
Puifque, dans cette opération, il ne s’élève
point de pouffière, à moins qu’on ne remue la
poudre, il faut avoir l’attention de ne la point
agiter pendant qu’on l’évente. Quant à ce qui
tombe à travers la toile claire, on peut le mêler
avec la poudre, après qu’elle eft entièrement fèche.
Nous trouvâmes fous la toile une- livre de petits
grains qui ayoit paffé à travers .les trous.
En comparant cette expérience avec celle qui
avoit été faite dans le mois de janvier, nous pouvons
voir que la différente température de l’a ir,
par rapport à l’humidité ou à la fécherefle , influe
beaucoup pour hâter ou pour retarder la déification
de la poudre.
J’ai obfervé la même choie , en faifant fécher
la dtèche &f le froment, qui diminuoient moins
de poids vers le matin que dans le milieu du jour.
Mais fi au lieu d’éventer la poudre à canon avec
un air froid , on l'évente avec un air chaud tiré
d’une étuve où il y aura un poêle de feu, comme
on le pratique dans quelques étuves à houblon,
il eft vraifemblahîe qu’elle pourra fécher dans
une heure ou deux , plus ou moins promptement,
félon que L’air qu’on y conduira, fera plus ou
moins chaud; & cela quoiqu’elle foit étendue en
une couche fort épaiffe. Nous voyons par ce qui
eft arrivé au houblon, que nous avons fait fécher
par le moyen de nos Ventilateurs , qu’on peut-
tirer fans peine une grande quantité d’air chaud*
d’une étuve-convenable ; & comme on peutdeffé-
cher la poudre à canon par ce moyen, en fort
peu de temps, on épargnera la grande dépenfe
du bois, outre qu’on évitera le danger du feu.
On peut en effet conduire l’air chaud de l’étuve,.
par un grand tuyau quarré de bois, à l’endroit
où eft la poudre, & à tel degré d’éloignement
qu’on jugera convenable ; $é afin que ce
tuyau ne foit point affe&é par l’air froid ou humide
, on pourra le revêtir d’un autre femblable '
tuyau fait de planches, & plus grand d’un ponce
en tous fens. que le tuyau intérieur.
Il fera même à propos de goudronner ce tuyau
extérieur, pour qu’il ne prenne aucune humidité.
Moyennant ces précautions ori ne doit guères
craindre de mettre le feu à la poudre, quand
même il arriveroit par malheur que le feu pren-
droit à l’étuve.
Pouvant par ce moyen, fécher à ce degré la
poudre qui eft humide, il n’eft pas douteux qu’on
ne puiffe de même conferver fèche celle qu’on
garde en barils dans les magafins, fur-tout dans
les pays humides; car comme les liqueurs qu’on
met dans des tonneaux, diminuent confidérable-
ment en s’imbibant dans le bois, au travers duquel
elles tranfpirent, de même au contraire, fi
les barils de poudre fe trouvent dans un endroit
humide, il faut néceffairement que l’humidité
pénétre les jsarils & gâte la poudre. On peut prévenir
cet accident en conduifant dans les magafins
à poudre , par le moyen des grands Ventila-
teurs dont j’ai donné ci-deflùs la description , une
grande quantité de nouvel air dans les beaux
jours, & dans les heures de ces jours où l’air
fera le plus fec.
L’expérience a fait voir que lorfque la poudre
eftxonfervée dans un endroit bien fec , elle garde
fa force pendant plus de cinquante ans. Une fois
que ces magafins auront été parfaitement bien
léchés, il eft vraifemblable qu’il fuflira de les
éventer pendant quelques heures , de temps en
temps : au moyen dequoi la dépenfe & le travail
ne feront pas confidérables.
Suppofé qu’il fallut porter l’air à tous les coins
du magafin, on pourra le faire par le moyen de
grands tuyaux ronds ou quarré s, faits d’une toile
à canevas ou à voile , qui feront l’une & l’autre
préférables à des planches , parce qu’il y aura toujours
quelque, peu d’air qui paffera à travers la
toile; ce qui vaudra mieux,lorfqu’il s’en trouvera
une aufli grande quantité ; & d’ailleurs la toile
fe confervera long-temps fèche.
