T O U R N E U R .
(Art du)
I_ i ’ a r t du Tourneur doit être mis au rang
des arts les plus utiles , & les plus exercés , foit
par le grand nombre des maîtres qui s’ en occupent
peur les avantages de la fociété , foit par
ià quantité d’amateurs & de perfonnes induftrieufes
qui en font leur amufement. Il eft donc de notre
devoir de faire connoître, dans une jufte étendue,
lès procédés de. cet Art ; & pour y parvenir, nous i
expoferons d’abord la doftrine du P. Plumier,
minime , qui a publié , en 1710 , l’ouvrage le plus
méthodique & le plus complet fur ce fujet : nous
consulterons enfuite les traités les plus modernes ,
& nous tâcherons de ne rien omettre de ce que la
Théorie & la Pratique de cet art ont enfeigné-
d’effemiel.
Obfervatlons Préliminaires.
Il faut premièrement choifir un lieu éclairé , de
manière qu’on p.uitTe bien voir fon ouvrage , &
qu'on ait les jours de devant & fur-tout de
côté ; '
Que le banc du tour foit bien affermi & immobile
; qu’il foit du moins élevé jufqu’à la ceinture,
& que les- poupées foient d’une telle hauteur
fur le banc , qu’on ne foit pas obligé d’abaiffer
fon corps pour bien voir fon ouvrage : ni aufîi-
qu’elles foient fi élevées que l’ouvrage foit
trop près du vifage, de peur que les petits copeaux
qui fe font en travaillant ne fautent.aux
yeux.
Comme toute la fcience du tour dépend de
bien favoir tourner en rond, ainfi que difent les'
ouvriers ; il eft très-important que celui qui veut
s’appliquer au tour , fâche bien dégauchir & re-
dre fier fa pièce. Ce qu’il peut faire avec une
hache ou hacherot dont un côté doit être en
plateau , & le bizeau du tranchant à main droite,
afin de ne prendre qu’autant de bois qu’il eft
néceffaire , a quoi il faut bien prendre garde.
Mais pour une plus grande aflurance, on fe
fervira ou d’un rabot félon la qualité de la matière
, ou d’un couteau de tonnelier.
On peut aufîi fe fervi? d’une râpe, & ayant
ferré la pièce dans un étau , on la rendra d’une
égale grofleur , autant qu’il fe pourra ; & en la
tenant un peu plus épaiffe que le defîein qu’on
vèut e x é c u te r e lle fera en état d’être mife fur
le tour; mais avant que de l’y mettre, il faut
trouver .les centres, des deux extrémités, & que
les centres foient fi bien oppofés l’un à l’autre
que la pièce tournant fur les deux pointes du tour,
ne fe trouve pas plus élevée d’un coté que de l’autre.
O r , voici la manière de trouver au jufte les
deux centres.
IL faut appliquer au. long fur un banc ou fur
une planche la pièce qu’on- veut tourner , foit
qu’elle foit déjà arrondie à la hache, à la râpe,
ou autrement » ou qu’elle ne foit qu’équarrie.
Ayant ouvert le compas à peu près à la moitié
de répaifleur , il faut tenir d’une main le compas
couché fur le banc ou la planche, en faifant
j qu’une de fes pointes touche le banc ou la planche
I & que l’autre pointe touche l’extrémité de la
pièce.
On tournera la pièce quatre fois en quatre distances
à peu près égales. Si elle eft ronde on
tracera fur fon extrémité quatre lignes dont l’in-
terfeéiion donnera au jufte le centre de l’extrémité*
Si la pièce eft feulement équarrie on la tournera
fur chacune de fes faces , & autant de fois
on tracera de la même manière que fur l’arrondie
les lignes dont l’interfe&ion fera le centre de
fon extrémité.
Il faut faire la même opération fur les deux
• bouts de chaque pièce , & ainfi on aura au jufle
: les deux centres oppofés.
Après avoir trouvé les deux centres , il faut
enfoncer fur chacun une petite pointe , afin
d’y faire un trou convenant aux extrémités des
pointes des poupées dont celle qui eft à la gauche
du tourneur étant bien arrêtée , le tourneur pefera
l’autre extrémité à la pointe de la poupée ; &
il affermira fi bien celle qui lui refte à fa droite, en
t frappant avec un maillet ou** clayette , que la
pièce foit inébranlable , mais pourtant qu’elle
puiffe fe tourner fans faire aucun jeu.
Que fi après avoir pofé & ferré la clavette,
la pièce vient à vaciller, l’ouvrier n’a qu’à donner
quelques coups de maillet au dos d’une des deux
poupées pour la faire rapprocher de l’autre , ■ jufqu’à
ce que la pièce ne vacille plus. Cet affer-
miffement eft très-néceffaîre ; car outre qu’on ne
pourroit tourner rondement, c’eft qu’on feroit* en
danger de gâter fon ouvrage.
