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& à tendre à la pourriture, & qu’ils Réprouvent
en effet, ,à moins que dès qu’ils ont atteint à cette
plus grande maturité , on ne faififfe ce temps pour
les deffécher jufqu’au point que, par le défaut
d’eau ou de liquidité, ils foient garantis dè toute
efpèce de mouvement fermentatif.
Cette altération des fruits après leur maturité,
eft plus ou moins fènftble & prompte, fuivant les
efpèces de fruits ; elle, l’eft' moins dans les raifins
que dans beaucoup d’autres, parce que comme ils,
tranlpirent beaucoup & facilement dans les endroits
tempérés & fecs où on les conferve,ils fe deffèchent
naturellement après leur entière maturation, & jufqu’au
point même que, fuivant M. Hoffmann, au
mois de mars, les raifins dont il veut faire le vin de
paille, à leur couleur près qu’ils ont confervéè, font
prefque aufii vidés & auffi fecs que le$ raifms de
caiffe, & qu’il eft * comme on l’a v u , obligé d’y
ajouter du vin pour en délayer & exprimer lé fuc.
Par cette déification les raifins deviennent à la
vérité encore plus fucrés, & par conféquent plus
propres à faire un bon vin de liqueur; mais il faut
obferver qu’après la parfaite maturation, la quantité
de matière, fucrée n’augmente point-réellement dans
les railins, & qu’elle ne fait que fe concentrer par
l’évaporation de Peau de végétation.
Il me femble, d’après toutes ces obfervations,
qu’on pourroit fe diipenfer de conferver pendant
tout l’hiver , les raifins deftinés à faire du vin de
liqueur dans nos climats. Il fuffiroit de garder ces
fruits jufqu’à ce qu’on s’aperçût qu’ils ne gagnent
plus rien du côté de la maturité ; & autant que j’ai
pu le remarquer fur des raifins que l ’on conferve
ainfi, le temps de leur dernière maturation après
qu’ils Ont été cueillis, ne paffe guère vingt-cinq ou
trente jours; en les preffant alors & faifant fermenter
leur moût, ils produiroient certainement un excellent
vm. Le moût en étant beaucoup plus aqueux que
celui des raifins gardés pendant fix mois, il eft certain
que le vin qui en réfulteroit ne réuniroit pas
le corps, la vigueur & la douceur qu’on defire &
qu’on trouve dans les vins de liqueur ; mais ces qua- i
lités provenant uniquement de l’excès de la quantité
de matière fucrée fur la partie aqueufe du moût, il
femble qu’il feroit bien facile de procurer aux vins
faits-de cette manière autant de liqueur qu’on vou- •
droit, foit en faifant réduire leür moût par l’évaporation
fur le feu, comme pour les vins cuits, foit,
ce qui feroit encbre plusfimple & peut-être meilleur,
en y ajoutant affez de fucre pour lui donner la mêmè
faveur & la même confiftance qu’a le moût des
raifins confervés pendant fixmois ; & il n’en faudroit
probablement pas une grande quantité pour cela.
Les caractères fpécifiques des vins dépendent,
comme je l’ai dit, de leur partie extraâive; & cette
addition de fucre n’y occafionnant aucun chànge-
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ment, les vins n’en conferveroient pas moinsleùfj
qualités diftinâives, & l’on éviteroit,parce moyen
_ l’embarras, les frais & même le déchet inévitable
dans une confervation de fix mois ; car, quelque
attention qu’on y porte, il y a toujours pendant
ce long efpace de temps, une quantité affez confi-
dérable de gçains qui fe pourriffent, & qu’il faut‘
foigneufement enlever, parce qu’ilsx occafionne-
roient la pourriture des autres : ce qui, fans compter
la peine & les foins, occafionne néceffairement un*
affez grande perte.
Au fur plus, n*ayant fait aucune épreuve de
cette méthode, je ne puis abfolument en garantir
le fuccès ; mais comme elle eft facile, peu coûteufe
& qu’elle promet beaucoup, je crois qu’elle mérite
qu’on en faffe l’effai : j’en augure d’autant mieux,
que probablement ce feroit en même temps le
meilleur moyen de conferver à ces vins de liqueur,
les caractères propres de leurs raifins ; car fi quelqu’un
des principes de ces fruits éprouve de l’altération
par le deiTéchement, c’eft affurément leur
partie exiraCtive : on peut s’en convaincre par les
qualités des raifins de caiffe, dans lefquels on ne
reconnoît prefque plus la faveur propre de chaque
efpèce de raifin, mais feulement celle de la partie
fucrée qui fe fépare même des autres principes & fe
criftallife dans l’intérieur & à la furface des grains.
