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avons à faire connoître d’abord les procédés du
ventilateur auxquels font liés nos moyens.
Il exifte, fous la dénomination du ventilateur,
une compagnie , dont l’entreprife eft de priver,
la vuidange des foffes, de l’infeétion qu’elle répand
, lorfqu’elle eft faite à la manière des vui-
dangeurs.
Le ventilateur maùrifant la vapeur .des foffes ,
l’empêche de fe répandre, & la force d’aller fe
perdre dans le vague de l’atmofphère.
L’appareil qui prélide à cet effet, confifte dans
un cabinet de menuiferie placé & fcellé en plâtre
fur l’ouverture de la foffe. Ce cabinet eft le rendez-
vous du vent de plufieurs fouffleis qui jouent en
dehors ; le vent y eft porté par trois tuyères, dont
deux horifontales rafent le fol, & viennent aboutir
à l’orifice de la foffe fur lequel ils entretiennent
une nape de vent ; l’autre tuyère partant de la
partie fupérieure du cabinet, fouffle, du haut en
bas & perpendiculairement à ce même orifice ;
d’un autre côté, on bouche les ventoufes & les
fiéges d’aifance qui .répondent à la foffe, à l’exception
de celui qni eft le pliis voifin du toit. Sur
celui-là ou fur un autre, s’il n’y a point lieu à
choifir, on établit un grand entonnoir de fer-
blanc fervant de bafe à une enfilade de tuyaux
qui fe prolongent en dehors & gagnent le deffus
de la maifon.
Au moyen de cette difpofition , les foufflets
ne font pas plutôt en aéfion que, du cabinet à
j ’extrémité des tuyaux, il s’établit un coûtant
d ’air qui n’en fdrt que chargé des vapeurs dé la foffe.
: Ce feroit-énvain que le ventilateur auroit mis
ainfi ces vapeurs hors de la portée des fens, fi
en. même temps les plus grandes précautions ne
furveilloient la communication'de la matière avec
l’air environnant ; pour empêcher que ni les ouvriers
ni les tonneaux n’y portent aucun principe
d’ipfeôion ; auffi fur cette partie n’eft-ii pas pof-
fible de porter plus loin les détails, nous avons
prefque dit de la propreté; on en jugera par cet
échantillon.
Le cabinet que nous avons décrit eft affez grand
pour contenir deux tonneaux & l’ouvrier qui les
remplit ; ces tonneaux né fe rempliffent que couverts
d’ un tablier de cuir garni d’un entonnoir,
de maR'ère à fortir du cabinet fans être aucunement
fali en dehors. Ils n’en fortent qu’en paffant
fucceflivement par deux portes, qui ne s’ouvrent
que l’une après l’autre. Sortis, le cercle qu’ils
portent eft enfoncé à,coups de maillet & fcellé
‘en plâtre, pour que rien ne puiffe tranfpirer par :
les jointures. Enfin, ces tonneaux ne reviénnent :à ;
l’atelier qu’après avoir paffé pat une leffive , dans
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laquelle .ils font non-feulement lavés à plufieurs
eaux , mais même broffés. C ’eft ainfi que la vui-
dange des foffes eft deveiiue à l’aide du ventila»
teur une opération, dont on s’aperçoit à peine
dans la maifon où fe fait le travail.
Par quelle fatalité, au mépris de l’intérêt pu.
blic , eft - il libre encore à des vuidangeurs
de faire éprouver aux citoyens un véritable fléau,
en les expofant à refpirer l'air infeâe de la vapeur
des foffes ? Gomme s’il n’étoit pas fuffifamment
prouvé que, dangereufe même pour l’homme en
fanté, elle peut porter le coup mortel à certains
malades. Malheur au fébricitant, à l’afthmatique,
à la femme en couche, au poitrinaire, qu’atteint
la fphère empeftèe de ces vapeurs !
