
6o8 V I N
ou moins grandes de l’é té , & enfin de la bonté
de la cave oii ils font. ( Ce qui conftitue une
bonne cave , confifte en ce qu’elle ne foit pas
près d’un grand chemin ou d’une rue fréquentée
par les voitures , ou piès d’un atelier de forgeron ,
de charpentier, de charron, &c. car les fecoufles
troublent le vin ; il faut aufii qu’elle foit profonde
autant qu’on le peut, la voûte élevée, les fou-
piraux au nord , & qu’elle foit fèche. )
Des différentes caufes qu’on vient de dénommer
, il arrive fouvent que les vins qui en ont
fouffert , fe gâtent ou deviennent défectueux ,
tantôt foibles, nébuleux ou boités; tantôt tournant
au gras, à l’amertume, au béfaigre & à la pouffe :
alors il faut avoir recours à d’autres foins pour
les gouverner, & à des moyens particuliers pour
les rétablir , ainfi qu’on va les faire connoître.
Comme rien n'eft fi précieux qu’une bonne cave
pour conferver les vins , même pour les refaire
quand ils commencent à pécher en quelque chofe,
il eft donc inconteftablement prouvé qu’il n’y a
que dans les mauvaifes où ils font expofés à fe
gâter, fur-tout dans les vinées peu profondes ou
dans les celliers mal fitués.
Dans les cas où l’on a des vins foibles, & qui
par conféquent n’ont pas de corps, on doit avoir
la précaution de les laiffer sur leur lie jufqu’au mois
d’avril, afin qu’ils s’y nourriffent deffus & fe feu-
tiennent : tous les vins nouveaux qui ne font pas
ainfi, doivent être foutirés depuis le mois de janvier
jufques dans le courant de mars au plus tard :
les vins qui font durs ou qui ont beaucoup de
verdeur, demandent à l’être plufieurs fois pour les
pouvoir attendrir. A l’égard des vins extrêmement
cuvés, ils veulent être attendus : on obfervera
cependant qu’il eft néceffaire de foutirer les vins
toutes fois & quantes qu’il s’agit de les tranfporrer
d’un endroit à un autre , fi on veut qu’ils fe con-
fervent.
En général tous les vins, quoique foutirés &
clairs, exigent encore d’être collés fimplement avec
huit à dix blancs d’oeufs (par pièce de 240 pintes )
& leurs coquilles écrafées dans une pinte à trois
chopines d’eau de puits, la plus fraîche & la plus
claire qu’on puîffe trouver : cela leur donne de la
qualité, les rend plus agréables, & empêche qu’ils
ne dépofent lorfqu’ils font en bouteilles , par la
raifon que la colle entraîne & précipite avec elle
au fond du tonneau, toutes les parties hétérogènes
qui fe trouvent mêlées dans le vin. A cet
effet, on bat les blancs d’oeufs, les coquilles &
l’eau tout enfemble, enfuite on remue le vin dans
le tonneau , avec un bâton fendu en quatre &
ouvert, après quoi on y verfe la colle qu’en remue
de nouveau avec le v in , puis on obferve de le
tenir plein jufqu’à rafe de la bonde, & on le ferme
V I N
à volonté : deux ou trois jours après on peut le
mettre en perce, foit pour le boire journellement
ou le tirer en bouteilles.