Aufîi le vin qu’il eft très-pofiible de faire avec ces
raifins de caiffe, en leur rendant la quantité d’eau
qui leur manque & qui eft néceffaire à la fermentation
, quoique fort bon, n’a ni l’odeur ni la faveur,
propre des raifins dont il provient ; j’en ai été
convaincu en goûtant cette efpèce de vin qui avoit
été fait par M. JBaumé avec beaucoup de foin &
avec toute l’intelligence dont cet habile chimifte
a donné tant de preuyes.
J’ajouterai .ici quelques confidérations fur les
différens degrés de la fermentation vineufe & fur
les altérations que. le vin eft fujet à en recevoir.
Dans la méthode ordinaire de faire les vins de
rai fins & autres, je crois, comme je l’ai déjà fait
remarquer, qu’on doit diftinguer deux temps dans
la fermentation ; le premier eft celui pendant lequel
durent les phénomènes fenfibles dont j’ai déjà parlé;,
c’eft pendant ce temps que fe fajt le fort du travail,
ou que fermentent le plus grand nombre des parties
fermentefcibles. Après ce premier effort de la fer-,
mentation, ces phénomènes diminuent fenfible-
ment à caufe de la préfence de l’efprit ardent ; & il
eft bien effentiel d’en favori fer à propos la ceffation,'
fur-tout dans les vins fecs. La liqueur devient donc
alors tranquille, il n’y paroit plus dé mouvement
fermentatif ; les parties hétérogènes qui étoient fuf;
pendues dans le vin par ce mouvement, & qui le
troubloient, fe féparent, forment un premier dépôt
qu’on nomme la lie9 & le vin devient clair. Mais
quoiqu’alors le vin foit réputé fait, & que la fermentation
foit finie en apparence, elle ne l’efl
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«‘pendant pas réellement, & ne doit pas l’etré :
entièrement, fi l’on veut avoir un vin bon & généreux.
Il refte dans ce W nouve:ïu » <luand il eft
de bônnne qualité & bien fait, une certaine quantité
de parties qui n’ont point eu le temps de fermenter
avec les premières, & qui fubiffent après coup la
fermentation, mais d’une manière lente, fuccefliye
& incapable par cette raifon d’occafionner des phénomènes
bien fenfibles de fermentation comme les
premières. La fermentation fe continue donc encore
dans le vin pendant un temps plus ou moins long,
quoique d’une manière infenfible; & c’eft-là la
l fécondé période de la fermentation fpiritueafe : je
la nomme fermentation infenfible.
- On conçoit facilement que l’effet de cette fermentation
infenfible eft d’augmenter peu à peu la
I quantité de fpiritueux dans le vin ; mais elle en a
| encore; unatftre qui n’eft pas moins avantageux, c’eft
[ de féparer du vin une matière faline , acide &
lerreufe, qu’on nomme le tartre : cette matière
forme donc un fécond dépôt dans le v in , & s’at-
I tache aux parois des vaiffeaux dans lefquels on le
[ conferve. Comme la faveur du tartre eft dure &
[ défagrêable, il eft évident que le v in , qui, par
[ l ’effet de ïâ fermentation infenfible, a,gagné du
l'fpiritueux & s’eft débarraffé de la plus grande partie
| de fan tartre, doit être infiniment meilleur & plus
[ agréable;& c’eft à cela qu’eft due principalement K la fupériorité reconnue de tout le monde, qu’a le .
I vin vieux fur le vin nouveau. La plus exaéle combi-
I naifon du fpiritueux avec les autres principes du
I vin , y contribue probablement auffi beaucoup.
[ Mais fi la fermentation infenfible mûrit, amélioré
I & perfectionne le v in , ce n’éft qu’autant que là
K fermentation fenfible a été faite régulièrement, & I qu’elle a été arrêtée à propos. Il eft bien certain
I que fi on ne lui a pas donné le temps de parcourir
I en entier fa première période, comme alors il reftera
I dans le vin une .bien plus grande quantité de parties
I qui n’auront pas encore fubi la fermentation, ces
I .parties venant à fermenter après coup dans les I bouteilles ou autres vaiffeaux clos, dans lefquels
K on conferve le vin , occafiônneront des phénomènes
1 de fermentation d’autant plus fenfibles, que la pre-
I mière fermentation aura été interceptée plus tôt.
