
V I G
De la préparation de la cuve.
A dix pouces du bord fupérieur de la cuve, &
intérieurement, il faut fixer des efpèces de confoles
ou taffeaux, cloué» aux douelles de la cuve. Ces
taffcaux doivent avoir trois pouces quarrés de
furface, fur un pied & demi de longueur; il faut
les diftribuer de trois pieds en trois pieds dans
une cuve cfe cinquante charges, ou cent quintaux,
& plus p es les uns des autres dans une
'cuve moins gand e; il fuffit d’en placer trois d’un
côté, & trois de l'autre côté, en face des premiers.
On doit placer fur ces taffeaux, 'dés chevrons
au nombre de trois, & difpofer fur leurs travers
des planches de mefure, pour faire un plancher
dans la c-uve, à dix pouces de fon bord fupérieur,
ce qui formera un fécond fond, ou fond fupérieur.
Les planches de ce plancher ne feront
point arrêtées ni dreffées à la varlope, afin que
la liqueur de la vendante ne puiffe pas, en les
enflant, gêner la manoeuvre qui exige qu’une de
ces planches-, qui eft celle du milieu, l'oit f vu vent
levée ; il fera à propos, pour éviter de l'embarras,
de numéroter toutes les planches.
Il faudra aulîi placer des anfes à la planche du
milieu qui fera la plus longue, & on les formera
en faifant des trous à quatre ou cinq pouces de
fes extrémités, & dans fon travers ou largeur, &
en paffant dans les trous de fortes cordes nouées
par-deflir. Toutes ces chofes aiufi difpofées, & la
cuve bien exactement nettoyée, & réparée pour
qu’elle-ne répande point, & n’ait aucune mauvaife
odeur, on pourra faire travailler à la vendange.
De la vendange.
Il ne faut vendanger, ou cueillir les raifins ,
que lors de leur parfaite maturité, confidérée
fuivant les lieux , les climats, la qualité des plants,
la diverfité des terreins bas ou élevés, en plaine
ou en pente , le es , ou humides * argilleux ou
fablonneux & pierreux , & la différence de la
température des années, ce qui, en réunifiant
toutes ces circonftancés , devient très-difficile à
déterminer. On peut cependant donner pour règle
générale, qu’il eft temps de vendanger lorfque
l’on s’aperçoit que lés rafins, même les blançs
& Ifs plus-délicats , menacent de fe tourner à la
pourriture, ce qui doit être évité foigneuf ment,
& au point qu’il vaudroit mi eux, ne pas attendre'
la parfaite maturité, même de la plus grande partie
des raifins, parce que quoique encore un peu verds,
ils peuvent donner du vin paffab;e , en prenant
les précautions & les moyen«; qui feront indiqués
ci-après, au-lieu que les rafins pourris ne peuvent
jamais faire qu’un vin fins force ni ferrmté,
& très-difpofé à fe corrompre, C* fe tourner pu
ppuffsr.
Il faut, au relie,, autant qu’il eft poffible, ne
vendanger qu’en temps fec & ferein , ot attendre
s’il fe peut, avant de commencer le matin, qUe
le foleil ait eu le temps de diffiper la rofée , &
même fécher le raifin qui au roi t pu être mouillé
par la pluie les jours précéderas.
De ?encuvage.
