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V E N T I L A T E U R .
( Art et utilité du )
T j?- Ventilateur eft un inflrumçm propre à renou-
veler l’air d’un endroit renfermé, foit en y intro-
duifant, d’une manière infenfible, un air nouveau,
foit en pompant l’ancien , qui eft auffi-tôt remplacé
par celui du dehors. Ce mot eft dérivé' du latin
ventilare, qui lignifié éventer.
fons qui s’élèvent des malades, & $Ies matières
qu’ils rendent par les crachats, par les felles &
par les urines, quM fait foulever l’eftomac aux
perfonnes délicates. Les plaies de tête y-guérif-
fent trèsTarement ; ce qu’on ne peut attribuer
qu’à la rtiauvaife qualité de l’air.
M. Haies, de la société royale de Londres ,
convaincu , en bon phyficien , combien un air
mal fain peut altérer la bonne dispofition des
perfonnes expofées à fon impreffion ; combien
celui qui eft trop humide, peut gâteries grains;
&c. a imaginé un moyen extrêmement facile de
remédier à ces ihconvéniens.
Perfonne n’ignore que l’air eft de tous les corps
de la nature, celui qui nous affeâe le plus; qu’il
eft également le principal auteur de là vie & de
la fanté ; ? qu’il nous environne de toutes parts :
qu’il s’infmue dans nos poumons , & pénétré même
jufques dans nos liqueufis, ou il eft porté avec
nos alimens, qui en contiennent une grande quantité
en eux, & auxquels il s’attache & qu’il mouille
, pour ainft dire, de même que l’eau mouille
la plupart des corps qu’elle touche; enfin qu’il
nous affeéle différemment, félon qu’il eft plus ou
moins'élaftique ; plus ou moins chargé de vapeurs
falines ou fulphureufes , minérales , végétales
ou animales , & félon qu’il eft plus ou moins
chaud ou froid, fcc ou humide.
L’a ir , chargé de la tranfpiration d’un grand
nombre de malades, eft mal-fain , & ‘ fouvent.
aufti pernicieux aux ma'ades mêmes , qu’a ceux
qui les fervent. il eft rare que ceux-ci foient.ex-
pofés a l’imprefliori d’un tel air, fans en reffen-
tir tôt ou tard les mauvais effets.
Il eft donc extrêmement important de renouveler
l’air dans les hôpitaux , & fur-tout dans
ceux qui ne font pas affez aérés , & où il fe trouve
un grand nombre de malades. Tel eft, par exemple
, l’Hôtel-Dieu de Paris ,• oh quelque foin
que prennent les adminiflrateurs zélés & vigilans •'
quelque peine que fe donnent les charitables re-
ligieufes qui fe dévouent au fervice des pauvres
pour tâcher d’y entretenir une certaine propreté,
l’air néanmoins y eft fi fort furchargé des exhalai-
*
I l feroit facile de remédier à cet inconvénient
par le moyen du Ventilateur. Il faudroit en placer
un dans chacune des falles qui font les moins
aérées. Un feul.pourroit même fuffire pour plu-
fieurs falles, en y conduifant différens tuyaux
faits de planches. La dépenfe de l’inftrument eft
très-modique. Elle ne confifte qu’en planches de fa-
pin , blanchies & affemblées. Mais fût- elle plus
confidéràble, les pauvres y gagneroient beaucoup,
f r l ’air fréquemment renouvelé, & rendp
par-là plus fupportable, ceffoit d’écarter de l’Hôtel-
Dieu une infinité de perfonnes charitables, qui
mettroient au rang de leurs oeuvres pieufes de
vifiter les malades , de leur procurer des foula»
gemcns, & qui attendries par le fpe&acle touchant
d’un fi grand nombre de malheureux, ne pour-
roient refufer de contribuer par leurs aumônes,
à l’entretien d’une maifon, dont la porte eft toujours
ouverte à tous les malades qui s’y préfen-
tent, de quelque nation & dé quelque religion
qu’ifs foiênt.
Indépendamment de cette raifbn, il y en a une
autre bien plus forte, qui eft que les malades
eux-mêmes ont befoin de refpirer un air fain &
élaftique. Celui qui a perdu fon reffort, par le
mélange des exhalaifons animales , eft peu propre
au rétabliffement de leur fanté ; & perfonne n’ignore
l’accablement où fe trouvent en général
tous les malades , & ceux qui font valétudinaires
, lorfque , faute d’un reffort fuïîifant dans
l’air, le mercure baiffe confidérablement dans le
baromètre.
Le Ventilateur de M. Haies parut à peine en
Angleterre , qu’on en fit plufieurs eflàis, conformément
aux différentes vues de l’auteur. On
s’en fert a&uellement pour renouveler l’air dans
les. vaiffeaux de guerre, & dans quelques mines
de charbon , on s’en fert , aufti pour fécher le
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houblon', la poudre à canon , on l’emploie
aufti avec fùccès dans l’hôpital de JVincheJler. . -
Cet infiniment convient encore dans tous les
endroits renfermés, où il fe trouve un grand concours
de monde, & où l’air eft quelquefois fi
échauffé, fur-tout dans les temps chauds, que
les perfonnes qui ont quelque difpofition à
l’afihme, & .celles dont le fang fe raréfié ai-
fément, ne peuvent- y refpirer long-temps fans
tomber en foibleffe.
