
fans ceffe & d'une manière infenfible, de nouvel
air ; je dis fans ceffe ou du moins très-fréquemment,
& non de loin en loin, lorfque le vent ou
le temps feroit favorable pour cela ; de manière
enfin „qu'on refpire un air femblable à celui que
refpirent les animaux , foit en dormant, foit en
veillant.
On pourrpit affez convenablement appeler les
Ventilateurs dont il s’agit, les poumons d'un vaif-
feau. Je ne doute aucunement qu’ils ne méritent
ce nom , eu égard aux avantages qu’en recevra la
partie vivante du vaiffeau , je veux dire les gens
de l’équipage. En effet, cette grande quantité de
nouvel air qu’on y attirera, contribuera beaucoup
à rendre plus fain l’air des endroits du vaiffeau les
plus renfermés, car l’air de la mer eft falutairè.
Pour nous convaincre de l'extrême importance
d’ un air nouveau pour la confervation de notre
fanté, nous n’avons qu’à faire attention que l'auteur
de la nature a deftiné pour le feul ufage de
la refpiration, près de la moitié du tronc de
notre corps. Se trouvera-t-il donc quelqu’un qui
foit affez raifonnable pour regretter le petit ef-
pace qu’occuperont ces Ventilateurs dans un vaiffeau
, ou le peu de peine qu’il en coûtera pour
fournir abondamment de nouvel air ?
S’il y avoit quelque animal au monde qui fût
auffi gros qu’un vaiffeau du premier rang, nous
fommes bien fûrs , par ce que nous voyons des
autres animaux , que la nature lui auroit donné
des organes proportionnés pour lui fournir la
quantité de nouvel air néceffaire , en le munif-
fant de vaftes poumons, qui font deflinés à inf-
pirer & expirer l’air de la même manière que les
Ventilateurs dont il s'agit.
Eft-ce donc une propofition déraifonnable &
dénuée de vraifemblance, que d'entreprendre de
procurer aux vaiffeaux, aux prifons, aux hôpitaux,
&c. le même avantage qui nous revient
de la refpiration, en renouvelant l’air mal-fain
des endroits renfermés ? cet air qui devient nui-
fible à la fanté , par la grande quantité d’exhalai-
fons que lui fourniffent fans ceffe les corps humains,
& qui eft la caufe d’un grand nombre de
maladies & de la mort de plufteurs.
On fait affez que c’eft principalement par la
refpiration que la contagion nous gagne. Les
fumées d’un vin qui fermente , celles de la bière
ou du vinaigre, qui tuent tout-à-coup un animal
qui en approche de trop près , ne produifent
leurs dangereux effets que parce qu’elles font
attirées dans les poumons.
C ’eft ce qui eft confirmé par l'expériencê fui-
vante, faite par le doâeur Langrish de Peterffield, |
dans la province de HampJTiire. Il découvrit la I
trachée-artère d’un chien vivant, dont il boucha
l'ouverture de la glotte avec un bouchon de liège,
de manière que l’animal refpiroit librement par
l ’ouverture artificielle faite à la trachée-artère. II
fit paffer en fui te la tête du chien par un trou
rond fait à l’extrémité d’une grande boîte. Il y
avoit autour de ce trou, un collier de peau qui
y étoit cloué , & qu’il attacha au cou de l’animal
, pour empêcher que les vapeurs du foufre
qui étoit enflammé dans la boîte, n’en fortifient
& ne vinffent offenfer les organes de la refpiration.
Dans cette fituation , le chien né reçut aucun
dommage par rapport à la vie , quoique la fumigation
fût fi forte & fi long-temps continuée, que
les yeux lui fortirent hors , de la tête.