Avant qu’il arrive de la vigne aucune voiture
de vendange ; il faudra avoir attention de placer
fur la cuve préparée comme il a été dit ci-deffu«,
un égrappoir bien conditionné & bien net, fur
lequel on videra la vendange, Ôt en l’agitant &
égrappant avec des infltumens appropriés à cette
opération, comme rateaux, &c. les grains de raifin
feront reçus fur le fécond fond , ou fond fupérieur
de la cuve. On peut égrapper de plufieurs manières,
dans un cuvot, dans des bennes , fur la
table du preftb'r, &c. Mais celle qui eft indiquée
ici pour être L ite par-le moyen d’un égrappoir
placé fur'la cuve, eft la meilleure & la plus expéditive
; cependant on peut encore fe paffer d’un
égraôpoir, en jetant tout fimplemeut la vendange
fur le fécond fond, ou fond fupérieur, fur lequel
l’égrappement peut fe faire avec facilité, fur-tout
dan; les cuves un peu grandes; toute la précau-
t on à prendre en ce.cas, eft de former ce fécond
fond en planches un peu plus épaifies, ou plus
fortes , & fur*tout les chevrons : on ne doit en
ufer cependant que fuivant les circonftancés ; c’ell-
à-di-e, qu’il ne faut point égrapper du tout fl les
raifins ont atteint une parfaite maturité; & qu’il
n’eft à propos d’égrapper , plus ou moins, que
félon que les, raifins font plus ou moins mûrs > &
jamais en entier, à moins que la vendange ne
fût tiès-verte & âpre; hors ce cas, il eft avantageux
de laiffer de la grappe, parce qu’e fe fortifie &
affermit les vins , en les rendant moins délicats,
ou plus durs ; elle les préferve de nombre d’acci-
dens, & contribue beaucoup à leur confervation,
en leur donnant plus de corps & de fermete ;
cependant fi l’on vouloit avoir des’vins plutôt prêts
à .être bus, on pourroit égrapper; mais feulement
en parrie fuivant les cas, pour ne pas trop énerver
les vins, '
Quand on a mis trois ou quatre bennes de
vendangé fur le fécond fond, ou fond fupérieur
de la cuve, foit qu’on air tout égrappé, foit ftu'e?
ment une partie, foit même point du tout, fuivant
les cas , on fait monter un homme fur ledit fécond
fond, pour fouler & trépigner les raifins jufau’a
ce que tous les grains foient ouverts & écrafés (i)>
& que la vendange foit réduite comme en pâte;
alors le même homme lève la planche à l’aide des (i)
(i) Il ne doit pas rester un seul grain entier, autant
qu'il e*t possible.
isnfes cl-deffus, & pouffe dans le bas fond de la
(cuve cette partie foulée de la vendange.
On continue enfuite toujours de même à remplir I la cuve iufciu’à ce-que la vendange touche le fécond
I fond,ou fond fupérieur : alors, quotqu on continue
I d’en mettrfe & de la fouler, on ne 1ère plus la
■ nlancheà anfes; mais lorfqu’il y a environ quatre
R on ce s de vendange fnr le fécond fond, on leve
■ toutes les planches qui le compofent, 6c on les
■ 'place fur le bord fupérieur de la cuve, en en ajou-
■ tant une dans le milieu pour la couvrir en entier;
I enfuite on jette deffus une grande couverture rie
■ laine,afin de retenir le gas qui cherche às’éthapper,
B & le forcer à fe combiner avec la liqueur tsrmen-
™ tante On pourroit encore, au lieu de placer les
planches fur la cuve , les laiffer immédiatement
fur la vendsnge, & mettre enfuite fur la cuve, la
grande & forte couverture de laine.
11 eft effentiel, au refte, que l’on tâche d’achever
le foulage, & le rempliffage dans le même jour :
le vin ne fe fait jamais mieux que lorfqu’tl eft
mené promptement.
Cétte méthode-bien fimple , eft fuffifante dans,
les cantons qui produifent d’excellens vins, &
quand les raifins font bien mûrs & bien fccs lors
de la vendange, & qu’elle fe fait par un temps
ferein & chaud ; mais dams les p*ys ou les vins
font de médiocre qualité, & dans les cas de verdeur
du raifin, ou d’humidité & de ftoid, il eft necef-
faire, pour remédier à ces défauts , lorfque la
cuve eft remplie feulement au quart, de prendre
du moût & du marc, à raifort d’un dixième ou
à-peu-près , de le faire bouillir dans des chaudières
pendant dix minutes, & jeter cette vendange
bouillante dans la cuve ; enfuite d agiter la vendange
avec des perches pour mêler exactement le
muid , ou fix charges. Si l’on veut rendre les vins
de la plus baffe qualité, même ceux des hautins ,
auffi bons * même meilleurs que les vins ordinaires
fluide , & faire en forte qu’il foit tout pénétré d’une
chaleur uniforme, ce que l’on doit repéter quand
la cuve eft à moitié pleine, lorfqu elle 1 eft aux
trois-quarts , & pour la quatrième fois , quand ,
on achève de la remplir. Cette operation ne peut
que produire de très-bons effets, même fur les
meilleurs vins, en leur donnant plus de qualité.