La poudre à canon qu’on embarque fur les
vaiffeaux , eft fujêtte à devenir humide dans la
foute aux poudres, & dans les longs voyages on
eft, dit-on, obligé de porter les banis qui la contiennent
fur le tiilac , afin de la faire fécher pendant
les figures les plus chaudès du jour. Dans
les vaiffeaux anglois, on conflruit, par cette rai-
fon, la foute aux poudres fous la cuifine , parce
• que c’eft l’endroit le plus'fec. Il fera cependant
très-facile de conferver la poudre fèche fur les
vaiffeaux , en portant de nouvel air dans la foute
aux poudres, ck au milieu des jours fecs, par le
moyen des petits .Ventilateurs dont j’ai parlé ci-
deffus.
L’air eft un des grands agens de la nature. L’agitation
le rend non-feulement plus fain, mais il
en devient encore plus utile à toutes le s productions
de la terre. Il entraîne par fon mouvement
cette grande quantité de vapeurs quî tranfpirent
de fous les végétaux, & qui les étoufferoient &
y produiroient la nielle, &c. fi elles y reftoient
attachées. Il contribué encore beaucoup à deffé-
cher infenfiblement la fubftance des végétaux ; ce
qui non feulement les met en état d’attirer avec
plus de force une nouvelle nourriture , mais les
rend encore par degrés plus durs & plus folides.
Le doéteur Defagiiliers, remarque dans fes Expériences
fur l’é leâficité, qu’un air fec eft très-
éle&rique; propriété par-laquelle il attire puiffamxnent
ment l’humidité. Ainft un tube de verre, rendu
éieéfrique par le frottement, non-feulement attire -
à lui avec force de petites goûtes d’eau, mais fi
on l’approche d’un filet d’eau dont le diamètre
foit d’un dixième de pouce, ce filet, de,perpendiculaire
qu’il étoit, deviendra courbe. Il n’eft
donc pas étonnant que l’air, en paffant à travers
la poudre à canon, la deffèche à la longue parfaitement.
Puifque nous avons trouvé le moyen de mettre
fans peine une grande quantité d’air en mouvement,
nous pouvons fans contredit, à l’imitation
de la nature, le faire fervir à notre avantage à
plulieurs égards. Ainft ce moyen peut être utile
dans plufieurs métiers, pour entraîner, par le fe-
Cours d’une grande quantité de nouvel air, les
vapeurs nuifibles qui fe détachent des matières
fur lefquelles on doit travailler.
De pareils Ventilateurs peuvent être aufli d’une
utilité importante pour les braffeurs dans des temps
chauds & calmes, parce qu’alors tous les braflins
de bière font, à ce qu’on m’a affurêy fujets à fe
gâter, faute d’une agitation fuffifante dans l’air ,
pour entraîner les impuretés qui doivent s’en fé-
parer, & qui non-feulement altèrent la bière en
fe précipitant de nouveau au' fond des tonneaux
dans les caves , mais qui l’empêchent encore de
fe réfroidir, & qui la confervant ainfi trop longtemps
chaude, la font travailler imparfaitement. ,
J’ai appris d’un tapifiier, que les plumes font ;
fort fujettes à fe gâter dans les magafins, faute de ;
nouvel air. Non-feulement on pourra , par le
moyen de ces Ventilateurs , prévenir efficacement
un pareil inconvénient, mais les plumes en deviendront
beaucoup plus légères, &. d’un meilleur
ufage.
Le renouvellement de l’air contribue beaucoup
à garantir lés étoffes de laine dés teignes,* il feroit
donc utile pour en garantir la laine dans les magafins.