La pièce étant ainfi pofée & affermie, il faut
y ajufier la corde , en faifant tout au moins deux
tours à l’entour ; de manière pourtant que les
deux bouts de la corde , savoir celui qui eft
attaché à l’arc ou à la perche , foient celui qui eft
attaché à la pédale foient du côté du tourneur, afin
qu’en abaiflant la pédale le mouvement de la
pièce vienne à la rencontre du taillant de l’outil,
pour que l’outil puiffe mordre la pièce.
On peut encore ajuster la corde fur la pièce
avant que de la mettre entre les deux pointes,
tenant la pièce d’une main & ajuftant la corde
de l’autre.
Que fi on ne veut pas prendre la peine de chercher
les centres fuivant la façon précédente ; en
jugeant à l’oeil les centres de la pièce, le tourneur
préfentera à peu près le centre d’un bout
1 v is , de telle manière que la règle foit immobile
& le plus près de la pièce qu’on veut travailler,
ce qu’il faut obferver généralement toutes les
fois qu’on tourne.
à la pointe de la poupée qui eft à gauche,
& avancera la poupée qui eft à droite en la
frappant avec le maillet, jufqu’à ce que fa pointe
pique à peu près le centre de l’autre bout de la
pièce : ayant donc arrêté doucement la poupée
droite par un petit coup de maillet fur la c le f,
il donnera un coup de pied à la marche pour
faire tourner le bois , & pour juger à l’oeil fi la
pièce eft bien centrée.
S’il voit en tournant qu’elle faffe ventre , il
frappera doucement avec le maillet fur l’endroit
qui élève le plus , jufqu’à ce qu’il ait reconnu
que fa pièce foit fur le rond ; alors il frappera
un peu fortTur le dos de la poupée avec le maillet,
afin que les deux pointes entrent vivement
dans le bois ; il donnera aufti un autre coup fur
la clavette, pour arrêter fixement la poupée.
Mais ceux qui faute d’habitude ne peuvent pas
bien juger fi leur ouvrage eft bien fur le rond ,
préfenteront doucement la pointe d’un outil qu’on
appelle grain d’orge , l’appuyant fur la règle ou
lupport qui marquera par un trait là où la pièce -
eft hors de fon centre ; enfuite frappant fur ce
trait, il mettra facilement la pièce dans la fitua-
tion où elle doit être.
Le fupport ou la règle dont on vient cîe.parler
doit être pofé fur les deux bras du tour,
retenu par deux baguettes &. contrebutées par
deux autres baguettes qui font arrêtées par des
De la perche ou de V arc pour le tour.
L’arc ou la perche font au tourneur ce qu’eft
la plume à un écrivain , c’eft-à-dire ,. fi. nèçef-
faires qu’il eft impoflible de s’en paffer.
On peut fe fervir de l’un & de l’autre en les
attachant par-deffus le tour ; de manière1, fi c’eft
un arc , qu’il foit en même ligne paralelle que
les jumelles du tour, ou fi on fe lert d’une perche ;
qu’elle foit à peu près perpendiculaire au milieu des
jumelles ; & que l’extrémité du’ côté du tourneur
avance tant foit peu au delà des mêmes jumelles.
On fait ordinairement ces arcs ou ces perches
de bois de frêne , d’i f , d’érable & particulièrement
de buis qui eft toujours le meilleur, fur-tout
fi On en trouve fans noeud.
La perche donc doit être une pièce de bois
de plante droite , de la longueur de 7 à 8 piés *
de ,1’épaiffeur du bras en fon gros b out, allant
en diminution jufques à l’autre, & un peu planée
par-deffus à la manière d’un cerceau.
On la perce par fon gros bout & on l’arrête
avec une fiche de fer ronde , à .une pièce de
bois attachée au plancher, dè forte qu’elle puiffe
tourner.
Elle doit être fupportée environ vers la troi-
fième partie de fa longueur fur une tringle de
bois un peu plus groffe que le bras , longue environ
de deux piés , & arrêtée horizontalement
à deux montans de bois attachés au plancher.
L’arc eft aufîi une pièce de bois de plante de
cinq pieds de longueur de la groffeur du bras ,
vers fon milieu, plané par - defleus, & allant depuis
le milieu en diminution jufqu’à chaque
bout ; auxquels de l’un à l’autre on attache une
corde »laquelle étant bien tendue le tient courbé
comme un arc de cercle.
Les cordes font aufîi néceffaires que la perche_
& que l’arc. Celles de boyaux font très-bonnes
mais comme il s’en ufe a f f e z & qu’elles fort
chères & rares en bien des endroits. 9 l’on fe
fervira plus commodément de cordes faites du
plus fin chanvre ou de lin , bien tordus , &
d’environ une ligne & demie de diamètre. Ou
les humeâe de tems en teins d’eau, comme avec
une éponge , dans l’endroit où elles travaillent.,
afin qu’elles durent davantage*