
Puifqu’il eft fi facile de conferver le blé par
ce moyen, & cela fans beaucoup de peine &
de dèpenfe, j’efpère que ce fera là une raifon
qui encouragera à faire de grands magafins , fpit
particuliers , foit publics dans chaque province,
lorfque les récoltes feront abondantes, afin de
prévenir les fâcheux inconvéniens & la mifère qui
régnent dans les années de difette : moyennant
quoi le prix du blé ne feroit plus à l’avenir fujet
à d’auffi grandes variations qu’il l’a été jufqu’ àpré-
fent.
Ce feroit fans doute un avantage, tant pour
l’acheteur, que pour le vendeur. Car quoique les
fermiers ne vendirent par leur blé auffi cher dans
les années de difette, qu’ils ont coutume de le
vendre, cependant ils feroient amplement récom-
penfés de cette perte dans les bonnes années,
en vendant leur blé à un plus haut prix qu’il ne
fè vend communément alors, pour la raifon qu’il
feroit enlevé pour remplir les magafins.
Tandis que je fongeois aux.moyens de rendre
les Ventilateurs ci-deffus , propres à fécher des
menions de blé humide ., & à empêcher par-là
qu’il ne s’échauffât ou même que le feu n’y prît,
ce qui n’ ârrive que trop fouvent dans les étés, pluvieux,
& trouvant la chofe impoffible à raifon de
la grandeur des Ventilateurs qu’il faudroit pour
cela, j’ai imaginé la méthode fuivante.
Je voudrais que , quand on pratique un vide
au milieu d’ un meulon de blé (ainfi qu’on le fait
ordinairement ) , on eût l’attention de laiffer à
quatre ou cinq pieds de terre quatre paffages fïtués
horifontalement, ayant chacun un pied en quarré,
& oppofés d’un à l’autre, deux defquels iraient
depuis le puits du milieu .* longitudinalement jusqu'aux
deux extrémités du meulon, & les deux
autres feraient firués tranfverfalement. Je voudrais
encore qu’on fit des trous à des planches placées
aux côtés & aux deux bouts des granges, afin que
par ces ouverture! il y eût une communication
avec l ’air extérieur, qui parce moyen trouverait
un libre paffage à travers le meulon. L’air paffe-
roit auffi plus librement à travers le vide qui eft au
milieu du meulon , fi l’on fermoit tous les trous»
excepté celui qui feroit expofé du côté d’où vient
le vent.
Par exemple, fuppofons que le vent vienne de
la façade de la grange, alors il faudra fermer les
ouvertures qui font aux autres côtés, avec des
volets fufpendus par des couplets au-deffus des
trous ; fituatioQ qui empêchera que la pluie n’y
entre lorfque les volets feront ouverts. Par ce
moyen les vapeurs qui s’élèvent du blé, & qui
fe répandent dans le vide qui eft au milieu du
meulon, feront emportées en quelque façon, auffi
promptement que celles qui partent des parties
extérieures du tas , qui font plus expofées % Taction
de l’air, le blé qui. fe trouve au milieu
féchera prefqu’auffi v ite , & à une auffi grande
diftance des parais de cette efpècc de puits, que
celui qui eft vers l’extérieur.
Pour faire l’effai de cette méthode, je fis faire
des efpèces de berceaux, avec quatre perches de
bois de frêne , qui étoient écartées les unes des
autres, à la diftance d’un pied, par des traver-
fes ou échelons, & qui formoient ainfi un quarré
oblong, femblable à quatre échelles-jointes en-
femble à angles droits. Le bout de la grange où
étoit le blé, ayant vingt-huit pieds de large de
chaque côté, & le vide pratiqué dans le milieu
du meulon, ayant trois pieds en travers, ces berceaux
aboutiffoient des extrémités & des parties
latérales de la grange, au vide du milieu. Il y
avoit en dehors , des planches où l’on avoit pratiqué
des trous , qui avoient un pied & demi de
large fur deux pieds de haut, afin de pouvoir
introduire facilement par là les berceaux dans le
meulon.