K Aulîi il arrive toujours que ces vins fe troublent,
| bouillonnent dans les bouteilles , & en font même
K cafter un grand nombre, à caufe de la grande quan-
I tité de gas & des vapeurs qui fe dégagent pendant
K la fermentation. On a un exemple de ces effets dans
les vins qu’on nomme mouffeux, tels que le vin
blanc de Champagne & autres de cette efpèce.
On intercepte ou même on fupprime à deffein la
fermentation fenfible de ces vins, pour leur donner
cette qualité mouflèufe ; tout le monde fait que ces
vin.s font fauter avec bruit les bouchons de leurs
bouteilles, qu’ils fontpétillans & feréduifent tout en
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mouffe blanche quand on les verfe dans les verres,"
& qu’enfin ils ont une faveur infiniment plus vive &
plus piquante que-celle des vins non mouffeux. O r ,
cette qualité mouffeufejde ces vins, & tous les effets
qui en dépendent, ne font dus qu’à une quantité
considérable de gas qui s’eft dégagé pendant l’efpèce
de fermentation fuffoquée qu’ils ont fubie dans les
vaiffeaux clos ; ce gas n’ayant pu fe difiipçrà mefure
qu’il fe dégageoit, & s’étant interpofé fùcceffiventent
entre toutes les parties du v in , y eft à demi-
combiné & adhèrent, à-peu-près comme il l’eft dans
les eaux minérales qu’on nomme fpiritueufes : aufii
produit-il exaéfement les mêmes effets ; & quand il
eft totalement dégagé de ces fortes de v ins , non-
feulement ils ne font plus mouffeux, mais encore
leur faveur, d’abord fi viye & f i piquante, devient
beaucoup plus douce, & même prefque fade.
Telles font les qualités qu’acquiert4e vin avec le
temps , quand fa première fermentation fenfible n’a
pas eu lieu, ou qu’elle n’a pas duré affez long-temps.
Ces qualités ne font point mauvaifes à certains
i égards, puifqu’on les donne exprès à plufieurs
efpèces de vins,; mais elles ne fervent qu’à fatis-
faire le goût & le caprice de certaines gens, elles
ne doivent point être celles d’un vin deftiné à être
bu habituellement. Ce dernier doit avoir fubi d’abord
une fermentation fenfible, allez complète pour que
la fuite de cette fermentation, qu. fe fait avec le
temps dans les vaiffeaux clos, foit infenfible, ou
du moins ne foit qu’infiniment peu fenfible..
Mais fi le vin quln’a pas affez fermenté d’abord ;
eft fujet aux accidens dont nous venons de parler,
celui, dont la première fermentation a été pouffée
trop loin, en éprouve encore de bien plus fâcheux.
Toute liqueur fer.mentefcible e ft, par fa nature,
dans un mouvement fermentatif plus ou moins
fo r t, fuivant les circonftances , mais continuel depuis
le premier inftant de la fermentation fpiri-
tueufe, jufqu’à la putréfaâion la plus entière. Il fuit
de là que dès que la fermentation fpiritueufe eft
parfaitement finie, & même quelquefois avant, le
vin commence à fubir la fermentation acide; cette
fécondé fermentation eft três-lente & infenfible,
quand le vin eft dans des vaiffeaux bien clos, & dans
un lieu bien frais ; mais elle fe fait fans interruption,
& gagne peu-à peu ; enforte qu’après un certain
temps , le vin au lieu de s’être amélioré , se trouve
a la fin tourné à l’aigre : & ce mal eft fans remède,
parce que la fermentation peut bien avancer, mais
jamais rétrograder. Auffi les marchands de vin qui
ont des vins qui tournent à l’aigre, font-ils dans Je
plus grand embarras : ils y ajoutent différentes
drogues pour mafqutr & abforber cette aigreur. Les
alkalis & lesjterres abforbantes peuvent produire cet
effet : mais'ces matières ont l’inconvénient de donner
au vin une couleur fombre, verdâtre, & une
faveur qui, fans être aigre, n’en eft pas plus agréable ;
d’ailleurs les terres calcaires en accélèrent confidè*
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