
33a T U R
qui habitent ces montagnes, & leurs groffes jambes,
mais que c’étoit {‘ans aucun fondement, &
que l’air y contribuoit pour le moins autant que
la conftituiion des races, primitives.
Mais comment a-t-on pu reprocher aux gaudes
d’avoir de la vifcofité , . elles qui font, de toutes
les bouillies de maïs & des autres farineux, la
bouillie qui mérite le moins un pareil reproche ,
puifque ce grain , avant d’être porté au moulin,
a paffé au four, qui a détruit précifément cet état
viiqueux , moins confidérabie dins . le maïs que
dans les autres grains , & que d’ailleurs on donne
aux gaudes moins de confiftance & plus de cuiffon
qu’ à la polenta des Italiens , & à la millaffe ou à la
crucliade de nos provinces méridionales ? . .
Nous avons fait des gaudes avec du maïs blanc,
du maïs jaune , réduits en farine plus ou moins
groflière ; & nous avons obfervé que le maïs blanc
y eft en général moins propre, & que , fi la farine
très-fine fait des gaudes plus délicates, elles font
plus favoureufes avec la farine moins divifée.
Les gaudes conviennent à tous les âges : beaucoup
d’eltomacs fe font racommodés par leur ufage.
On les ordonne quelquefois aux convalefcens,
& jamais on ne s’en laffe. Enfin, il feroit à dé-
firer que jamais on ne préparât d’autres bouillie
que celle dont il s’agit. La bouillie de froment,
faite même avec le plus grand foin, eft l’aliment
le plias lourd & le plus indigefte, & mérite tous
les reproches dont nous venons de difculper les
gaudes.
Emploi du Maïs en ealette.
Ecoutons les compilateurs dont le fiècle abonde.
Rien n’eftplus facile , félon eux, que de faire du
pain de maïs, comparable, pour la légéreté , à
celui de froment; & fi l’on les en croît, c’eft
toujours fous cette forme que ce grain fert de
nourriture aux différens peuples de la terre. Mais
fuivons enfuite les détails des pratiques employées,
fort par les natifs de l’Amérique, foit par les Européens
établis dans cette partie du monde
l’on fera bientôt convaincu que ce prétendu pain
n’ell qu’une véritable galette, puifqu’après avoir
broyé le maïs, ils mêlent fa farine avec l’eau pour
en former, fans le concours d’aucun levain, une
pâte qu’ ils cuifent fur le champ, & mangent toute
chaude au fortir du four.
Quand les Auteurs cefferont-ils de qualifier du
nom de pain, des fubftances_qui en font entière-
rèment éloignées, & de confondre une fubftance
légère, oeilletée, favoureufe, avec une maffe lourde,
compare & infipide ? Quand cefferont-ils de
s’en rapporter aveuglément à la foi d’autrui, fans
fe donner la peine de comparer, & de répandre,
par leurs écrits, les propos fufpeéls du vulgaire,
T U R
qui fouvent les trompe, parce qu’ il rend mal ce
qu’il a éprouvé ou vu ? Je le répète : le pain de
maïs eft un peu connu en Amérique; & la farine
de froment elle-même y eft plus fouvent convertie
en galette qu’en pain levé. Le pain & la galette,
quoique compofés de farine & d’eau , font entièrement
différens dans leur afpeft & dans leur
goût.
P réparation de la gtlettc de Mais.
C ’éft une préparation bien facile à faire, què
la galette de maï>; il n’eft quefiion que de mêler
fa farine avec de l’eau , plus ou moins chaude,
pour en former une pâte molle, que l’on cuit
fur le champ au four ou dans l’âtre de la cheminée,
en ajoutant un demi-gros de fel environ ,
par livre de farine.
Il faut obférver què la galette nî foit pas trop
épaiffe & que, pour la cuire , la chaleur du four
foit douce , afin qu’elle ne faififfe pas trop vite
lafurface de la pâte, qui, devenue croûte, mettroit
bientôt un obftacle à l’échappement de l’humidité,
& empêcheroit l’intérieur de fe refferrer & de
prendre le degré de cuiffon convenable.
On mange ces galettes toutes chaudes, au for-
tir du four , avec du la it, du bouillon, du lard ;
de- la viande , & généralement avec tout ce
qu’on a coutume de manger avec le pain. Elles
ne font pas auffi bonnes quand elles font refroidies.
Il ne faut pas croire que, malgré la très-grande
facilité de préparer la galette de maïs ; elle foit
par-tout au même degré de bonté : elle a , comme
le pain , quoique provenant du même grain,
des nuances de qualité différente, qui dépendent,
tantôt de la mouture, & tantôt de la fabrication.
Les Efpagnols, qui paroiffént avoir appris des
Américains cette manière ' fimple d’apprêter le
maïs, ne fuivent point par-tout le même procédé.