En fa ifant attention à la grande quantité de
vapeurs échauffées qui s’exhalent fans ceffe des
corps humains, principalement lorfqu’il s’en trou-
ve un grand nombre renfermés dans un petit endroit,
on fera pleinement convaincu de l’infuffi-
fance des moyens auxquels on a ordinairement
recours pour rendre l’air fain dans les vaiffeaux,
en fe contentant d’éventer feulement pendant
quelques heures tous les jours. Il feroit à fouhai-
ter au contraire qu’on ne fût jamais une heure
fans en renouveler l’a ir, lorfque les fabords font
fermés. Cependant quand la rofée tombe en grande
quantité , peut-être conviendroit-il alors de cef-
cer environ une heure d’attirer l’air extérieur
dans le vaiffeau. La rofée ne tombe pas toujours
tres-abondamment, incontinent après le coucher
du foleil ; dans certains climats même, elle ne,
commence que quelques heures après y ainfi que
me l’ont affuré des voyageurs , c*eft-à-dire , plutôt
ou plus tard, proportionnellement aux differentes
hauteurs ou les vapeurs ont été élevées
par la chaleur du foleil. Le renouvellement de
1 air doit donc être réglé fur ce que l’expérience
aura appris de mieux par rapport aux différens
états de l’air extérieur, c’eft à-dire qu'on doit
avoir égard à fa température chaude ou froide,
humide ou fèche. Mais il faudroit que l’air extérieur
fut d’une température bien extraordinaire
& bien mauvaife ; pour être plus à craindre en
quelque temps que ce fo it, que l ’air renfermé &
mal-fain d’un vaiffeau : d’où je conclus qu’il eft
peu de cas où le renouvellement de l’air ne foit
néceffaire.
On n’ignore pas que les vapeurs qui s’exhalent
des hommes vivans , font extrêmement corruptibles.
Ç’eft par cette caufe que l’âir des prifons caufe
fouvent des maladies mortelles. A l’égard des
vaiffeaux où l’air eft beau-coup plus mauvais que
dans les prifons , à raifon du grandtiombre de per-
fonnes qui s’y trou-vent, il n’eft pas douteux qu’un
air de cette na- ture ne tende auffi à altérer la fanté
de ceux qui font expofés à fon impreffion, & qu’il
ne les mette hors d’état de foutenir l’intempérie
de l’air, qu’on ne fauroit éviter en paffant d’un
pays froid dans un pays chaud. C ’e ft , à ce qu’on
m’a affuré, ce qui eft arrivé plus d'une fois, fur-tout
dans les vaiffeaux où il fe trouvoit un trop grand
nombre de perfonnes pendant le voyage.
L’air qui fort des poumons dans l ’expiration ,
eft chargé d’une fi grande quantité de vapeurs :
que j’ai,trouvé par mes expériences, qu’il fort
plus d’une livre d’humidité par la refpiration en
vingtquatre heures de temps; & que l’air que j’avois
infpiré & expiré pendant deux minutes & demie
, & dont le volume étoit, à peu de chofe
près, égal à environ huit pintes de liqueur, en
étoit fi furchargé, que j’aurois eu de la peine à
le refpirer plus longt temps.
Il faut obferver de plus, qu’un air renfermé ,
dans lequel fe trouve plufteurs perfonnes, n’eft
pas feulement chargé des vapeurs qu’il entraîne
avec lui en fortant des poumons, mais encore
de la matière qui tranfpire de tous ces corps;
& que ce c^ui fe perd par l’une & l’autre de ces
voies, eft égal à la moitié des alimens tant fo-
lides que liquides que nous prenons tous les jours ;
ce qui, en Angleterre, fe monte à environ trenre-
neur onces, & eft beaucoup plus coufidérable
dans les pays chauds. Si donc ce qui fort du corps
d’un homme , tant par la refpiration que par la
voie de la tranfpiration , fe monte dans l’efpace
de vingt-quatre heures, à trente-neuf onces , les
exhalaifons qui fortiront des corps de cent hommes
, fe monteront , dans un pareil efpace de
temps, à deux cent quarante-trois livres, & celles
de cinq cents hommes , à mille deux cent quinze
livres.
Je ne prétends pas que l’air renfermé dans un
grand vaiffeau , puiffe contenir à la fois toute
cette quantité de vapeurs., nî qu’un animal v ivant
puiffe refpirer dans un air qui en feroit fur-
chargé à ce point ; mais ce calcul fait toujours
voir jufqu’à quel point un air doit être mal-fain,
& propre non-feulement à gêner la refpiration,
mais encore à retarder la transpiration; ce qui eft
très-pernicieux.
