
faifons un devoir de mettre fous les yeux de nos
leâeurs.
Différentes manières de faire Us vins, les plus Jîmples
& les meilleurs, pour qu’ils aient de la qualité 6*
qu’ils fe c*nfervent.
Chaque province ( dit M. B. de N. ) où l’on cultive
la vigne, a & doit avoir fa manière différente
de la cultiver, comme auffi fa méthode particu-
culière pour faire le vin. Le climat, l’expofition,
la nature du fol & l’efpèce du plant de la vigne
l’exigent nécefTairement, & décident abfolument
du plus ou moins de qualité des vins : le degré
de maturité du fruit eft encore un objet important
à connoître , parce qu’il y contribue pour beaucoup.
On reconnoît le point de maturité convenable
dans les raifins pour être cueillis , i°. quand
les vignes fe dépouillent de la plus grande partie
de leurs feuilles.; 2°. que le nouveau bois ou farinent
de la vigne eft dur , élailique 8t coloré ;
3°. que la queue de la grappe a pris une couleur
brune, de verte qu’elle étoit ; 40. que la pulpe qui
refte attachée à la queue du ra.fin noir , lorsqu'on
en tire quelques grains, eft teinte d’un beau rouge
clair. Ce jufte degré de maturité étant reconnu,
les tonneaux & la cuve préparés, il faut alors profiter
de cet inftant pour faire la vendange, mais
n’entrer dans la vigne que quand les raifins font
échauffés ^ ei fin, faire enforte que ce l'oit par un
temps fec & chaud , pour que la fermentation s’en
faffe plus promptement & fans interruption ( 1 ) ,
or il eft néceffaire , pour ne la point intercepter ,
de ia terminer le plutôt poffible, & de la fouler
également à fur 8c à mefure, foit en la mettant
dans la cuve ou dans de gros muids deftinés à en
fervir, ainfi que c’eft l’ufage en plufieurs endroits,
particulièrement en Baffe- Champagne, fur-tout
lorfqu’on a peu de vignes à dépouiller. Alors la
meilleure façon de fairerle vin, la plus fimple pour
qu’il fe cônferve & qu’il ait de la qualité, confifte
à n£ le laiffer cuver que précifément le temps qu’il
doit employer à bouillir, pour être un vin le plus
fin poffible. On connoîrique la fermenraton tu-
multueufe eft finie dans la cuve , parTaffaiffement
fucceffif de la croûte , par la diminution de la chaleur,
du fifflement & du mouvement du liquide.
Enfin, dès qu’on s’aperçoit que la fermentation
tumultueufe ou fpiritueufe a ceffé, & que le vin
a acquis la couleur qui lui eft propre , il faut auffi-
tôt en preffurer la vendange , fur le produit de
laquelle on met par égale portion , quand on veut
faire un vin femblable en tout, le vin clair qu’on
aura tiié de la cuve avant le preffurage, ou la
goutte reçue par les canelles de bois introduites
dans la bonde de chaque muid, fi on l’a fait de
(1) Le moyen de l'accélérer, c'est de laisser la vendange
expos-e à toute l'ardeur du soleil , jusqu’à trois
heures après midi.
cette manière ! on a foin de ne pas tenir fes pièces
entièrement pleines, pour faire jeter au vin fon
écume & toutes fes impuretés ; ce n’eft qu’après
que la fermentation vineufe & acéreufe a ceffé
qu’on doit les remplir tout-à-fait ; enfuite on met
des feuilles de vignes fur la bonde de chacune, St
un tuileau pour les y maintenir ; puis au bout de
huit jours on les ferme bien avec leur bondon,
jufqu’au temps qui fera indiqué pour le foutirage,
& l’on obferve de les tenir toujours pleines. Quand
le raifin n’eft pas généralement bien mûr , les particuliers
qui défirent faire un vin d’une qualité
fupérieure aux autres , doivent pour cela trier leur
vendange, en choifir les meilleurs raifins & les
égrapper , afin d’en fupprimer la rafle qui, toujours
dans ce cas, s’oppofe à la bonté du vin & en diminue
la quantité, de manière qu'on eft bien dédommagé
du temps qu’on emploie pour cette opération
, & l’on y gagne très-furement du côté de
la qualité du vin; d’ailleurs on fait avec lever«
dillon qu’on a ô té , une boiffon de reffource ( pour
les vignerons, les gens de fervice, 8c enfin pour
tous ceux qui travaillent aux champs pendant les
chaleurs du printemps ) , faine 8t rafraîchiffahte,
qui fe foutient beaucoup plus long-temps que celle
qu’on fait ordinairement avec le marc du raifin.
