
coté , à l’autre bras de la fourche , environ à un
pied de ce bras , l’on a mis encore un troifième
poteau an été aufli perpendiculairement. Enfin ,
au-deffous de la fourche , de l’endroit où les deux
bras fe réunifient, il part une traverfe qui, n’a
pas tout-à-fait la longueur du poinçon, & qui eft
entaillée fur fon extrémité la plus éloignée de la
fourche.
C ’eft entre ces deux bras de la fourche , & fur
cette traverfe, que porte le poinçon que le tonnelier
doit travailler. Le poteau éloigné de quelque
diftance de la fourche , contribue encote à
le maintenir fiable.
Le tonnelier place donc fa futaille dans lafelle
à rogner, & la maintient de façon qu’il ne puitTe
lui faire changer de place dans cette efpèce d’étau,
que lorfqu’il voudra quitter l’endroit achevé pour
en travailler un autre.
Pour donner au jable une figure circulaire ,
au lieu, du polygone que les douves forment par.
leur rencontre,de tonnelier fouftrait dans l’intérieur
du tonneau une partie'de l’épaiffeur de chaque
dou ve, fur-tôut vers leur milieu, 8c cela feulement
dans une hauteur de cinq à fix pouces,
mais à chaque bout, afin que la rainure du.jable
en foit plus* régulière , & pour faciliter l’entrée du
fond , quand il le mettra dans fon jable.
Enfin, cette première opération achevée, le
tonnelier travaille à former intérieurement fur chaque
extrémité des douves , aufli à chaque bout
du tonneau, un .bifeau ou une efpèce de chanfrein
que l’on peut voir , ou avoir remarqué
fur un tonneau achevé.
Outre que ce chanfrein donne une certaine
propreté au tonneau ( fans doute parce que nos
yeux y font accoutumés ) , ce bifeau facilite encore
fon maniement, ëc le . rend plus aifé à
foulever, quand on veut le faire porter fur u,n de
fes fonds.
Une principale raifon qui engage à le former, &
qui rend ce bifeau néceffaire, c’eft que les extrémités
des douves ayant moins d’épaiffeur , il eit
plus aifé d’achever de les rogner,comme nous
allons l’expliquer dans un moment.
On prétend aufli que les planches ainfi terminées
par un chanfrein, font bien moins fujettes
à s’ècaler, en terme de tonnelier ; c’eft-à-dire
que les lames du bois, qui forment les douves
fe féparent moins les unes d’avec les autres.
Pour former cette efpèce de chanfrein , la pièce
reftant toujours aflùjettie dans lafelle à rogner, .
le tonnelier enlève une partie de l’épaiffeur des
douves sur leurs extrémités , en amenant l’affette
à lu i, & travaillant en face de fon corps & de
l’ouverture du tonneau ; au lieu qu’en formant
le parage dont nous avons parlé , il n’a devant
j lui que la partie de la circonférence du tonneau
I qu’il travaille. 11 retranche & enlève donc le long
des bords des douves intérieurement la moitié
de leur épaiffeur, & forme le bifeau qui fait une
partie des jables des tonneaux.
Venons maintenant aux moyens employés par
le tonnelier, pour achever de rogner fon tonneau.
Le tonnelier, pour rogner une futaille, la met
dans la felle à rogner. Nous verrons qu’il fe patte
de cette efpèce d’étau pour rogner les quarts,
& nous décrirons ce qu’il lui fubftitue.
Après donc avoir coupé avec l’aflette les douves
qui débordent beaucoup les autres , opération qui a
dû fe faire avant de former le chanfrein , il prend
fon rabot, 8c le promène fur toute l’épaifleur des
douves , en coupant toutes celles qui feroient
encore plus longues, jufqu’à ce qu’il 'voie, la circonférence
du tonneau bien fermée & régulière
dans toutes fes parties.
-Il ne faut point qu’il y ait de reffaut fur cette
furface, parce que, comme nous allons le dire ,
elle doit régler la rainure dans laquelle doit entrer
le fond ; 8c les mêmes inégalités , s’il y en avoit fiir
cette furface , fe trouveroient répétées dans la rainure
du jable.
Le rabot emporte plus aifé ment les parties inutiles
, & celles qui débordent la longueur que l’on
veut laiffer aux douves depuis le chanfrein qu’a
formé le tonnelier fur l’ép.ifleur des douves: il
donne au fer du rabot plus de facilité pour mordre
fur le bois. Le tonnelier d’une main faittourner fon
fût dans.la felle à rogner, tandis que de l’autre il
travaille la partie de la circonférence qui fe préfente
devant -1 ui.
Le tonneau étant toujours placé dans la felle
à rog ier , il s’agit pour lors de pratiquer l’efpèce de
rainure dans laquelle doit entrer le fond , & qu’on
nomme jable. Le tonnelier a un outil qu’il nomme
jalloire. ■ • *
C ’eft une efpèce de feie ou de trufquin , deftiné
à former une rainure de deux ou trois lignes de profondeur
dans l’intérieur des douves, environ à
deux pouces & demi fur les poinçons, 8c un pouce
trois quarts fur les quarts.
Son tonneau étant , bien aflùjetti, après avoir
mis la petite plaque de fer garnie de dents, qui
doit former la rainure, à la diftance convenable,
il promène la jabloire, tout autour de fon tonneau
intérieurement, en ne lui faifant changer de po-
fition dans la felle à rogner que lorfqu’il voit la
rainure bien formée.
Il fe tient encore de côté pour la pratiquer, 8c
appuie fur l’outil en l’amenant à lui. La pièce de
bois où eft retenue la traverfe qui tient la petite
feie, porte le long des douves : ainfi, fi elles ont
été rognées également, le tonnelier eft iur aufli
que fon jable fera régulier.
