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Pour dorer le lingot, on fait chauffer une barre
d’argent bien ronde & bien polie , jufqu’à ce qu’elle
rougiffe, après quoi le tireur d’or couche au long
& autour de ladite barre des feuilles d’o r , telles
qu’on les trouve chez les batteurs d’or , en quantité
proportionnée à la qualité qu’il veut donner au
trait qu’il fe propofe de faire ; & après les avoir
couchées , il les frotte avec une pierre bien polie
pour les attacher au lingot, de façon que la barre
d’argent & les feuilles ne compofent qu’un tour.
Les ors les plus bas font dorés à 28 feuilles
couchées les unes fur les autres & liffées avec la
pierre à polir. Les ors les plus hauts ne paffent
guere 5 6 feuilles. '
Le fuperflu ou excédent des feuilles qu’on vou-
droit ajouter deviendroit inutile, & empêcherdit
même la barre d’être tirée comme il faut.
Le frottement fur les feuilles fe fait à fur & à
mefure qu’on couche les feuilles de fix en fix , ou
de huit en huit feuilles.
Il faut beaucoup plus de foin pour tirer l’or què
l'argent, & fur-tout que les filières foient extraordinairement
polies , parce que fi par hafard il s’en
trouvoit quelqu’ une qui grattât la barre, ou la
gavette, ou le trait , la partie grattée blanchiffant ,
feroit continuée jufqu’à la fin ; parce que, quoique
le lingot foit bien doré, en quelque cas ou en
quelque rems que vous rompiez la barre, ou la
gavette, elle fera toujours blanche en dedans ; l’or
comme on l’a déjà dit, n’occupant que la fuper-
ficie du lingot, dont la dureté par fa préparation ,
lui empêche de pénétrer plus avant, & lui donne
plus de brillant.
Lorfque l’argent du l’or eft tiré, il s’agit de le
filer ; & pour parvenir à cette opération , il faut
l’écacher ou écrafer fous deux roues ou meules
dont la circonlérence eft d’un acier fi poli,qu’il
ne faut pas qu’il y, ait une légère tache.
Le trait, quelque fin qu’il puiffe être , s’aplatit
en pafl’ant entre les deux meules du moulin for-
tant du roquetin. Le trait paffe dans un livret fur
lequel eft un petit poids de plomb qui le tient en
régie , & empêche qu’il ne vienne plus vite que
le moulin le diftribue , & ayant paffé entre les deux
meules , il s’enroule fur un autre petit roquetin
appelle roquetin de lame , parce que le trait quoique
fin & rond étant écaché ne forme plus qu*une
lame, & que c’eft cette même lame, laquelle enveloppant
la foie fur laquelle elle eft m o n té e fo r me
ce qu’on appelle le filé.
Commerce de Vor & P argent-trait.
L’or & l’argent trait battu, ou en larmes de Lion ,
fe vend par bobines de demi-once , & d’une once
ner, c’en-à-dire , fans comprendre le poids de la
bobine ; & les différens degrés de fineffe , fe diftin-
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guent par des P,’ depuis un jufqu’à fept, toujours
en diminuant de groffeur ; enforre que celui d’un
P eft le plus gros , & que celui de fept P eft 4e plus
fin , que l’on appelle à caufe de cela fuperfin.
L’or & l’argent trait, battu ou en lame , qui fe
fabrique à Paris, fe débite en bobines de différens
poids;- & fes divers degrés defineffe ou de furdo-
rure font indiqués par des-numéros depuis 50 jufqu’à
71 , qui vont toujours en diminuant dé groffeur
, & en augmentant de furdorure ; de manière
que celui du n° 50 eft le plus gros & le moins fur-
doré , & celui du ne. 72 eft le plus fin & le plus
furdoré , & ainfi des autres numéros à proportion.
Les filés d’or & d’argent de Lion fe vendent
tout dévidés fur des bobines de différens poids ;
& leurs divers degrés de fineffe font diftingués par
un certain nombre d’S ; en forte que l’on commence
par une$ , qui eft le plus gros, & que l’on finit
par fept S , qui eft le plus menu : ainfi l'on dit du
une S y du deu x S , du trois 5 , du quatre 5 , du quatre
S & demie , du cinq S , du cinq S & demie, du
fix S t fk. du fept 5 , autrement du fuperfin.
Ceux d'une , deux, trois & quatre S , font par bobines
de quatre onces, & ceux de quatre S 8c demie,
de cinq , de cinq & demie , de fix S , & de
fept S , font par bobines de deux onces , le tout
net.
Il y a des filés d’or & d’argent que l’on nomme
filés rebours , parce qu’ils ont été filés à contre
lens c’eft-à-dire , de gauche à droite. Ces fortes
de filés ne s’emploient qu’en cërtains ouvrages
particuliers , comme crépines, franges , mo-
lets , 8c autres femblables , qui ont des filets pendants
; il en entre auftl dans la bo'utonnerie.
On compte de cinq fortes de filés d’or & d’argent
rebours, qui fe diftinguent par une demie S , par
une S , par deux S , par trois S , & par quatre S ,
qui vont en diminuant de groffeur ; de manière que
celui d’une demie S , eft le plus gros, & celui de
quatre S 9 le plus fin : ces fortes de filés d’or & d’argent
font ordinairement par bobines de quatre
onces net.
Or de Milan.
Çe qu’on appelle or de Milan , eft de l’argent trait
que l’on a écaché ou aplati en lames très-minces &
très-déliées d’une certaine, longueur, qui ne font
dorées que d’un côté ; de forte que venant à être
filées , on n’aperçoit plus-que dè l’o r , le côté de
l’argent fe trouvant entièrement caché.
