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raréfaâion & du mouvement^ ou plutôt l’air, d’où
dépend le falut des ouvriers. Quelque avantage
qu'ils retirent du feu fupérieur contre les accidens
du plomb, il s’en faut beaucoup que ce moyen foit
toujours fuffifant.
Soit alors établi dans la foffe un fourneau, qu’un
trépied élevera au deffus de la matière. Le fourneau
, tel que nous l’avons mis en ufage, confifte
en un foyer orbiculairè, percé dans toute fon étendue
de nombre de regiftres & furmonté d’un dôme,
par la porte duquel s’introduit le charbon. Sur ce
dôme s’ajuftent des tuyaux de tôle qui doivent
aller répondre à la poterie du fourneau fupé-
rieur.
Pour mieux reconnoître -l’effet de ee fourneau ,
nous l’avons fait allumer tout feul, & il a déterminé
fans le fecours des foufflets ventilateurs un
courant de vapeurs aflez confidérables , pour former
à l’extrémité des tuyaux une fumée épaiffe
de la groffeur du bras.
Les dangers connus durcharbon allumé dans un
endroit renfermé , donnent fans doute un air de
fingularité au moyen que nous propofons ; il n’eft
peut-être pas moins fingulier de voir le charbon
s'allumer & brûler avec la plus grande vivacité,
au milieu d'un fluide, qui s’éloigne fi fort de l’air
atmofphérique ( i ) .
Quoiqu’il en foit, ce fourneau préfente aux
vuidangeurs le fecours le plus utile, & une foffe
dont nous parlerons bientôt en offrira la preuve
la plus complette. Nous nous fommes trouvés dans
cet appareil n’avoir fait qu’exécuter en grand, ce
qu’ils connoiffoient déja^en petit.
Ils nous apprirent que, dans la circonflance du
plomb , ils fe trouvent affez bien de ces deux
expédients ; l’un eft une chandelle allumée qu’ils
fufpendent par une ficelle dans le tuyau d’aifance
au rez-de-chauffée ; nous avons vu en effet cette
chandelle, lorfqu’elle refte allumée, ce qui ne
lui arrive pas toujours, s’environner d’un petit
courant de vapeurs fenfibles, & qui forment des
ondulations autour de la lumière ; l’autre expédient
eft un poêle, de feu qu’ils defeendent dans
la foffe où elle s’éteint fouvent ; mais lorfqu’elle
refte allumée, alors, difent-ils, le plomb fe précipite
, & ils en conçoivent un bon augure.
D e l a g h a u x . *
Quelques idées précoces fur le principe du
plomb & de la mitte, nous avoient fuggéré une
(1) 11 ne brûle qu’à la-faveur de l’air de l’atmosphère,
qu’il force d’entrer dans la fosse, et qui le traverse ; car
si la fosse étoit bouchée, il ne brûleroit pas.
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expérience , qui étoit de développer beaucoup
d’alkali volatil à la fois dans les foffes, par le moyen
de la chaux.
En conféquence, nous en projetâmes une bonne
quanrité dans la vanne ; nous étions fur le bord
de la foffe, & nous n’eûmes pas la moindre fen«
fation de l’alkali volatil, que nous attendions;
mais ce qui nous valoit beaucoup mieux, nous
apprîmes que la chaux avoit la faculté dé corriger
les émanations des vannes, au point que de l’air in-
ftéfe que hous faifoit refpirer celle-ci, il nous
fembla paffer dans l’air frais & légèrement vafeux
qu'on refpire au bord d’un étang. Ce changement
s’opéra en un clin d’oeil, & l’odeur fut un bon
quart-d’heure à revenir dans fa première force,
& le même moyen la fit difparoître de nouveau.
Cet expérience en amena une au,tre; nous fîmes
couvrir d’un demi pouce de chaux vive , la fuper-
ficie d’un tonneau rempli; un ouvrier y brouilla
légèrement cette chaux, dans l’inftant on ceffa de
diftinguer l’odeur naturelle au fujet.
C ’eft donc avec le plus grand avantage que les
vuidangeurs auront recours à des projetions de
chaux, lorfqu’il s’agira de fe défendre dans l’épui-
fement des vannes, contre la mitte & le plomb,
qui commencent fouvent dès cette partie de leur
travail. Nous avons^vu le méphitifme des plus
mauvaifes vannes réprimé par ce moyen, de manière
à nous faire penfer que , pour mettre les
ouvriers à Vabri de tout accident dans les foffes,
il ne faudroit peut-être que pouvoir d’avance pénétrer
de chaux la malle des matières.
On a auffi dans la chaux le moyen utile de
fuppléer au défaut du cabinet du ventilateur,
dans le cas où le local ne permettant pas de le
dreffer, l’ouverture des foffes peut répandre l’in-
feéfion dans les environs. De la chaux jetée dans
les foffes à reprifes convenables remédiera à l’inconvénient.
La chaux eft encore une reffource pour ces foffes
que nous avons dit répandre, après leur vuidange,
une infeâion confidérable de quelques jours,
comme pour celle à qui la même chofe arrive
dans certains changemens de temps.
A l’expofé que nous venons de faire de nos
moyens , nous joignons le récit de leur application
à la vuidange d’une foffe très-propre à constater
leur efficacité.
Cette foffe dépendant d’une mai fon fife rue
Galande-, au coin de celle des Anglais, très-
célèbre dans le voifinage & parmi les vuidangeurs
par le nombre d’hommes à qui elle a coûté la
vie., on n’avoit jamais fait qu’en commencer la
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vuidange fans pouvoir l’achever, & un vuîdan-
geur venoit de l’abandonner après une nuit de
rravail, durant laquelle on avoit été obligé de
reporter chez eux plufieurs ouvriers pris du plomb.
