
térébenthine de fapins, eft nommée dans les auteurs
rétine liquide des fapins. C'eft une fubf-
tance réfineufe , liquide lorfqu’elle eft récente ,
plus tranfparente que celle du mélèfe, moins vif-
queufe & moins tenace. Son odeur eft plus agréable
& plus amère , & reffemble en quelque façon
à celle de l’écorce de citron dont elle a
prefque le goût : elle jaunit & s’épaiflït avec le
temps. On l’appelle térébenthine de Strasbourg,
parce qu’on l’apporte de cette'ville à Paris.
L’arbre qui fournit cette réfine eft grand &
furpaffe le pin par fa hauteur. Son tronc eft
droit, nud par le bas , couvert d’une écorce blanchâtre
& caftante. Ses branches croiffent tout autour
du tronc , quelquefois au nombre ae quatre
, de cinq, de fix , & même davantage'. Elles
font ainfi arrangées de diftance en diftance jusqu’au
fommet.
Ces branches donnent des rameaux difpofés
fouvent en forme de croix, fur lefquels naiffent de
tous côtés de petites feuilles moufles , d’un vert
foncé en deflùs, un peu blanchâtres en deffous , &
traverfées par une côte verte.
. Ses fleurs font des chatons compofés de plu-
fieurs fommets d’étanhnes , qui fe partagent en
deux loges , s’ouvrent tranfverfalement, & répandent
une pouffière très-fine , le plus fouvent
de la figure d’un croiffant, comme ©n l’obferve
au microfcope. Ces fleurs font ftériles.
Les fruits naiffent dans d’autres endroits du
même arbre. Ce font de$ cônes allongés prefque
ovoïdes. Ils font compofés d’écailles -larges à leur
partie fupérieure , attachées à un axe commun ,
fous lefquelles fe trouvent deux femences garnies
d’un feuillet membraneux, blanchâtres, remplies
d’une humeur grade & âcre. Ces cônes font verds
au commencement de l’Automne , & donnent
beaucoup de réfine ; & vers le commencement
de l’Hy v ér, ils parviennent à leur maturité. Cet
arbre eft très-commun en Allemagne, & dans
les pays du Nord.
On tire la réfine ou l’huile de lapin , non-feulement
de la tige & des branches ; mais encore
de quelques tubercules qui font placés entre l’écorce
: celle qui découle de fa tige par l’incifion
que l’on y fait eft moins odorante & moins pré-
cieufe. Lorfqu’elle eft féche , elle reflfemble un
peu à l’encens par fa couleur & fon odeur ; o’eft
pourquoi quelques-uns la lui fubftï tuent : mais
la réfine qui découle des tubercules auxquels on
a fait une incifion , eft fort eftimée ; on l’appelle
fpécialement larme de fapin , huile de fapin, &
communément bigoin. Voici la manière de tirer
cette réfine.
Les bergers pour ne pas être oififs pendant le
jour,, vont dans la forêt des fapins, portant à la
'main une" corne de vache creufe. Lorfqu’ils rencontrent
de jeunes fapins revêtus d’une écorce
luifante , & remplis de tubercules, ils conjecturent
aufiitôt qu’il y a de l’huile fous ces tubercules
; ils les preffent avec les bords de leur
corne, & en font couler toute l’huile.
Ils ne peuvent pas cependant par cette manoeuvre
recueillir plus de trois ou quatre onces de
cette huile en un jour; car chaque tubercule ne
contient que quelques gouttes ; c’eft ce qui rend
cette réfine rare & chère. Mais on tire une bonne
quantité de térébenthine de la tige des fapins ,
par des incitions qu’on leur fait au mois de mai.
Les payfans commencent, le plus haut qu’ils
peuvent atteindre avec leurs cognées , à enlever
l’écorce de l’arbre , de la largeur de trois doigts
depuis le haut , fans cependant defcendre plus
bas qu’à deux pieds de terre. Il laiffent à côté
environ une palme d’écorce à laquelle ils ne
touchent point ; & ils recommencent enfuite la
même opération , jufqu’à ce qu’ils aient ainfi
enlevé toute l’écorce de diftance en diftance
depuis le haut jufqu’en bas.
La réfine qui coule aufiitôt eft liquide, & elle
s’appelle térébenthine de Strasbourg.
Cette térébenthine s’épaifiit avec le temps ; &
deux ou trois ans après, les plaies faites aux arbres
, font remplies d’une réfine plus groflière :
alors on fe fert de couteaux à deux tranchants ,
recourbés, attachés à des perches pour enlever
cette fécondé réfine, & on la conferve pour en
faire de la poix.
La pure térébenthine de Strasbourg, a les mêmes
principes que celle de Venife, & elle a prefque
les mêmes vertus.
V. La térébenthine commune , ou la grojfe térébenthine
eft une fubftance réfineufe , vifqueufe ,
tenace, plus groflière & plus pefante que celle du
fapin ou du mélèfe. Elle eft blanchâtre , prefque
de la confiftance de l’huile un peu condenfée
par le froid, d’une odeur réfineufe , défagréa-
ble , d’un goût âcre, un peu amer, & qui caùfe
des naufées.
