le vin
blanc, les feuilles d’orvale, les graines de paradis,
les fleurs & les femences d’ormin.
M. l’abbé Rozier, célèbre oenologifte, aufli bon
chimifte que favant phy fieien, indique dans un mémoire
fur les vins, couronné par l’académie de
Marfeille, & inféré dans le journal de phyfique
qu’il rédige, le moyen fuivant pour donner au
vin un excellent parfum. Cueillez des fleurs de
vignes lorfqu’elles font épanouies, faites-lesfécher
à, l’ombre, pulvérifez-les & les renfermez dans
une petite bôëte ; prenez une petite quantité de
cette poudre , enfermez-la dans un nouet, & fuf-
pendez-le dans le tonneau lorfque le vin nouveau
fermente. Rien n’eft plus naturel ni plus propre
que cette poudre pour donner au vin un parfum
irès-agréab!e : effeâivemont j’en ai fait l'expérience
d’après M. l’abbé Rozier, & j’ai eu lieu
d’en être fort falisfait ; d’ailleurs en fait parfaitement
que la quintéfcence des vertus d’une plante
réfide dans la fleur.
Avant que déterminer ce chapitre , on obfer-
vera que dans les années où le raifin a peine à
mûrir , foit qu’il y en ait une trop grande quantité,
fôit faute de chaleur ou que la faifon foit trop
reculée, on doit, pour peu qu’il n’y ait pas de
gelées à craindre, dégarnir les ceps de vigne d’une
grande partie de leurs feuilles, afin que les raifins
puiflent être frappés, de l’air & du foleil, & pat
là en hâter la maturité.
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Quant à ce qui regarde l’économie intérieure
& les difpofitions néceffaire., pour faire les vendanges,
j’ai cru devoir medifpenfer d’entrer dans
ce détail ; je dirai tout Amplement qu’il eft fort
Ltéreffantpdur les propriétaires de vignes qui font
vendanger, de veiller à ce que les vendangeurs
& vendangeufes ne cueillent point les aigrets ou
[les raifins tardifs; à ce qu’ils ôtent les bouts de
»arment', les feuilles ou les efcargois qui tom-
fbent dans leur panier : tout Cela communique un
[mauvais goût à la vendange; & fur-tout qu’ils
[aient foin de r a'ma'fier bien exactement les grains
[de raifins tombés, foit en les cueillant ou autre-
Iaient, ce qu’ils négligent volontiers de faire quand
■ il fait froid, des brouillards ou de la pluie; cet
■ objet étant pour eux de la plus grande confé-
Iquence , tant à caufc de la perte qui devient con-
Ifidérable, que de la qualité , puifque les raifins
■ tombés font les plus mûrs 8c les meilleurs , & par
[conféquent ceux qui font les plus propres à faire
Id’excelknt vin.
I Mais quant aux foins néceflaîres pour confer-*
■ ver les tonneaux vides , fains, en bon état, &
Kde manière, à pouvoir fervir fur le champ, ils
■ font trop effentiels pour ne les pas faire con-
Inoitre; voici en quoi ils confiftent. A mefure qu’on
■ vide fes tonneaux, il faut avoir l’attention d’en
■ retirer toute la lie , s’il en refie ; après quoi on les
■ rince deux ou trois fois avec de l’eau propre 8c
■ claire ; puis on les laiffe bien égoutter pendant
■ deux jours ; enfuite on les mèche pour leur ôter
■ ce qui refte d’humidité & en même temps leur
■ donner du parfum : en cet état on les place dans
■ tin grenier ou fous un hangar, pourvu que l’un
■ & l’autre endroit foient bien fecs & aérés. Mais
■ pour plus d’exaCtïtude on les défonce d'un bout ;
■ par ce moyen fimple 8c facile, on conferve fes
■ tonneaux, dans le meilleur état polhble & fans
■ craindre que jamais il s’en gâte un feul. Quelques
jours ayant que de faire vendange , on les
■ renfonce & relie; puis en les lave avec de l’eau
■ fraîche, & avant que de s’eri fervir on met un
■ peu d’eau bien chaude fur les fonds pour faire
■ renfler & joindre les douves afin d’évùèr le coulage.