S’il éroit queftion de juger de ce que laifferoit
à défirer le ventilateur, nous ferions remarquer,
i®. que le cabinet dont dépendent ces^avantages,
trouve fouvent dans le local des foffes, des em-
pêchemens qui ne permettent pas d’en faire ufage;
a°. que le courant que détermine cet appareil dans
les foffes, eft fi fuperficiel, qu’il ne fait pas même
vaciller les lumières des ouvriers, & laiffeda malle
mophétique dans l’état de ftagnation qui fait le
danger de celui qui y refpire; 30.' que la vapeur
des foffes, chaffée par le ventilateur, n’en exifîe
pas moins dans l’atmofphère, qu’elle infeéte de
fes qualités méphitiques. Il y a plus : dans certaines
difpofitions de l’air, cette vapeur ne fe diffipe pas
fi promptement , qu’elle ne foit fujette à retomber;
ce n’eft pas foüvent dans les alentours de la foffe:
nous avons vu l’entrée du Carroufel infeélée par
les vapeurs d’une vuidange que le ventilateur opé*
roit à cent toifes de là , dans une maifon de la
rue Saint-Honoré, & dans laquelle on ne fentoil
rien. *
Nous avons été curieux d’obferver cette vapeur
à la fortie de l’appareil du ventilateur ; nous
l’avons trouvée formant à l’orifice du tuyau, une
fumée confidérable, non moins fenfible à la vue
qu’à l’odorat, teinte d’une manière fort variable,
de différentes nuances de bleu, de vert, de noir
& quelquefois d’un blanc fale..
Nous avons fait refpirer des oifeaux dans cette
vapeur, & fur le champ ils tomboient morts, ou
du moins dans une afphyxie qui les faifoit paroitre
tels. Un chat qui eut le malheur de fe rencontrer
fous notre main , fubit la même expérience & eut
le même fort. Ce n’étoit pas, à ce que nous vîmes,
une nouveauté pour les ouvriers du ventilateur,
qui, en effet, nous dirent qu’ils ètoient fouvent
témoins de femblables événemens fur ces animaux,
lorfque le hafard les.conduifoit trop près de cette
vapeur.
Notre vue s’étant portée fur l’intérieur du tuyau
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nous le trouvâmes non - feulement déppli, mais
même corrodé ; &. l’on nous dit que c’était l’ordinaire
, & que ces tuyaux ne mettoient pas beaUr
coup de temps à être criblés de trous.
Pour en venir à l’objet de nos recherches, les
propriétés connues du feu nous l’ont fait regarder,
dès le commencement, comme l’agent le plus propre
à remplir nos vues, & l’expérience n’a fait
que confirmer nos fpéciilations. Nous avons été
affez heureux pour rencontrer encore dans la
chaux y un autre agent très-avantageux dans certaines
o.ccafions. Tels font lesjnoyens auffi fimples
qu’efficaces , dont nous avons à tracer l’ufage &
les effets, /
Notre feu a un double emploi; dans l’un, il
occupe la place de l’entonnoir du ventilateur, &
fert à dénaturer la vapeur des foffes obligées de
le traverfer. Sur un des fiéges d’aifance eft placé
un fourneau ; il eftcompofé d’une tour, fans fond
ni porte, garni d’une chape, portant à fa partie
antérieure la porte mobile par laquelle s’introduit
le charbon , fur une grille placée à quelques pouces
delà bafe du fourneau. A cette chape font adaptés
des tuyaux de tôle , qui ont leur iffue en dehors
de l’en droit.
A peine l’intérieur de.ce fourneau eft-il échauffé
par le charbon qui s’allume, que, fi l’on vient à
préfenter un papier allumé à la porte de le chape,
la vapeur qui traverfe prend feu, & produit une
flamme vive & brillance.
Le charbon une fois allumé, cette flamme devient
un brandon confiant, qui s’élève à deux ou
trois pieds au deffus de la chape , quand on la r
débarraffe* de fes tuyaux.