Les habitans des montagnes de Saint-An*
der obfervent beaucoup de précautions pour cuire
leur galette au four. Ceux de plufieurs pays de
la Bifcaye font autant de galettes qu’il y a de
perfonnes dans la maifon. Ils fe fervent , fuivant
l’obfervation de M, N é e , d’un petit gril de fer
rond, fur lequel ils font prendre à chacune de
leurs galettes un peu de croûte, & après cela ils
les expofent devant le fe u , afin de laiffer achever
leur cuiffon ; tandis que dans plufieurs endroits
des Afturies, ces galettes, très-épaiffes, font
abandonnées , toute la journée, fous des cendres
à peine chaudes, recouvertes de paille & de feuilles
féchées : d’ok réfulte néceffairement un aliment
malpropre, à demi-cuit; ayant un goût de
fumée déteftable.
i f
T U R
Obfervations.
Il y a des naturaliftes & quelques voyageurs
qui ont accufé la galette de maïs , ou le pain dans
lequel fa farine entre pour un tiers ou pour moitié
; de caufer des aigreurs, des .conftipations ,
la galle, & de petits vers blancs particuliers;
mais les Américains , & quelques Efpagnols qui
habitent les cantons où on fait le plus d’ufage de
ces galettes, conviennent tous qu elles n ont aucune
de ces propriétés malfaiiantes , qu il n y a
point de grain dont la nourriture foit plus conf-
tamment falutaire ; qu’enfin la vigueur des hommes
& des animaux qui vivent de cet aliment, en
font la preuve la plus complète.
' Des Gâteaux de Maïs.
Lorfqu’on ajoute à la galette de maïs des affai-
fonnetnens & des véhicules, autres que le fel &
feau, elle porte alors le nom de gateaü. Tous les
peuples qui cultivent ce grain, ont chacun leur
manière de le préparer. La plus généralement
adoptée confifte à n’employer , pour cet objet,
que la farine la plus belle & la plus fine, que 1 on
mêle avec du lait & de la crème, &c. & c .
Ces gâteaux font connus dans le haut Languedoc,
fous le nom de pain de millet, milhaitet,
caffole. On les appelle en Bourgogne, flamujje,
mlliajfe. Quelquefois on y emploie la farine de
froment. Ces gâteaux fervent dans les fetes de
village , & on les vend en Italie dans les rues des
grandes villes. Enfin , il n’y a pas jufqu aux nations
les moins civilifees de l’Amérique, qui ne donnent
à la galette de maïs un air de gâteau, en y ajoutant
des baies de divers arbriffeaux qu ils ramaf-
fent pendant l’été , & qu’ils font féchèr pour cet
ufage, en tenant la pâte plus molle & la mettant
bouillir dans l ’eau.
Le bolle de maïs n’a aucune reffemblance avec
le pain de froment, ni pour la forme , ni pour la
couleur, ni pour le gdûf. Il a la figure d’un gâteau ;
il eft blanc, mais fade & infipide. La manière de
faire le bolle, c’eft de tremper le maïs, de l’écrafer
T U R 333
enfuite entre deux pierres ; après quoi, à force
de le broyer & de le changer d’eau , on vient à
bout d’en fépûrer la peau ou gouffe qui i’énve-
loppoit. L’ayant bien nettoyé , on le pétrit, &
puis on recommence à le moudre comme auparavant;
enfuite on l’enveloppe dans des feuilles de
plane ou de vyahua , qu’on met dans des pots
pleins d’eau auprès du feu , pour le cuire. Etant
cuit, on le retire de là pour manger. Cette efpèce
' de pain ne fe conferve pas long temps : paffé vingt-
quatre heures, il devient pâteux , & n’eft point du
tout bon à manger. Dans les bonnes maifons on
pétrit le bolle avec du la it, & il n’en eft que meilleur
; mais jamais on ne peut parvenir à te faire
le ver , parce que les liquides ne peuvent bien le
pénétrer, & qu’il ne change jamais fa'couleur
naturelle ; par conféquent il ne prend aucun goût
étranger, &: conferve toujours celui de la farine
de maïs. Dans tous leurs autres repas, la coutume
a jeté'parmi eux, dès le berceau, de fi profondes
racines, qu’ils ne balancent pas de préférer le
bolle au pain de froment. Us font encore d’autres
pâtifferies avec la farine de m2Ïs, & en compofent
divers mets aufli bons pour la fantè que 1e bolle,
qui ne fait jamais mal à ceux qui y font accoutumés.
* .
Mais nous nous engagerions dans une immenfe
nomenclature, fi nous voulions faire entrer ici tes
recettes de tous les mets que la fantaifie a imaginés
de préparer avec 1e maïs. Cependant pour avoir
une notion de ce que l’art du Pâtiffier pouvoit en
retirer, confidéré fous ce point de vu e , j’ai prié
M. Gendron, qui feul a déjà fu donner à la pomme
de terre, la faculté de fe métamorphofer en un
gâteau plus léger & plus agréable que celui dit
gâteau de Savoie ; je l’ai prié, dis-je , de tenter
quelques effais : & il s’en faut que tes réfultats
qu’il a obtenus, foient à dédaigner des perfonnes
qui aiment la pâtifferie ; elles trouveront amplement,
dans celle de maïs, de quoi fatisfaire leur
goût fans nuire àjeur fanté. Il feroit même à défirer
qu’on n’en préparât qu’avec ce grain : on enten-
droit moins fe plaindre des farineux en général.
(*rBibl. économique. )