Pour cet effet , il faut commencer par placer
les berceaux de manière qu’ils foient à fleur des
parties fupérieures des trous faits aux planches
fituées extérieurement.
Je fis remplir ce bout de la grange avec de
l’orge, dans un temps pluvieux, & le fis entaf-
fer clans un état fort humide , & beaucoup plus
qu’il ne l’eft ordinairement quand on le ferre, dans
la confiance que le vide pratiqué dans le milieu
du. meulon•& les berceaux, le préferveroient
d’accidens,
Lorfqu’on battit cet orge aux mois de novembre
& de décembre la partie fupèrieure du meulon
étoit en bon état ; & quoique les gerbes euffent
été entaffées auffi humides que je l’ai d it, le vide
laiffé au milieu,d.u meulon & les berceaux les empêchèrent
de s’échauffer & de s’enflammer; mais
comme elles avoient été ferrées fort humides,
& qu’elles n’avoient pu s’échauffer affez pour
refuer & perdre leur humidité, elles siéraient moi-
fies ; de forte que les épis étoient couverts d’une
fleur blanche.
Dans le vide pratiqué au milieu du meulon i
on avoit mis fur le plancher de la grange , &
feulement pour effayer , une longue rangée de
fagots, confiftante en trois fagots mis les uns fur
les autres. Mais les ^fagots étant petits, & faits
d’un bois trop droit, ne laiffoient que très-peu
de paffage à l’air ; au lieu que s’ils euffent été faits
d’un bois plus tortu , l’air aurait pu y paffer plus
librement.
Le fuccès de cette première tentative fut que
les épis les plus proches des fagots s’étoient collés
enfemble, & que le graih,y avoit germé: gu lieu
que ceux qui étoient aux environs des berceaux
étoient plus fecs & meilleurs; ce qui à la yérité ne
s’etendoit pas fort loin.
J’ai rapporté ici le fuccès de cette expérience
avec les berceaux, afin qu’un fermier intelligent
puiffe juger par-là du degré de fervice qu’il pourrait
en retirer pour les meulons ou tas de gerbes
de différentes groffeurs, & qui feroient plus
• ou moins humides ; car félon la variété de ces
circonflances, ils feront plus ou moins utiles, ou
même nuifibles. En effet* il eft nécèffaire que
le meulon s’ échauffe à un certain degré , pour que
l’humidité fe diffipe*
On ne faüroit conclure ae cette expérience,
que les berceaux ne peuvent être bons dans aucun
cas, parce que l’orge pour lequel ils ont été
employés., étoit fi fort mouillé, que fans leur fe-
cours le meulon aurait non-feulement couru rifque
de s’échauffer, mais que même le feu aurait pu s’y
mettre. Il eft certain que ces berceaux partagent
un grand meulon, en quatre meulons plus petits.
Ils feront donc miles par cette raifon, lorfque
les gerbes qu’on entaffera, feront trop humides
pour être rangées dans un feul grand meulon, •
& qu’elles pourront l’être fans inconvénient en
petites meules : outre qu’ils contribueront à fccher
de plus en plus^le grain, qui commençoit déjà
être fec lorfqu’on l’a ferré dans la grange.
J’ai éprouvé qu’on pouvoit fécher la poudré à
canon qui étoit humide , en y foufflant de l’air
félon la méthode ci-deffus, auffi bien qu’elle fe
deffèche dans les étuves dangereufes -des pou- :
driers : car ayant vu que l’air chafle par un
fo.ufflet ordinaire , paffoit très-librement à travers j
l’épaiffeur de feize pouces de poudre à canon,
de manière qu’il faifoit foulever un morceau de •
papier que j’avois mis deffus; j’en donnai avis à
M. Norman, propriétaire du moulin à poudre de
Moulfey près de H amp ton-court. M. Norman m’envoya
fon premier garçon, avec douze livres de
poudre humide , que nous mîmes dans une boîte ,
à la hauteur de fept pouces, fur une toile claire
qui étoit foutenue par un lacis de ficelle à un
pouce & demi du fond de la boîte.