Fort différente par fa légèreté & par fon volume.,
de'celle d’un fiai pie brafier de charbon , cette i
flamme*n’en diffère pas moins par fa couleur & ;
par l’odeur qu’elle répand. On ne peut mieux la
comparer, à cet égard, qu’à la vapeur enflammée
d’une diffolution de fpr dans l’acide vitrio-
lique (1).
La première fois que nous f mes l’expérience,
c’étoit .dan-s une maifon dont le local ne nous ayp.it
pas permis de choifir l’emplacement le plus conve- ;
nable du fourneau; il étoit au rez-de-chauffée, &
les tuyaux n’avoient point d’iffue en dehors du i
cabinet. L’odeur d’acide fulfureux volatil qui fe
répandit dans la maifon, étoit ’fi forte, que nous
ne voulûmes croire qu’elle venoît du fourneau ,
qu’après nous être affurés qu’on ne brûloit point
(1) Le feu peut bien décomposer lés matières Volatiles
fétides et le gaz inflammable ; mais il ne les rétablit pas
en air respirable.
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de foufre dans la maifon ; neus avons fait refpirer
des oifeaux & des chats au deffus des tuyaux qui
conduifoient cette vapeur en dehors, & non-feulement
ils n’y ont plus refpiré la mort ni l’âf-
phyxie, mais ils n’ont paru même affeéHs d’aucune
fenfation incommode : nous-mêmes pouvons rendre
le .témoignage perfonnel d’avoir été expofés
long-temps à cette vapeur , fans en éprouver d’autre
dépUifance que celle de l’acide volatil fulphu-
reux que nous refpirions (2).
Voilà donc la vapeur mophétique des foffes
dénaturée & invertie en une vapeur, non-feulement
incapable d’altérer la falubrité de l’atmof-
phère , mais qui peut même en réformer les difpofitions
putrides , lefquelles , fuivant les obferva-
tions, ont dans la vapeur du foufre un ‘de leurs
meilleurs jporredfifs.
Ce n’eft pas tout : nous avons obfervé que le '
feu fupérieur rend le plus grand fer vice aux ouvriers
qui travaillent dans la foffe.
Dans une foffe fort, maùvaife , >ils1 avoient travaillé
contre toute attente, fans accident, depuis
cinq heures du foir jufqu’aurlendemain midi. Pour
mieux juger de la part qu’y avoit le fourneau que
nous entretenions' allumé fur le fiége d’en-haut,
nous le laiffâmes éteindre ; nous nous repentîmes
de l'expérience, lorfque nous virnes , peu d’inf-
tans après , un ouvrier preffé du plomb fortir de
la.foffe un fécond ne pouvoir s’en retirer qu’à
l’aide-de fes camarades, & un trôifième y tomber
fans connoiffance ; accidèns qui. hrsureufernent
n’eurent point de fuite pour lés uns ni pour les
autres (3)..
Une circonftance digne de remarque, eft ce
que nous rapportoient Les ouvriers, que le fourneau
fupérieur leur.faifoit éprouver, dans .la foffe ,
une chaleur forte & inaccoutumée ; .chaleur qui
ne pouvoit être communiquée par le fourneau lui-
même placé à cinquante pieds au deffus du fol
de la foffe ; chaleur que , d’après quelques expériences
qui trouveront place ailleurs , nous nous
croyons fondés à regarder comme dépendante du
courant d’air accéléré par le fourneau , & d’un
mélange plus rapide de l’air atmofphérique avec
• celui des foffes.
Le fécond emploi du feu t’appelle dans la foffe
même , où il a pour effet de porter , dans le
centre, du fluide mophétique , le principe de la
' (2) Cependant J’acidé sulfureux est uqgaz mophétique
et 'meurtrier côrnmé les -autres. •.
-- (3)' Le véritable' borr efferde ce'fbüfneau est‘de déterminer,
pn.courant d’air, r.espirable à travers la fosse', et
, dp mêler le gaz d’un air fixe , qui résulte de la combustion
| âvèc assez d’âi irrespirable,. podr qu’il soit sans danger.