Si les raifins font plus verts que murs, quand on
fera obligé de vendanger ;fi la faifon a eue pluvieufe, j
& que la vendange fe f.jffe dans un temps froid j
ou humide, on ajoutera du fucre, ou de la caflon-
nade : & voici comment on procède dans cette
opération. On prend une benne de vendange, que
- l’on remplit de moût,. fans grappe ni- grain , la
liqueur devant être bien nette. On mêle à froid
■ quatre livres de fucre ou un ; eu plus de canonnade
: ce mélangé fe fait à la main , & on diftribue
quatre, fix ou huit de ces hennés lucrêes, fuivant
la grandeur de la cuve , à proportion qu’elle fe
remplit; on peut en mettre jufqu’à une benne par j
, & beaucoup moins fujets à fe tourner ou
pouffer, il n’y .a qu’à introduire dans la cuve ,
à mefure qu’elle fe remplit, une pinte de bonne
eau-de-vie par pièce de deux cent cinquante
bouteilles.
C ’eft aux propriétaires ou vignerons ; à pratiquer
, en tout ou en partie, ceux de ces moyens
qu’ils croirontles plus convenables, foit pour faire
des effais, foit pour remédier aux differens defauts
de leurs vins & les bonifier; ce que Ion peut
tenter avec d’autant plus de confiance, qu aucun
de ces moyens ne préfente rien d’équivoque, ni
qui puiffe nuire à la qualité des vins, non plus
qu’à la fanté des hommes. Lorfque ce qui^ vient
d’être détaillé aura été foigneufement exécuté ,
en tout ou en partie, fuivant les circonftancés,
& que la cuve aura été exa&emenr couverte, il
ne faudra plus y toucher en aucune manière, dans
la crainte de troubler le; opérations de la nature;
& on attendra paîfiblemeht le temps du décuvage.
Du. décuvage.
Le vrai temps de tirer le vin de la cuve eft
celui où la vendange ’, après avoir bouilli &
monté au plus haut point de fermentation -, commence
à baiffer ou s’affaiffer dans la cuve, ce
qu’ il eft effentiel d’obferver & de fuivre avec
beaucoup d’attention, pour faifir le moment de
tirer le vin de la cuve, foit de jour, foit de nuit.
La maffe des raifins qui forme la cuvée, après
s’être élevée au plus haut point de fermentation,
refte quelque temps comme immobile dans cet
état. Il faut l’y laiffer fans y toucher : ce n’eft
que lQrfqu’elle commence à baiffer, qu’il convient
de tirer le v in , ce qui arrive plutôt ou plus tard,
fuivant le degré de maturité des raifins , de la
température du temps, & dépend au ffi du plus
ou moins de foins qu’on a donnés à la manipulation
, & à la promptitude avec laquelle on a
menéie vin, qui ne fauroit être trop grande. On
doit auffi faire attention à la couleur dIjs ou moins
claire ou foncée , que l’on defire au vin : cependant
quand il l’auroit acquife, on ne doit pas le
tirer avant que l’ébullition ne foit parvenue à fon
comble, & que le marc ou vendange n’ait commencé
à baiffer, comme il a déjà été dit ; parce
qu’alors la fermentation ne feroit pas compîette,
ce qui nuiroit à la confervation du v in , &. même
à fa qualité.
Avant de tirer le vin de la cuve,on aura eu foin
de préparer le nombre de tonneaux nèceffaires ,
& qu’ils foient bons, bien clos & fur-tout fans
| aucune odeur, & de la plus grande propreté pof