I
Si cependant on avoit des tonneaux qui euf-
■ fent la moindre atteinte de moifi , de punais,
■ de renfermé & autres mauvais goûts provenant
■ de négligence ou autrement , il faudroit les dé-
Ttcncer & les mettre à l’air quelques jours, en-
Buite les laver avec de l’eau bouillante , dans la-
■ T1 *>on aura m^s deux bonnes poignées de feuilles
|de pêcher & un peu de fel commun : pour cet
■ citet on prend un vieux balai, afin de frotter for-
■ tement les tonneaux infeCtés & les mieux net-
I loyer; après on les met fécher au foleil, puis on
■ ,fs Enfonce pour les rincer de nouveau avec de
I eaufraîche 8c claire, enfuite on les laiffe égoutter,
& Ton finit par les mêcher avant que de les remplir.
Mais lorfque les tonneaux font entièrement
gâtés & infeCtés d’odeurs infupportables , ces
moyens font alors infuflifans ; dans ce cas il eft
toujours plus prudent de ne pas s’en fervir, que
de s’expofer à perdre son temps , fes peines & (on
vin. On doit encore avoir la précaution de laver
les futailles neuves avec de l’eau chaude ; & avant
que de s’en fervir, on les rincera avec une infu-
lion de femence de coriandre, d’anis & de fenouil
pilés, une once de chaque pour deux féaux d’eau.
Il faut aufli, pour tenir fes cuves en bon état,
les bien nettoyer, 8c les mettre dans un endroit
fec & aéré.
De la manipulation & du gouvernement des vins,
avec l'art de Les améliorer, de les conferver & de
les rétablir l o f qu’ils font défectueux.
Savoir faire les vins pour qu’ils fe confervent
& pour qu’ils ayent de la qualité, eft fans doute
la première chofe effemielle à laquelle on doive
s’appliquer ; rhais cette connoiffance , toute importante
qu’elle eft, devient pour ainfi dire infuf-
fifante fi elle n’eft jointe à celle de les favoir bien
gouverner après qu’ils font faits, afin de les maintenir
toujours en bon état; & de plus encore à
une troifième connoiffance, qui confifte dans la
manipulation & les moyens de rétablir les vins
lorfqu’enfin ils font devenus défectueux : c’eft de
ces derniers objets intéreffans dont on va s’occu-»
per auffi exactement qu’il eft poflïble.
Tout vin eft compofé de tartre, de foufre
d’efprit inflammable, d’eau, de terre, & ce n’eft
qu’aux diverfes proportions & aux divers mélanges
de ces principes qu’il faut attribuer les différentes
qualités. La tranfparence des vins en affure
la durée ; quand ils font trop épais & difficiles à
s’éclaircir d’eux - mêmes , c’eft une preuve qu’ils
ont de l'inclination à fe gâter, &c. mais lorfque
les vins font d’une qualité propre à fe conferver
les foins ordinaires fuffifent pour les gouverner:
ils. confiftent à remplir bien exactement tous les*
mors les tonneaux, à les tenir toujours bien fermés
, obfervant de mettre au bondon du linge
blanc chaque fois , ou du moins tous les deux
mois ; à foutirer & coller fes vins fuivant les
circonflances & le befoin , de la manière qui fera
indiquée dans la fuite.
Comme la bonne ou mauvaife qualité des vins
dépend d’une infinité de caufes provenantes ,
comme on Ta déjà d it, du climat , de l’expofi-
tion , de la nature du fol, de l’efpèce du plant de
la vigne 8c de la maturité du raifin, en outre du
temps fec ou pluvieux, froid ou chaud qu’il a fait
j pendant la vendange, & de la manière de faire
le v in , enfuite des chaleurs 8c féchereffes plus