La manière de ne dorer les lames que d’un côté,
eft un fecret très-ingénieux & très^particulitr ,
dont les feuls tireurs d’or de Milan font en poffef-
fion depuis long-temps. Ceux de Paris St de Lion
ont
ont plufieurs fois tenté de les imiter ; mais ç ’a toujours
été fans un fuccès parfait.
Les filés d’or de Milan viennent par bobines de
deux & de quatre onces net ; & leurs degrés de
fineffèfe diftinguent par un certain nombre d’S , de
même queïeux de Lyon.
Maniéré de tirer Vor & l'argent fa u x , pour le dif-
pofer à être employé en trait, en lame, ou en
filé, ainfi que le fin.
On prend du cuivre rouge appellé rosette , dont
on forme, par le moyen de la forge, un lingot fem-
blable à celui d’argent ; on le tire à l’argue , puis
on fait des cannelures ou filets fur toute fa longueur
avec une efpece de lime plate dentelée parles bords
en façon de peigne , que l’on nom me griffon', après
quoi^qn applique deffus fix feuilles d’argent, chacune
du poids d’environ 18 grains: enfuite on chauffe
le lingot dans un feu de charbon , d'où étant
retiré, on paffe le bruniffoir par-deffus jufquà ce
que les feuilles foient bien unies ; puis on y applique
encore fix nouvelles feuilles d’argent femblables
aux précédentes , & l’on employé ainfi une
once & demie d’argent en feuille fur un lingot de
cuivre d’environ vingt marcs.
Le lingot, ainfi argenté, fe remet dans un feu de
charbon, où il chauffe jufqu’à un certain degré
de chaleur ; & lorfqu’il a été retiré du feu , on paffe
par-deffus le bruniffoir, foit pour fouder l’argent
, foit aufti pour le rendre tout-à-fait uni.
Enfuite on le fait paffer par autant de trous de
filière qu’il eft néceffaire, pour le réduire de même
que l’or & l'argent fin à la groffeur d’un cheveu :
en cet état c’eft ce qu'on nomme du faux argent
trait ou de l'argent trait faux.
Quand on délire avoir de Vor trait fa ux , on
porte le lirgot tout argenté à l’argue , où on le
fait paffer par fept ou huit pertuis de calibre ;
puis on le dore de la même manière que les lingots
d'argent fin ; & l’on obferve au furplus tou-
tès les circonftances marquées pour les autres ef-
peces de fils traits.'
L’or & l’argent traits faux s’écachent & fe filent
de même que le fin ; avec cette différence néanmoins
que le fin doit être filé, fur' la foie, & que
le faux ne fe doit faire que fur du fil de chanvre
ou de lin.
L’or & l’argent faux, foit trait, foit battu ou
en lame, vient la plus grande partie d'Allemagne ,
particulièrement de Nuremberg, par bobines de
deux & de quatre onces net ; & leurs différens degrés
de fineffe fe diftinguent par des numéros depuis
un jufqu’à fept, toujours en diminuant de
groffeur; de forte que le premier numéro eft le
plus gros, & que le dernier eft le plus fin.j^
Arts & métiers% Tome VIIL
Il s’en fabrique quelque peu à Paris , qui çft fort
eftimé pour fa belle dorpre , dont les bobines ne
font point numérotées, fe vendant au poids , à proportion
qu’il eft plu? ou tnoms fin, ou plus ou
moins argenté ou furdoré.
Fumigation ou fumage fur les galons , lames , traits,
filés, ou autres ouvrages d'or 6* d'argent.
' On fume les galons, filés , traits, lames ,
en faifant paffer , à la fumée, des filés peu chargés
d’o r , pour leur donner une couleur plus vive &
plus reffemblante à l'or.
Cette fumigation ou fumage fe fait de deux
façons , ou en fumant les filés avant de les employer
, ou en fumant les galons, dentelles , ou autres
ouvrages, après qu’ils font fabriqués.
Cette contravention peut fe faire par le fabriquant
ou par le marchand, pour le compte du
fabriquant, ou pour le compte du marchand.
Elle peut fe faire pour le fabriquant en fumant
les filés quil emploie pour fon compte, ou les galons
qu’il a fabriqués : elle peut fe faire par le marchand
de deux maniérés : ou en chargeant le fa<-
briquait de fumer les filés qu’il lui donne à employer,
ou en fumant lui-même chez lui les galons
& ouvrages fabriqués, après que le fabriquant
les lui a livrés.
Cette fumigation Vopère de deux façons , ou
avec des ailes de perdrix , ou avec des rognures
de drap d’écarlate , & du fucre#en ppudre ; on
y ajoute un peu d’eau-de-vie pour empêcher la
mauvaife odeur : la prem è:e de ces deu-x façons
étoit plus en ufage autrefois ; on fe ferj plus vo-
I lontiers aujourd’hui de la fécondé, comme étant
plus aifée, plus belle, ayant moins d’odeur, & par
conféquent plus difficile à découvrir.
Elle fe fait pour les filés en mettant cette rognure
d’écarlate , & ce fucre en poudre fur du feu dans
une petite poêle de terre qu’on met dans un tonneau
, au couvercle duquel tient, par le moyen
o'un crochet, la lanterne autour de laquelle eft
dévidé le filé. Le tonneau bien couvert, la fumée
de ce fucre & de la rognure, forment une efpece
de gomme , qui donne le vernis & augmente la
couleur, fans qu'on puiffe s’en apercevoir.
Par rapport aux galons ou autres ouvrages fabriqués
, elle fe fait de la même maniéré, à la
différence feulement que le tonneau n’eft point
couvert , & que deux perfonnes font paffer ces
ouvrages fur la fumée , en les étendant 8c répétant
cette opération autant de fois qu’ils jugent à propos,
pour leur donner plus ou moins de couleur.
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