
On a obfervé que ces petits morceaux,'indiffo-
lubies méchàniquement dans l’eau, & qui refient au
rond du vaiffeau, étant bien lavés , faifoient le plus
fouvent effervefcence avec les acides minéraux.
L’eau des quatre chaudrons ' étant ainfi blanchie
, on allume le fe u ; & lorfqu’elle eft bouillante
, on y jette les pâtes qu’on diflribue également
dans chacun. On continue l’ébullition, & il fe forme
bientôt une écume blanchâtre & fale que l’on retire -j
par le moyen d’une forte d’écumoire de toile j
grofïière.
Peu de temps après, & la liqueur continuant à
bouillir, il fe forme à la furface une crème ; &
lorfqu’on a encore laiffé bouillir un quart-d’heure,
on retire entièrement le feu de deffous les chaudrons.
La crème pour lors durcit peu-.à-peu ; elle
paroît inégale, raboteufe & comme ondee.
On laiffe ces chaudrons fans feu & fans y
toucher que le lendemain vers les trois ou quatre
heures du matin, temps fuffifant pour que l’opération
foit achevée.
Cette crème , de molle qu’elle étoit, eft devenue
une croûte blanche & raboteufe qui couvre entièrement
la furface de l’eau ; elle eft épaiffe d’une
ligne & demie, & n’eft pas fi dure que celle qu’on
trouve attachée à toute la furface du fond & des
côtés du chaudron : la première fe nomme crime
de tartre, & la fécondé cryflal de tartre. Celle-ci
eft épaifie d’environ trois lignes, & a fes cryftaux
plus diftinéls. On n’y obferve rien de régulier ; on
voit feulement de côté & d’autre qu’ils ont différentes
facettes luifantes.
Voici cependant ce qu’un bon chimifte a remarqué
tant fur la cryftallifation du tartre cru, que
du cryftal de tartre. Le tartre tel qu’on le retire
des tonneaux de vin a de très-petits cryftaux , dont
la plûpart font terminés par des faces inclinées
entre elles, fous un angle droit; mais, dès que*
ce fel eft blanchi & purifie par la terre de Merviel !
la cryftallifation eft affez changée, & on n’y voit
guère plus de parallélipipedes rectangles. Ce fel;
qui à caufe de fon peu de diffolubilité exige une
grande quantité d’eau , & même bouillante, fe
cryftallife toujours avec précipitation, lorfque la
diffolution fe refroidit ; auffi ne donne-t-il que de
de très-petits cryftaux , même dans le travail en
grand. Ces cryftaux font compofés de groupes
d'une grande quantité de prifmes affez irréguliers,
dont les faces brillantes font toutes parallèles &
rangées dans trois plans. On diftingue très-bien '
que ce ne font ni des lames, ni des aiguilles.
Pour obferverla forme la plus régulière du cryftal
de tartre, il faut le faire diffoudre dans de l’eau
bouillante. Quand cette eau eft bien chargée , on
en verfe fe.pt ou. huit gouttes fur une glace de
miroir non étamée : dès qu’on s’aperçoit qu’après
le réfroidiffement il s’eft formé fur la glace un
nombre fuffifant de cryftaux pour l’obfervation
on incline la glace doucement pour faire écouler
l’eau qui autrement auroit continué de donner des
cryftaux , & le grand nombre de ces cryftaux
qui font difpofés à fe grouper, auroient empêché
qu’ils euffent été ifolés ; ce qui eft néceffaire
pour l’obfervation. On a par ce moyen, des cryftaux
affez régulièrement terminés, mais fort petits ; on
fe fert d'un microfcope ou d’une lentille d’environ une
demi-ligne de foyer pour les bien obferver. Ce font
des prifmes un peu aplatis , dont la plus grande face
eft le plus fouvent exagone, quelquefois oétogone,
& qui paroiffent avoir fix faces. Si l’eau eft moins
chargée & .la cryftallifation plus prompte, leur
aplatiffement eft un peu plus confidérable.
Maniéré dont on retire toutes ces concrétions fa-
Unes.
On creve en différents endroits la croûte de
la furface ; on jette par deffus de l’eau avec la
main , & , quoiqu’elle ne foit fecouêe qu’affez foi—
blement, on la voit précipiter fur le champ.