Les particuliers qui font dans l’ufage de mettre
leurs vins en bouteilles , tant pour l’agrément que,
pour la commodité qui en réfulte, jouiffent encore
de deux avantages bien réels, qui font : i° . de les
conferver très-furement ; 2Q. de leur procurer, par
cette précaution , plus de qualité. Ceux au contraire
qui, pour leur conlommation ordinaire,
tirent leurs vins à la pièce par un foffet ou par une
cannelle jufqu’à la fin, courent non-feulement les
rifques qu’ils fe perdent faute d’attention, mais
les expofent encore à fe gâter, foit qu’ils fe troublent
, foibliffent ou s’aigriffent, fur-tout quand la
pièce devient baffe. Il elt à remarquer que les vins
qui font fort vineux, font, dans ce cas , plus fuf-
ceptibles d’aigrir que les foibles, particulièrement
les blancs, qui en outre ne manquent jamais de
jaunir & de rompre. Comme il eft utile & effentiel
de mettre le vin en bouteilles, foit pour la con-
fommation journalière ou pour le garder précieu*
fement, du moment qu’on veut tirer une pièce de
vin en bouteilles, on doit commencer par bien
laver & bien égoutter fes bouteilles; mais pour
celles qui ont déjà fervi & qui font craffeufes,il
faut, pour les bien nettoyer , les rincer avec de
la dragée de plomb & des petits doux appelés
broquettes, obfervant d’y palier après de l’eau
claire & propre une couple de fois ; alors on met
une petite fontaine de métal au tonneau , percée
d’une quantité de petits trous, & dont le bec
eft recourbé, au deffous duquel tonneau on met
un petit baquet pour recevoir le vin qui pourroit
fe perdre en le tirant ou en frappant au-deffus le
bouchon de la bouteille, fi , étant étoilée, elle
venoit à fe caffer. On tourne la clef delà fontaine,
à l’effet d’en faire couler le vin pour en remplir
fes bouteilles, de forte qù’il y ait toujours un demi-
pouce de vide entre le bouchon & le vin : on bouche
à Pinftant foigneufement chaque bouteille avec
un bouchon de liège bien choifi, qui ne loit pas
vermoulu ; & dès quelles font toutes remplies &
bouchées, on les couche par rang fur le côté, &
on les arrange artiftement avec des lattes & du
fable fin : au moyen de ces précautions, on ne
craint point qu’elles s’écroulent ni qu’il fe forme
des petites fleurs blanches fur le vin. Il faut encore
avoir l’attention de mettre les bouteilles, à mesure
qu’on les vide , fur des planches trouées, le col
renverfé & paffé à travers, obfervant d’y paffer un
peu d’eau avant & de les tenir ouvertes.
Mais lorfque les vins font naturellement épais»
nébuleux & trop difficiles à éclaircir, ou qu’ils font
fujets à faire un dépôt dans la bouteille, telquen
font les gros vins en général, & particulièrement
ceux du Gâtinois, il faut alors douze blancs d’ceu»
pour les clarifier, & y ajouter un quarteron d’alul)
Y I N
calciné réduit en poudre, qu’on mêle & bat bien
enfemble. Cette façon de coller les vins e l t , a
tous égards ,/préférabe à toute autre. La gomme
arabique, réduite^en poudre & employée de la
i même manière à la dole d’une once , eit très-excellente
pour clarifier les vins ; elle a de plus que
i ja colle de poiffon, la vertu de fe conferver fans
I;amais fe corrompre, d’être amie du corps hu-
main & de ne communiquer au vin ni gou: ru
odeur. On clarifie auffi les vins avec des cailloux
I calcinés & réduits en poudre; le fel, les cendres
de farinent, le plâtre, la craie, le marbre blanc
& l’albâtre ; enfin avec toutes les fubftances capables
d’atténuer, -de divifer & de diffoudre toutes
les parties groffières & terreftres qui étoient dans
| le vin.
Dès qu’on s’aperçoit qu’un vin , déjà foible par
! lui-même, s’appauvrit quoiquétant fur fa lie, &
. qu’il commence à devenir nébuleux , il faut aulh-
! tôt le foutirer, c’eft-à-dire, le tranfvafer dans une
\ autre pièce nouvellement vide ; mais il eft absolument
néceffaire de la mécher auparavant.