Dans des ateliers de tonnellerie, où chaque
ouvrier a fon diftrift, c’eft une malice.du rogneur
de donner à un .apprentif un fût mal rogné,
pour lui faire fon jable, qui jamais pour lors ne
peut être parfait; car , comme nous l’avons vu,
la jabloire fuivant le contour de la circonférence
du tonneau , les mêmes irrégularités de cette partie
fe trouveront fur le contour de la circonférence
du jable.
Cette opération ne demande pas, de la part
de l’ouvrier qui forme le jable, une grande adreflfe;
elle exige feulement de la force 8c'■ une attention
fcrupuleufe, pour qu’il ne donne pas à la rainure
plus de profondeur en un endroit qu’en
un autre. La douve qui auroit été creufée. davantage
, feroit trop aftoiblie dans cette partie ,
& elle cafferoit, comme il n’arrive que trop fréquemment
aux tonneaux.
L’ouvrier doit plutôt obferver l’épaiffeur de
fes douves , que le mouvement qu'il donne à
fon outil. En confultant l’explication des figures,
on verra que la petite pièce de la jabloire, qui
eft taillée en dents de feie, porte dans une petite
pallette de tôle , 8c que la feie ne doit déborder
la palette que de la profondeur que l’on
veut donner à la mnur.e du jable. Ainsi, quand
une fois la feie a enlevé cette quantité, la palette
porte alors fur la douve, 8c l’outil ne peut
plus mordre.
Mais quelquefois la douve rentre en dedans,
8c elle a moins d’épaiffeur dans cette partie- où
l’on forme le jable ; & c’eft dans ce cas où l’ouvrier
ne doit ouvrir fa rainure que d’après l’ob-
fervation qu’il a faite de la partie qu’il va tra-
yailler. • •
Quand ,' au lieu d’un poinçon, l’ouvrier forme
le jable d’un quart ou d’un quarteau , il n’eft
point néceffaire de les porter dans la felle à rogner
pour les rogner 8c pour les jabler. Il fe fert
d’un autre moyen plus expéditif.
Il met fon quarteau en long fur une pièce
ou poinçon qui porte fur un de fes fonds. C’eft
un vieux poinçon défoncé , le premier qui fe
rencontre, qui fert ordinairement à cet ufage.
L’ouvrier paffe une corde par le bondon de
cette vieille futaille , 8c en attache une de fes
extrémités, tandis que l’autre côté de la corde pofe
fur le quart qu’il veut rogner. A cette fécondé
extrémité de la corde, le tonnelier ajufte une pierre
qui , par fa pefanteur, fait appuyer, la corde fur
le quart, & l’aflùjertit affez folidement pour que
le tonnelier puiffe le travailler. Pour le contenir ,.
il met encore quelquefois le pied fur la pierre
dont nous parlons.
Le tonnelier paffe encore fon bras gauche par-
deflùs le quart, tandis que de la main droite il
Je rogne, 8c forme enfuice le jable, comme nous
l’avons détaillé pour les poinçons.
Le jable fait , le tonnelier peut arranger les
fonds qui doivent fermer les deux dernières parties
de fon tonneau, 8c les mettre en place ,
comme nous allons le décrire dans l’article fuivant.
IV. Confiru&lon des fonds des tonneaux, & moyens
qu*emploie le tonnelier pour les mettre en place.
‘Quand le tonneau eft monté , rogné , 8c jablé,
le tonnelier va chercher le traverfin qu’il a dreffé
8c préparé , comme nous l’avons expliqué, 8c
s’en fert pour former les fonds de fon tonneau.
On peut fe rappeler que nous avons déjà dit
qu’un fond eft ordinairement compofé de plu-
fieurs pièces, fouvent de cinq, d’une plus large
que les autres , qui fait le milieu du fond, 8c
que l’on nomme maîtrejfc-pièce ; de deux autres ,
qui font à chacun des côtés de celle-ci , qu’on
nomme aijfelières ; 8c de deux dernières qui terminent
le fond, qu’on appelle chanteaux.
Le tonnelier qui ménage le bois , fe fert de
deux petites planches pour former ces deux dernières
pièces. IL s’en rencontre fouvent qu’il a
rebutées , parce qu’ayant ôté les parties défec-
tueufes, elles font devenues trop courtes. Celles-là
font encore bonnes pour en faire des chanteaux.
Quelquefois, quand fon traverfin porte de larges
dimenfions, au lieu de cinq pièces , il n’emploie
que quatre planches : deux dont la réunion eft
au milieu du fond, 8c les deux chanteaux.
Si au contraire fon traverfin porte peu de largeur,
il compofe fon fond de fix pièces; il met
deux maîtreffes-pièces, deux aiffelières, 8c deux
chanteaux.
Ces cinq, ces quatre ou ces fix planches étant
arrangées, le tonnelier conduit par la routine ,
plutôt qu’inftruit des régies dé la géométrie,
prend fon compas, 8c l’ouvre de la fixième partie
de la circonférence de fon tonneau.
En prenant cette mefure dans le jable, il place
une des branches de fon compas dans le centre
de fes planches vers le milieu de celle qui doit
former la maîtreffe-pièce.
Pour retenir le traverfin , il pofe ces pièces
fur le fût: il met fon fergent fur fa pièce, pour
. porter les planches qui vont former le fond. Il
les embrafie d’une main, en les ferrant contre
fon corps , tandis que de l’autre il trace- fon
cercle.
Il porte .enfuite chacune de ces planches fur.
la felle à tailler.; 8c en l’affujettiffant, fur le banc
avec le genou, il feie les planches avec la .feie
ou le feuillet a tourner, en. fuivant le trait marqué
par le’ compas, 8c laiffant ce trait franc a
c’eft-à-dire, apparent, 8c en dedans.