Le do&eur Hoadley, dans fes ingénieux mémoires
fur la refpiration, remarque « que l’air
” joue lui-même un fi grand rôle , dans la refpi-
” ration , & qu’il eft fi néceffaire pour la fanté
« & la force du corps, qu’il ne fauroit y'avoir
” aucune altération remarquable , fans que nous
” n’en foyons fenfiblement affeâés. Par confé-
n quent, lorfque nous refpirons-un air chargé
» de vapeurs qui le rendent trop chaud ou qui
» détruifent fon élafticité, il devient peu propre
” pour la refpiration, & s’oppofe à cette fonc-
» tion fi néceffaire. » Il obferve de plus « qu’à
» moins que le chyle qui a paffé dans le fang,
” ne foit porté aux poumons dans la quantité &
» avec les qualités réquifes; que la filtration qui
” fe fait à travers les parois dès véficules des pou-
» rnons ne foit régulière & louable ; & qu’il
» n’entre dans le fang une jufte quantité de par-
” ticules aériennes, pour lui fournir les princi-
» pes a&ifs qui lui font fi néceffaires pour i’en-
» tretien de fa chaleur, & pour favori fer l’adhé-
” rence de fes parties, le fang doit devenir par
.» degrés de moins en moins propre pour la v ie ;
n de forte qu’il parviendra infenfibiement à ce
» point d’altération & de diffolution , que lorf-
» qu’il aura befoin du fecours des poumons , il
» y arrivera dans un état qui le rendra plus pro-
” Pre à engorger & furcharger les véficules ôt
” les artères -capillaires, qu’à profiter des avan-
” tages qu’il devroit recevoir en traverfant cet
» organe. » Il n’eft donc pas furprenant, lorfque
nous refpirons un air chargé de vapeurs, qu’un
tel air foit propre à caufer ce qu’on appelle maladies
de prifons. Or on peut beaucoup rémédier
à cet inconvénient, en renouvelant fouvent l’air
de ces endroits renfermés ; faute de quoi bien
des perfonnes ont non-feulement le malheur d’être
privées de leur liberté dans les prifons, mais
il n’arrive que trop fouvent qu’elles y perdent la
vie.
On s’eft bien trouvé depuis long-temps pour
purifier l’air des vaiffeaux , de répandre du vinaigre
dans les entre-ponts, & de les laver même
avec cette liqueur. J’écrivis au doâeur Martin,
médecin de feu milord Cathcart, environ deux
mois avant qu’il partît de Spithead en 1740, pour
lui propofer de tremper plufteurs draps dans le
vinaigre, & de les fufpendre entre les ponts, dans
tous les endroits commodes pour cela, afin que,
par ce moyen , l’air fe trouvât chargé de beaucoup
de parties acides; parce que j’ai trouvé par
l ’expérience qu’un air qui avoit paffé à traversées
| linges trempés dans le vinaigre, pouvoit être infpiré
& expiré pendant un auffi long-temps qu’une pareille
quantité d’air qui n’étoit point imprégné de
cette liqueur; de forte que le vinaigre , employé
èn auffi grande quantité entre les ponts , doit un
peu rafraîchir l’air. Si cependant fa corruption
étoit bien grande, ce moyeji ne fuffiroit pas ; &
ne pourroit produire qu’un avantage de peu de
durée.
Il y a long-temps qu’on a attribué au vinaigre
une qualité anti-peftilentielle': d’où il paroît vrai-
femblable de croire qu’il fe paffé quelque forte
de fermentation entre l’acide de cette liqueur &
les parties trop aikalines dont l’air fe trouve fur-
chargé; & que l’effet de cette fermentation eft
de corriger ces parties aikalines & de les réduire
dans un ét'af neutre & plus fain; car le mélange
dés acides’ & des alkalis produit des compofés
■ neutres ou moyens. On peut conclure de là , avecs