On vide enfuite l’eau des baquets, en faifant
pencher le chaudron ; elle fort rouffe & affez claire
jtifques vers le fond où elle devient alors épaiffe,
trouble & plus foncée.
Quand on eft parvenu à la voir de cette couleur,
on jette dans le chaudron cinq ou fix pots d’eau
de fontaine que l’on renverfe d’abord ; & en frappant
les bords de ce chaudron avec une pièce de
fer, on fait par cet ébranlement féparer & tomber
par morceaux le enflai de tartre dans le fond du
chaudron où il fe mêle avec la crime de tartre
qui y a déjà été précipitée.
On jette encore dè l’eau de fontaine, & on remue
le tout enfuite avec la main , enforte que cette
eau qui afervi à cette lotion n’en forte que trouble,
blanchâtre, & chargée de cette terre que l’on avoit
employée. On continue cette lotion , jufqu’à ce
que l’eau forte claire.
On ramaffe enfuite le criflal de tartre mêlé avec
la crime. On l’étend fur des toiles pour le faire
fécher, ou au foleil, ou à l’étuve, & on a pour
lors le cryftal de tartre très-épuré &J>ien blanc.
Il faut être attentif à féparer dans les tems
marqués le cryftal de tartre, parce que fi on le
laiffoit quelques heures de plus dans le chaudron, les
cryftaux rouftiroient.
Lorfqu’on fait cette féparation, l’eau eft encore
un peu tiede & a un goût aigrelet. Si on la laiffoit
entièrement refroidir , la crime de tartre ne fe fou-
tiendroit. plus à la furface, mais fe précipiteroit
d’elle-même.
L’on retire de chaque chaudron vingt-deux à
vingt-trois livres de cryftal & de crème de tartre
poids enfemble, enforte que cent cinquante livres
de tartre qui ont été employées en cuites, fourniffent
quatre ving huit ou quatre vingt-douze livres tant
de cryftal que de crème. A in fi le tartre cru ordinaire
fournit les trois cinquièmes de fon poids ou
environ ; mais le tartre blanc criftallin & bien
choifi en fournit les deux tiers.
On voit par ce procédé qui eft fort fimple, qu’on
dépouille le tartre de fa partie colorante & d’une
partie de- fa terre.
Le tartre étant" un des Tels des plus difficiles
à diffoudre dans l’eau, on eft obligé de le faire
bouillir à grande eau , pour lë tenir en diffolution ,
afin que la terre de Merviel ou toute autre terré
argileufe blanche s’unifie à la partie graffe & colorante
avec laquelle elle a plus de rapport qu’avec
le fel.
Par cette-manoeuvreingénieufe on à un fel bien
blanc & bien pur, ce qui eft d’une grande utilité pour
les arts, & d’un grand avantage pour l’ufage qu’on
en fait en médecine & dans les travaux chimiques.
Le cryftal ou la crème de tartre eft d’un grand
ufage dans la teinture des laines & des foies. On
l’emploie auffi avec avantage en médecine, & dans
les opérations de chimie.
On s’en fert principalement pour cailler le lait
dont on fait le petit lait.
Vert céladon par la crime de tartre.
On fe fert encore de la crème de tartre, pour
diffoudre avec l’eau commune le vert-de-gris, ce
qui donne un beau vert céladon. Cette couleur
s’emploie fur le papier, par exemple, pour les
plans , pour les cartes géographiques , pour les
eftampes, découpures : on appelle cette couleur
verd d’ingénieur. Lorfque la diffolution eft trop
chargée de crème de tartre, elle luit fur le papier,
comme fi on l’avoit chargée de beaucoup de gomme
arabique , ainfi il n’eft point néceffaire de faire
entrer dans cette couleur la moindre dofe de cette
gomme. ( Article de M. Mdntet, dans l’Encyclopédie
).
Les opérations que nous venons de décrire
concernant la purification & la cryftallifation du
tartre, fuivant les procédés de Venife & de Montpellier
, font repréfentéesdans la planche du tartre,
tome IV des gravures. La fimple infpeétion fuffit
pour l’intelligence de cette planche fans autre
explication des figures qui réprefentent les uftenfiles,
ou des ouvriers occupés à triturer, échauffer, à
tranfvafer, tous travaux très-fxmples & faciles à
faifir.