| La mèche n’eft autre chofe qu’une compofition
! defoufre fondu dans l’eau-de-vie, avec des heurs
1 de violettes, du calamus aromaticus, de la coriandre,
de la poudre d’iris de Florence & autres m-
i grèdieîis de cette forte, qu’on étend fur de petites
bandes de toile neuve , larges d’un pouce a un
1 pouce & demi : celle de Strasbourg fe fait à peu
I près de cette manière, & paffe pour etre la meil-
| leure ; elle coûte de vingt-cinq à trente fous la
i livre, & fe vend à Paris, rue de la Verrerie , au
I bureau des carroffes de Strasbourg. On en fait auffi
à Orléans & dans les principales villes du royaume,
qui eft également bonne. Voici comme on la
: fait : prenez un poêlon de terre vernifie, mettez-y
pour quatre à cinq fous de foufre réduit en poudre,
& pour fix fous d’eau-de-vie ;_ mettez-le fur le feu,
& lorfqu’il fera prêt de bouillir, paffez ce mélangé
à travers un linge , & laiffez-le refroidir ; ajoutez-y
un quarteron de coriandre, des fleurs de violettes,
un peu de calamus aromaticus ou de la poudre
d’iris de Florence; alors vous y plongerez des petites
bandes de foile neuve, larges denviron un
pouce, & longues d’un pied ou à peu près. Un
quarteron de cette mèche eft plüs que fuffifant
pour cinquante pièces; Lorfqu’on veut muter ou
méçher une futaille pour y foutirer du vin , on
coupe d’une bande un petit 'morceau en quatre,
qu’on accroche à un fil-dé-fer courbe par en-bas,
en forme de hameçon, dont l’autre bout tient à
une broche de bois, longue d’environ neuf pouces,
& appropriée de façon à pouvoir fervir à toutes
fortes de bondes : on allume la meche au moyen
d’une bougie ou d’une chandelle, & dès quelle
l’eft, on l’introduit dans la futaille dont on a fait
choix, jufqu’à ce quelle foit confumée : ordinai-
rement la' mèche - s’éteint lorfque la pièce n eft 4 rts & Métiers. Tome V l l l •
V I N 609
pas fraîchement vide, & quelquefois faute de lui
donner un peu d’air en brûlant : on a foin encore
d’ôter la toile brûlée reliante’ au m échoir, parce J
qu’elle pourroit donner au vin un petit goût défa-
gréable. Dans le cas où l’on n’auroit pas de mé-
choir, on peut y fuppléer au moyen d’une grofle
épingle qu’on paffe à travers du petit morceau de
mèche , qui pour-lors fe trouve retenue par la lè e
de l’épingle, qu’on enfonce par la pointe au-def-
fôus du bondon, en la frappant avec une clef ou
toute autre chofe , ainfi que je l’ai toujours pratiqué
: enfuite on foutire fon vin dedans. La vapeur
du foufre .enflammé qui s'attache aux parois des
douves du tonneau, ôte i'élafticite a 1 air furabon-
dant, & a la vertu propre de réfuter puiffamment
à la fermentation, donne de la force St du foutien
au vin, & empêche les liqueurs de s’aigrir; elle
convient en général à toutes fortes de vins, excepté
ceux de liqueur, trop vifqueux ou trop firupeux.
Si l’on eft à portée de fe procurer vingt ou
trente pinte" de bon vin de Languedoc, de Ga-
daigne, de Rouffillon ou autres fortes dé vins de
la nature de ceux-ci , il fera bien avantageux de
hs marier avec le vin foible qu’on vient de foutirer
, afin de le rendre plus moelleux , de lui
donner du corps , du foutien & de la qualité ; après
ouoi'on le collera avec des blancs d’oeufs, auxquels
on ajoutera trois onces d’alun calciné. L’alun
calciné contient un fel neutre, qui en général communique
au vin une qualité ftiptique, anti-putride
& acide qui s’oppofe , de même que le foufre ,
fortement à la fermentation, St hâte la précipitation
qui s’enfuir.
Si l’on a du vin qui file , ou qui foit totalement
gras comme de l’huile * le moyen le plus fimple
& le plus certain pour le rétablir, eft celui de le
paffer fur la lie d’un tonneau fraîchement v id e,
fans qu’il foit néceffaire de le mécher; enfuite on
le roule bien fort, afin de mêler le vin avec la lie;
puis on le met en place, & huit jours après qu il
eft repofé, on le tire à clair dans une autre piece,
& l’on finit par le coller fimplement avec des blancs
d’oeufs. Par ce procédé , on eft bien fur de dégnif-
fer toutes fortes de vins.'On peut auffi dé grailler
le vin dé cette façon : prenez du fel commun, de
la gomme arabique & de la cendre de farment, de
chaque une demi-once; mettez le tout dans un
nouet que vous attacherez au bout d’un petit bâton ,
à l’effet de l’ introduire par la bonde du tonneau ,
& d’en remuer le vin pendant un quart-d’heure;
après ce temps, vous le retirerez, & il fera a'ors
parfaitement dégraiffé. Quand on veut lui procurer
plus de qualité, on y verfe un demi feptier d’ef-
prit-de-vin avant que de le remuer;
Les vins blancs font beaucoup plus fujets que les
rouges , à tourner à la graille, & la caufe de cette
maladie , facile à rè.ablir , provient de ce qu’on
* Hhhh