Comme la couleur du vin provient d’unprincipe
oléagineux & fulfureux , dépendant de la réfine
colorante qui fe détache de la peau du raifin par
la fermentation , en conféquence il eft aifé de faire
du vin blanc avec le raifin noir; pour cet effet,
il ne s’agit que de preffurer la vendange fur le
champ, au moyen d’un petit preffoir ambulant
qu’on place à un bout de la vigne : on a foin fur-
tout de ne pas fouler la vendange en la métrant
dans les tonneaux. Par cette méthode commune
en Champagne, on fait avec les raifins noirs, des
vins blancs 8c paillés, auffi délicats que délicieux.
On fait auffi une forte de vin prompt qui eft
excellent, mais fi capiteux qu’il faut en boire bien
peu pour ne pas s’en fentir : c’eff pourquoi il eft
jugement appelé vin fou. On prend un petit tonneau
bien relié avec un cercle de fer fur chaque
bout, 8t folidement barré , afin qu’il ne jette pas
fes fonds dehors : on le remplit de moût non pref*
furé on le bondonne bien après , au moyen d’une
plaque de fer-blanc qu’on arrête deffus avec des
clous ; en cet état on le met au fond d’une cuve
pleine de vendange, 8t on ne l’en retire quau
moment où le vin de la cuve ceffe de bouillir ;
pour-lors on lui donne de l’air par un trou de
foret ou de vrille, qu’on bouche auflitôt avec un
follet; 8c dès qu il elt tranquille 8c clair, on en
fait un ufage modéré.
On parvient également à conferver le vin dou*
8c liqueureux, foit en le foufrant, foit en le pn*
Tant d’air ; enfin, foit en mettant dans l ’eau un
tonneau rempli de moût, que l’on enduit de goudron
en dedans & en dehors.
Quoiqu’il ne foit pas ordinaire de convertir en
vin les raifins chaffelas, parce qu’ils font plus
volontiers deflinés pour être mangés en fruit,
qu'ils fe confervent mieux que les autrès d une i
cfpèce différente, & qu'on en, retire'lin meilleur
produit en les vendant, cependant les propriétai- ;
res qui -ne font pas à portée 'de jouir de cet avan-
tage, & qui en ont une grande quantité, peuvent, <
quoi qu’il en foit, en.faire un vin délicat 8c. gracieux,
de la manière fuivante : pour cela il faut,
contre l’ufage ordinaire, ne vendanger-les raifins
chaffelas que le matin à la rofêe, & lorfqu’ils ne
font pas trop mûrs ; on doit cefler de cueillir dès
que le foleil commence à être trop ardent : la ven-
dange étant faite, on en preffure le vin auffitot ;
& du moment que la fermentation vineufe ten
eft terminée, on met des feuilles de vigne fur la
bonde des pièces , ainfi que l’on a déjà dit. Le
vin en eft tendre 8c agréable, mais il exige d être
confervè fur fa lie Ôc bu dans le courant de
l’année.