C ’eft ce qui arrive fouvent dans les falles des
fpeélacles , aux premières repréfentations des
pièces, & dans d’autres occafions qui attirent
à l’opéra & aux comédies un grand nombre de
fpeâateurs.
Quoique le parterre ne foit pas l’endroit de la
fa lie où l’air doive être le plus échauffé , ainfi
qu’on pourra en juger par les obfervations que
M. Haies a faites avec le thermomètre dans les
étuves à houblon, cependant comme c’eft celui
où l’on eft le plus preffé, c’eft aufti celui où l’an,
fe reffent plus'tôt des inconvèniéns-d’un air raréfié
, & furchargé des exhalaifons animales qu’il reçoit
de la refpiratibn, & de la tranfpiration des
fpeâateurs , aufti bien que des vapeurs fulphureufes
que lui fourniffent les bougies , ou les chandelles
qui éclairent le fpeélacle.
Lofque l’air eft échauffé jufqu’à un certain
point , & qu’il a perdu une partie de fon élafti-
cité, il faut néceffairement donner entrée à un
nouvel air, faute de quoi le fang ne feroit pas
fuffifamment rafraîchi dans les poumons , & la
refpiration deviendroit non-feulement pénible &
infru&ueufe, mais elle cefferoit même totalement,
fi on s’opiniâtroit à refter dans le même air.
C ’eft ce que l’expérience nous, apprend à l’égard
des animaux qu’on enferme fous un récipient,
fans en pomper l’air. Les exemples en font connus;
je n’en rapporterai que deux. Une linotte
mife fous un vaiffeau, de la capacité d’-environ
d'eux pintes, y meurt au bout de trois heures,
fi l’air du vaiffeau n’a aucune communication avec
l’air extérieur, & s’il eft élaftique; & au bout
de cinq quarts d’heure, fi cet air eft la moitié
moins denfe. Un chat de trois mois n’a vécu
qu’une heure.fous un récipient, qui contenoit
59:4 pouces cubiques d’air ; c’eft-à-.dire, environ
■ fix pintes.
L’on voit par tout ce qui vient d’être dit, combien
il eft néceffaire de renouveler l’air dans les
endroits renfermés, où il fe trouve un grand
concours de monde , comme il arrive affez fouvent
dans les falles des fpeâaçles.
La difficulté confifte’àdonnèr'êritf ée à un neuve!
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air, fans incommoder les fpe&ateurs. Jufqu’a pré-
fent on n’a pas trouvé d’autre moyen que celui
d’ouvrir les loges, & l’bn fait combien les perfonnes
qui les occupent en fpnt incommodées,
& avec quelle peine elles y confentent. -
On peut éviter cet inconvénient, en plaçant'
dans un endroit convenable , un Ventilateur ,
qu’on fera jouer par intervalles, pour renouveler
de temps en temps ? & d’une manière infenfible,
l’air de la falle, fans ouvrir les loges
Un Ventilateur compofé de deux boites, de
douze pieds .de long chacune, fur fix de large ,
& fur vingt-cinq pouces & demi de haut, me-
furées dans oeuvre, contiendra 2.88 pieds cubiques
d’air en ôtant un demi pouce, pour l’é-
paiffeur du diaphragme, ce qui fait fept tonneaux
huit pieds cubiques , en évaluant le tonneau à
quarante pieds cubiques. Mais fuppofons avec
M. Haies, que, pour les raifons qu’on trouvera
déduites dans fon mémoire , il s’en perde un
dixième, il reftera environ deux cent cinquante-
neuf pieds cubiques d’air, dont la moitié fera
chaffée hors du Ventilateur , à chaque mouvement
alternatif du levier ; & 11 cela arrive foixante
fois dans une minute, ce qui fe peut facilement,
il en fortira dans cet efpace de temps fept mille
fept cent foixante-dix pieds cubiques d’air, ou
cent quatre-vingt-quatorze un quart tonneaux ;
c’eft-à-dire onze mille fix cent cinquante-cinq
tonneaux par heure.
La falle delà comédie.françoife, en la fuppe-
fant formée de deux quarrés inégaux, contien-
droit environ trois mille trois cent.quarante tonneaux
d’air , de quarante piëds cubiques chacun»
Si l’on ôte les deux cinquièmes de cette quantité,
pour l’arroiîdiffement de la falle, du côté
de l’amphitéâtré, pour l’efpace qu’occupent les
fpe&ateu-s, qui font au nombre d’environ huit
à neuf cents , & pour celui qu’occupent la charpente
, les bancs, les décorations & les autres
chofes néceffaires dans la falle , il reftera deux
mille quatre 'tonneaux d’air, qu’on pourra renouveler
par le moyen du Ventilateur ci-deffus ,
&. d’une manière infenfible , en dix ou onze minutes.
On ne fauroit déterminer précifément le temps
où il conviendra de mettre, le Ventilateur èn jeu ,
& combien de fois il faudra renouveler l’air de
la falle, pendant la durée d’une pièce fuivie. Cela
doit varier félon que l’air du dehors aura plus ou
moins de communication avec celui du dedans,
félon que le concours des fpeâateurs y fera plus
ou moins grand, & félon la çonftitution de l’air.
' Dans les faifons extrêmement chaudes, on ne fau-
I roit le renouveler trop fouvent’, fur-tout fi le temps
! eft calme ou humide.