Le ventilateur fut affigné pour voir dire qiffil
fera tenu d’entreprendre la vuidange de cette foffe ;
ce qu’il a fait fous nos yeux ôcaffifté de nos moyens.
Nous nous y fommes tranfportés le 27 novembre
dernier; la clef avoit été levée le matin &
le cabinet du ventilateur pofé, la fonde que l’on
jeta en notre préfence revint chargée d’une Vanne
d’un verd foncé, dans laquelle nageoit une im-
menfe quantité de débris de cadavres, la maifon
ayant été occupée long-temps par un démonftra-
teur d’anatomie.
Nous délirions voir commencer le travail fans
aucuns de nos fecours ; mais l’expérience ne fut
pas de longue durée. L’ouvrier entré dans le cabinet
pour fe mettre à puifer la vanne , y refta à
peine quelques-minutes qu’il fe-trouva atteint de
la mitte & du plomb affez vivement pour n’y
pouvoir plus tenir fans danger , & il fortit.
Alors nous fîmes jeter dans la foffe deux bois-
feaux de chaux vive dont l’effet fut de faire ceffer
j fur le champ l’infeélion horrible qu’e’de répandoit.
Nous fîmes en même temps allumer le feu du four-
| neau que nous avions fait placer, non fur lefiége
| le plus élevé, comme nous l’avions défiré, mais
i fur celui du rez-de-chauffée , auquel les circonstances
nous réduifoient.
Le travail devenu tout différent pour les ouvriers
a commué depuis cinq heures du foir juf-
qu’à fept heures du matin, moyennant l’atention
de ‘aire de nouvelles proje&ions de chaux, à mefure
que le méphitifme fembloit renaître datisla vanne.
Les ouvriers qui avoient paffé cette nuit quittèrent
l’atelier fans fat:gue extraordinaire, & fans
fe plaindre de leur travail n’accufant que le dé-
| goût que leur eau foit i’ extraéfion de tant de par
j ties de cadavres. Les quatre prop;étions de chaux
qui avoient eu lieu avoient tellement corrigé la
vanne, que les ouvriers qin'continuèrent à l’épiit-
fer le lendemain furent difpenfés d'avoir recours
de nouveau à ce moyen pendant la durée de leur
travail, & s’en tirèrent comme les premiers fans
accident. Circonflances d’autant plus frappantes
que c’eft le contraire de ce qui arrive ordinairement,
les vannes devenant de plus en plus mauvaifes
dans les progrès de la vuidange.
La vanne épuifée, il fut queftion, pour les ouvriers,
de s’établir dans la foffe; le premier qui
y defeendit nly put refter què fix minutes & en
fortit avec la mitte & le plomb ; un fécond eut le
même fort au bout de fept minutes de féjour dans
la foffe.
Nous avions difpofé un appareil qui paroiffoit
nous promettre d’être utile en pareilles circonftan-
ces, nous profitâmes del’occafion pour en faire l’effai.
C ’étoit deux tuyaux de cuirs deftinés à porter
aux vuidangeurs,. l’un de l’eau & l’autre de
l ’air, garnis antérieurement de rondelles de fer-
blanc, pour empêcher leur affaiffement ; ces deux
tuyaux aboutiffent à une efpèce de collier que de-
voit fe paffer le vui Mangeur, de manière qu’il eut,
en quelque forte, fous le nez un courant d’air
& d’eau.
Un troisième ouvrier Te difpofant à defeendre
dans la foffe , nous l’engageâmes à fe prêter
à l’expérience ; au bout de quatre minutes il
nous demanda de l’air , que nous lui paffâ-
mes en faifant jouer un gros foiffiet qui s’en-
bouchoit au tuyau. Deux minutes après ne fe
trouvant pas mieux apparemment, il nous demanda
de l’eau , on lâcha un robinet qui en remplit
le tuyau, elle fortoit en forme de pluie, au
moyen d’une pomme d’arrofoir qui terminoit ce
tuyau. Tout l’effet de-ces deux fecours combinés
Le réduifit à lui procurer le moyen de refter dans la
foffe plus long temps que les autres. Il ne fut obligé
de remonter qu’au bout de quatorze minutes.
Nous effayâmes auffi de faire refpirer un ouvrier
à travers une mouffeline claire imbibée
d’alkalifixe; cette expérience ne lui procura qu’une
incommodité de plus & le fit remonter plutôt encore
que les autres.
Nous ne voulûmes pas différer plus long-temps
rétàbliffement dü fourneau dans l’intérieur de la
foffe, en conféquence il fut dreffé le plus près pof-
fible de l’heurte. On le remplit de charbon, & en
moins de cinq minutes il tira avec une vivacité
furprenante. L’effet de ce fourneau ne fe fit pas
long-temps attendre : en un qu;.rr d’heure la foffe
n’étoit pas reconnoiffable , tandis qu’auparavant
l’ouvrier y pouvoit à peine refier le temps d’t m-
plir un demi-tonneau. Les premiers defeendus dans
la foffe après la pofe du fourneau, en remplirent
jufqu’à quatre de fuite, & étoient en état d’aller
plus loin, fi l’infpeâeur, ayant égard à leur fatigue
précédente, n’avoit jugé convenable de borner les
fecouffes à ce nombre. On appelle fecouffe, cé
que les trois mêmes ouvriers peuvent faire fans
interruption.
Le travail fe trouva fufpendu par la nuit du fa-
medi au dimanche; mais en quittant la foffe, on
eut, comme nous l’avions recommandé, la pré-
l camion de charger le fourneau de charbon.
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