Cette réfine découle d’elle-même ? ou par l’in-
cifion, de différentes efpèces de pin ; mais on la
tire fur-tout dans la Provence près de Marféille,
& de Toulon; & dans la Guyenne près de Bordeaux
du pin appelé pinus fylveftris. Cet arbre
n’eft point différent du pin ordinaire. Il eft feulement
moins élevé, fes feuilles font plus courtes,
& fes fruits plus petits.
Il découle deux fortes de réfine de ces arbres,
l’une nommée réfihe de cônes, parce qu’elle en
fuinte naturellement ; l’autre qui eft tirée par Tin-
cifion que l’on fait à l’arbre , eft appelée réfine
de pin. Lorfque cet arbre eft plein de réfine , il
eft nommé torche, toeda en latin,
La
La trop grande abondance de réfine eft une maladie
propre et particulière au pin fauvage.
Elle confifte en ce que non-feulement la fubftance
interne, mais encore la partie externe du
tronc abonde tellement en fuc réfineux, que cet
arbre eft comme fuffoqué par la trop grande
quantité de fuc nourricier. On en coupe alors,
fur-tout près de la racine , des Jattes graffes &
propres pour allumer le feu & pour éclairer.
Des dijfèrens états de la réfine du pin.
Dans la Provence , & dans les Landes de
Bordeaux , non-feulement on recueille la réfine
de pin tous lés ans , mais on tire encore, de l’arbre,
des fucs réfineux dont on fait enfuite diver-
fes fortes de poix.
Depuis le printemps , jufqu’au mois de fep-
tembre , le fuc réfineux coule fous une forme, liquide
, & dans cet état il fe nomme galipot; il
va fe rendre dans de petites auges qu’on à taillées
dans l’arbre même, à la naiffance des ra-*-
cines.
Le fuc, qui fort depuis le mois de feptembre ,fe
fige le long de l’entaille à laquelle il fe colle quelquefois
: fous cette forme on le nomme barras. On
le détache, lorfque cela eft néceffaire, avec une
petite ratifloire emmanchée.
On met le galipot & le barras dans une chaudière
de cuivre, montée fur un fourneau de
briques ou de tuileaux maçonnés avec de la
terre graffe. On introduit le feu fous la chaudière
par un conduit fouterrain , & on l’entretient
avec du bois de pin , mais feulement avec
la tede, c’eft-à-dire , avec la partie qui a été entaillée.
Le fuc réfineux doit être tenu fur le feu jufqu’à
ce qu’il fe réduife en poudre étant preffé
entre les doigts. Alors on étend de la paille fur
une auge de bois.
Onfépand avec un poêlon la matière fur cette
paille; elle tombe dans l’auge parfaitement nette,
ayant dépofé fur ce filtre les corps étrangers
dont elle étoit chargée ; on la fait couler par un
trou percé à l’extrémité de l’auge dans des creux
cylindriques pratiqués dans le fable, &. où elle
eft conduite par différentes rigoles. Elle s’y moule
en pains de cent ou de cent cinquante livres.
Cette préparation du fuc réfineux fe nomme le
brai fec.
Dans quelques endroits on travaille, avec beaucoup
de propreté , les creux dans lefquels on
motûe.le brai fec/On a une aire remplie de fable
fin , dans lequel on enfonce des morceaux
de bois, auxquels on a donné en les tournant
la forme d’un petit tourteau. On remplit ces
creux de matière fondue qu’on tranfporte avec le
poêlon ; il en fort de petits pains plus eftimés
que les grands, & qu’on vend plus avantageu-
fement. '
Le fuc réfineux étant dans l’auge bien dépuré
& encore très-chaud, on y mêle de l’eau qu’on
a fait chauffer, mais qu’on n’a point laiffé bouillir.
On braffe fortement le mélange avec de
grandes fpatules de bois. Il devient Jaune à rae-
lure qu’on lui donne de l’eau ; & lorfque fa
couleur eft parvenue au ton qu’on fouhaite , on
fait couler la matière dans les moules où elle fe
durcit, & c’èft la réfine.
Le fable ne pouvant fe foutenir par lui-même ,
il céderoit au poids de la réfine dont les maffes
deviendroient informes. On mouille les creux
& les rigoles pour leur donner de la confiftance.
On met du galipot dans la chaudière. Lorf-
qu’il eft affez cuit pour avoir pris une couleur
légèrement dorée, on le coule & on le fait paf-
fer de l’auge dans les barriques , où il conferve
l’état de liquidité d’un fyrop très-épais.
Dans la partie Septentrionale des forêts de pins ,
on expofe le galipot au grand foleil dans des baquets.
Les pièces du fond de ces baquets n’étant
pas exaâement jointes, le galipot fondu tombe
des auges placées pour le recevoir. C ’eft la té-
rébenfhine de Soleil beaucoup plus eftimée que le
première qu’on appelle térébenthine de chaudière.
Huile de térébe nthin e.
La térébenthine ayant été mife avec de l’eau
dans une chaudière , entièrement femblable à
celle dont on fe fert pour faire l’eau-de-vie, &
qui a le même attirail que celle-ci, oh en tire
par la diftillation une liqueur d’une odeur pénétrante
, & affez défagréable, qu’on nomme huile
de térébenthine.
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