Avec toutes fortes de raifins mufeats provenans
d’efpalièrs bien fitués, on peut, quoiqu’on en doute,
faire un vin de deffert imitant le Lunelle 8c le
Frontignan , à l’exception cependant qu’il eft
beaucoup moins liquereùx. Voici par quel procédé
| j’y ai réufii. Comme pour faire ce vin tout dépend
de la maturité du fruit , il vaut mieux cueillir
les raifins plutôt trop mûrs que pas affez, & tou-
, jours en plein foleil : on a foin de les fouler bien
exactement dans le tonneau à fur & à mefure
qu’on les y met, afin d’en hâter la fermentation,
qui au bout de fept ou huit jours doit être terminée
: alors on en preffure le vin qu’on laiffe
bouillir intérieurement dans le vaifleau qui le contient
, au moyen de ce qu’on ne le remplit qu’aux
deux tiers 8c de façon qu’il ne puiffe jeter dehors
fon écume, (qui parla fuite fe précipite au fondk,
j fe mêlé avec la lie & ne fait qu’un même fédi-
1 ment) : pour cet effet, on lVxpofe à l’ardeur
[ brûlante du foleil afin de donner au vin plus de
force, lui conferver plus de muqueux doux, 8c
en même-temps accélérer la fermentation vineufe;
r après on obferve de couvrir la bonde du tonneau
! avec des feuilles de vigne & un tuileau deffus 8c
l’on a foin, dès que le foleil eft couché, de le
I rentrer dans un endroit chaud pour y refter la
I fouit; on continue ainfi jufqu’à ce que le vin ait
l ceffé de bouillir; enfuite on le bondonne & on
en laiffe repofer la liqueur ;puis on en fait ufage
au bout de quelque temps, c’eft-à-dire, dès que
I le vin eft clarifié de lui-même ; l mais lcrfqu’il eft
queftion de-le garder 8c de le mettre en bouteilles ,
on doit indifpenfablement le foutirer de deffus
| fa lie & le coller de la manière qui fera plus
| loin expliquée. Lorfqu’on veut faire un vin mufeat
beaucoup plus liqueureux, il faut tordre les grappes
de raifins & les laiffer fur le cep quelques
temps fe cuire à l’ardeur du foleil, qui enlève
une bonne partie de l’humidité du fruit, 8c par
là le dépouille de ion phlegme 8c lui procure une
plus grande douceur.il elt encore un moyen fur
pour procurer de la douceur à ce vin 8c le rendre
liqueureux ; il confifte à mettre fermenter avec
la vendange quatre livres de bon miel par chaque
poinçon çôntenant deux cent quarante pintes ,
mefure de Paris.
Nombre" de perfonnes font auffi dans l’ufage
de faire leur vin de la façon fuivante : on. prend
une parrie de vin doux non fermenté, qu’on fait
bouillir à petit feu & qu’on écume fans ceffe jufqu’à
ce qu’il foit réduit au tiers , évitant qu’il ne
cbntra&e, une odeur de brûlé ; on obferve de ne
le point laiffer réfroidir dans la chaudière, mais
bien de le tranfvafer dans des vaiffeaux de bois
qu’on a foin de couvrir ; enfuite on en jette environ
quinze à vingt pintes ; mefure de Paris, fur
chaque tonneau immédiatement après que le vin
eft fait. Cette méthode de faire cuire une portion
de vin doux devient néceffaire, même indifpen-
fable , dans les années où l’on n’a pu faire les
vendanges que par un temps froid 8c pluvieux , &
lorfque le:raifin n’a pas atteint le degré de matur té
qui lui eft convenable; par ce procédé on excite
la fermentation tumultueufe qui a peine à fe faire,
on diminue la trop grande abondance des parties
aqueufes dont la vendange fe ' trouve chargée, &
l’on procure au vin de la qualité & du ioutien ;
mais dans le cas contraire, cette opération devient
j en quelque forte inutile, particulièrement à l’é- m
gard des vins fins de Bourgogne 8c autres de cette
qualité. Cette manière de faire les vins convient
feulement aux vignobles qui né produifent ordinairement
qrie des vins durs , qui ont peu de corps,
beaucoup de verdeur , qui font de peu de garde ,
& qui ne font pas propres à être tranfportés. Enfin
cette méthode de faire cuire les vins femble ne
devoir appartenir qu’aux vins de Provence, d’Italie
, d’Efpagne 8c de Rouflillon, fur-tout ceux
de Perpignan où les propriétaires de vignes font
dans l’ufage de faire cuire leur vin blanc indiftinc-
tement toutes les années, ce qui les rend extrêmement
doux 8c liqueureux : auffi les marchands
de vin de Paris s’en fervent-ils avantageufement
pour procurer à des vins foibles 8c communs de
la qualité 8c un g< ût agréablei
M. Maupin vient auffi de donner au public une
nouvelle méthode pour faire un vin de confer-
vation & propre à en améliorer d’autres. Eile confifte
a prendre plus ou moins, fuivant que les cir-
conftances 8c l’année l’exigent, la dixième , quinzième
ou vingtième partie de la vendange, qu’on
fait cuire à-peu-près de la manière dont on vient
de faire mention, à l’exception qu’il obferve de