Ces Ventilateurs pourroient -aufli être employés
utilement dans les pays chauds, pour rafraîchir
l’air dans les grandes chambres; ce qu’on feroit
par leur moyen plus efficacement, & avec moins
de peine, qu’on ne le fait aujourd’hui en fe fer-
vant de grands éventails. Un air pouffé de cette
manière feroit rafraîchiffant, fuppofé même qu’il
fut aufli chaud que l’étoit celui qui environnoit les
perfonnes avant que d’être agité par les Ventilateurs
; car là brife rafraîchit l’air dans les climats
chauds, parce qu’elle entraîne les vapeurs échauffées
qui tranfpirent continuellement des perfonnes,
& qu’elle rend par là la tranfpiration plus libre ,
ce qui rejouit & caufe un fentiment de fraîcheur.
Ceft par ja même raifon qu’il feroit vraifembla-
blement fort utile pour les malades qui font dans
A ks 6* Métiers. Tome VIII,
des hôpitaux & dans des chambres particulières,
de ‘renouveler l’air corrompu & échauffé qui les
environne (qui les incommode plus que le commun
ne fe l’imagine ) , & de lui fubitituer un air
fe c , pur & chaud.
Pour connoître de qu’elle utilité pouvoient être
ces Ventilateurs pour fécher'lé houblon, j’allai
chez M. Thomas Haies , à Howktts près de Can-
torbery, où il y a quatre étuves l’une à côté de
l’autre dans un feul bâtiment, au milieu de chacune
defquelles il y a un poêle de fonte. Ces
poêles dans chaque étuve étoient pofés fur un
ouvrage de brique à environ trente pouces du
plancher , & avoient deux pieds quatre pouces
de haut, deux pieds neufs pouces de large, &
deux pieds onze pouces de long. Il y avoit au
haut dé chaque poêle & poftérieurement, un trou
qui étoit couvert d’une boète de fer plus petite,
laquelle avoit deux pieds trois pouces de longeur
en devant, dix pouces de largeur ck autant d’é-
paiffeur. A la partie poftériettre de 'cette boëte,
il y a une grande ouverture par où la fumée
fort & entre dans des tuyaiix de brique qui la
conduifent jufqu’au haut de l’étuve, où elle enfile
un tuyau de cheminée qui eft perpendiculaire ;
au moyen de quoi la fumée du charbon de terre
de Newcaflle qu’on y brûle, ne fauroit caufer
aucun tort au houblon. La furface fupérieure du
poêle eft diftante de fix pieds fept pouces, des
toiles de crin far lefquelles on étend le houblon.
-Je plaçai hors de l’étuve, & dans une fituacion
droite, une paire de Ventilateurs qui avoient intérieurement
huit pieds de long , quatre pieds fept
pouces de large , & feize pouces & demi d’épais ;
de manière que la partiç fupérieure du diaphragme
avoit feize pouces de jeu, en mettant un demi-
pouce pour l’épaiffeur du diaphragme, qui étoit
fait de planches de fapin placées en^long, & aC-
femblées par de larges traverfes qui avoient un
demi-pouce d’épais aux deux extrémités , mais
dont l’èpaiffeur étoit d’un pouce au milieu, pour'
en augmenter la force.
La verge de fer, étoit arrêtée d’une manière fixe
dans un écrou, à huit pouces du bord fupérieur
du diaphragme , &-foutenue de part & d’autrç
d’une plaque de fer. Elle avoit une jointure auprès
du diaphragme, moyennant laquelle elle
pouvoit fe mouvoir en tous fens, afin qu’elle fé
prêtât mieux, tant au mouvement du diaphragme
qu’à celui du levier, avec lequel elle étoit arrêtée
par un clo.u enchâffé dans la mortaife. La longueur
du levier qui étoit fixe dans un point où il avoit
un mouvement de charnière, étoit de trois pieds
d’une part, & de huit pieds fix pouces, jufqu’à
fon extrémité qui étoit mue horifontalement à
force de bras.
On avoit ajufté au levier* une petite roue de
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