Le 20 janvier, ayant adapté .vis-à-vis l’un de
l’autre les tuyaux de deux foufflets ordinaires,
dans des trous faits à la boîte au-deffous de la
toile, nous pouffâmes l’air avec fotce à travers
la poudre à canon , & nous pefâmes la boite
toutes les deux heures, pour voir de temps en
temps de combien elle diminuoit de poids. Au
bout de vingt-quatre heures de fouffle elle fe trouva
diminuée d’une livre fix onces, par l’évapo-
r^ion de l’humidité, & la diffipation de la pouf-
fière & de quelques grains de poudre. Six livres
de la même poudre , féchées ■ dans l’étuve du
moulin, ne diminua que de cinq onces & de- I
mie ; ce qui eau fa cette diminution, qui étoit environ
la moitié plus grande par l’opération des
foufflets, venoit donc de la pouffière & de quelques
grains de poudre que le vent avoit entraînés.
Mais on pourra éviter cette perte , au moyen des
grandes chambres qu’on deftinera pour y fécher
la poudre.
La poudre ainfi c-xpofée au vent des foufflets,
étoit fi bien féchée, qu’on la trouva auffi forte
à l’épreuve, qu’aucune portion de la même poudre
nouvellement defféchée au feu , autant qu’elle
pouvoit l ’être.
Le 30 mars fuivant, par un temps fort fec &
un vent d'ejl, je répétai la même expérience fur
douze livres de poudre à canon humide, que m’envoya
M. Underhïll, de fon moulin à poudre de
Hounflow-Heatk;]e la mis dans une boite qui étoit
fi grande, qu’elle n’y occupoit que la hauteur de
deux pouces & demi. Après qu’elle eut été ventée
pendant deux heures, je la trouvai diminuée
de près de deux onces.
Ayant continué à y pouffer encore du vent
pendant une heure & trais quarts, je m’avifai de
remuer la poudre avec mes doigts , jufqu’au fond
& il s’en éleva une pouffière considérable ; au lieu
qu’il ne s’en détachoit aucune lorfque je n’y rcu-
chois pas. La poudre fe trouva parfaitement fèche
au bout de fix heures; & quoiqu’elle fut éventée
encore pendant huit heures, néanmoins elle ne
parut pas fenfiblement plus forte à l’épreuve , que
celle qui n’avoit été expofée que pendant fix heures
au vent des Ventilateurs.
Ges poudres ainfi éventées, l’une pendant fix
& l’autre pendant quatorze heures , furent comparées
par M. Underhïll & fes ouvriers , avec de
la même poudre féchée dans fon étuve. Cette
dernière, dans l’épreuve qu’on en f it , agir avec
deux degrés de force, & les deux premières feulement
avec un degré & trois quarts.
Nous trouvâmes par des expériences réitérées
que cette différence venoit de ce que la poudre
la plus fine ayant été féparée par l’a&ion du venr
des plus gros grains, la force de la poudre en
étoit un peu diminuée ; car quand nous fîmes Feffai
avec de la poudre la plus fine, nous trouvâmes
qu’elle agiffoit avec plus de force que la poudre
féchée dans l’étuve, puifqu’elle élevoit l’inftru-
ment probatifk deux degrés & demi, c’eft-à-dire
un demi-degré de plus que ne l’élevoit la poudre
de l’étuve; de forte qu’on peut la regarder comme
étant auffi bien conditionnée que celle qui
a été féchée dans unes étuve. Il eft prouvé par
l’expérience, que toutes chofes étant d’ailleurs
égales, plus le grain de la poudre eft petit, plus
auffi fa force eft grande.