
différences en plus ou en moins, fuivant les rapports
plus ou moins éloignés de ces deux températures.
Cette appréciation jufte dépendra de nom-
breufes expériences qui sont à faire. Elles exigeront
une attention févère & une précifion exa&e. C’eft
un beau champ dans lequel les fa vans phyficiens,
bons obfervateurs L accoutumés à l’art des expériences
, auront à s’exercer.
Tout èft nouveau dans l’art de la navigation
aérienne , & le rapport de l’air raréfié, avec l’air
extérieur , ne préfente qu’une foible partie -de
l’étude qu’ il y a à faire fur i’aéfion & les effets
du feu. Nous calculerons avec M. Jofeph de
Montgolfier , le produit de la légèreté de l’air
dilaté , à raifon de deux livres & demie par cent
pieds cubes d’air ; ce qui n’expofe à -aucune erreur
toutes les fois que la chaleur de l’air atmof-
phérique n’excède pas vingt degrés du thermomètre
de Réaumur.
Le bois de farment eft de tous, celui qui produit
le feu le pliis v if & le plus pur, le moins
fujet à donner de la fumée, & à méphitifer l’air
intérieur. IL eft conféquemment le meilleur à
employer, & il mérite d’être préféré à tous les
autres. Dans des expériences préparatoires, faites
près de la terre , il a fallu cent, cinquante ou
deux cens livres de ce boisJ^ p a r heure , pour
entretenir un aéroftat des diamètres de foixante à
foixante-dix pieds environ ; mais il en faut beaucoup
plus en s’élevant très - haut dans les airs.
La raifon en eft évidente : l’air circulant dans
une haute région étant beaucoup plus fubtil ,
augmente l’ aéfion du feu , qui confomme dans
cette proportion. En échange les effets de cettte
aâion acquièrent un grand accroiiîement.
Suppofons une élévation de deux mille cent toi-
fes , où le baromètre s’abaiffera à dix-fept pouces
environ, lorfqu’il fera fur terre à vingt-huit pouces.
Si l’aréoftat déplace cent vingt mille pieds cubes
d’a ir , ils pèferont près de la terre dix mille trois
cens livres, & dans la région de deux mille ceat
toifes, leurs poids ne fera plus que de fix mille
deux cens cinquante livres.
Le produit de l’aâibn du feu devra être égal dans
les deux dations ; favoir, de trois mille quatre cens
trente-trois livres, qui font le tiers de dix mille trois
cens livres , & les cinq neuvièmes de fix mille
deux cens cinquante livres. L’a&ion aura donc augmenté
de deux neuvièmes d’intenftté. Il y faudra
donc une augmentation de matière confommable
proportionnée. Ce fupplément de matière néçef-
faire pour maintenir _ l’équilibre , étend au-delà
du double, les premiers apperçus de cent cinquante
à deux cens livres par heure, & l’expérience
annonce qu’il y en faudra de quatre à cinq cens
livres pour un .aéroftat de foixante à foixante-dix
pieds de diamètre , duquel nous raifonnons, en
ayant fous les yeux la defcription de M. le comte
{Je taurencin ? de la belle expérience faite à Lyon,
le 4 juin 1784, en préfepce de Sa Majefté le
Roi de Suède.
Cependant fi les aéronautes acquièrent l’art de
l’entretien du feu, au point de fe foutenir à une
hauteur déterminée , & qu’ils ne vouluffent pas
| s’élever à une hauteur de plus.de cent cinquante
à deux cens toifes, il eft probable que deux cens
livres d’un bois propre à* maintenir un feu clair
& pur, fuffiroient à la confommation d’une heure.
On a obferté que les graiffes & les huiles pro-
duifent un feu très-ardent, mais avec beaucoup
de fumée , ce qui nuit extrêmement à la perfeâion
& à l’entretien de la raréfaction.
Les dangers du feu ont caufé de vives allarmes ;
- mais fi l’on veut fe rappeler que M. Etienne de
Montgolfier a fait plus de foixante expériences,
au fauxbourg Saint - Anroine , fans aucun acci-
cident, on rejettera les malheurs arrivés ( & dont
aucun n’a été funefte ) fur le défaut d’expérience ,
d’habileté ou d’habitude de ceuk qui les ont
éprouvés.
Iremploi.du feu a fes avantages. L ’économie
avec laquelle on fe procure à peu de frais, en
; tout temps, en tous lieux, les coinbuftibles né-
ceflaires, la facilité de les mettre en aétion fans
délais, ni les apprêts indifpenlables que l’air inflammable
exige ; une fécondé économie réfultante
du prix comparé des enveloppes, & quelques
autres considérations caraâérifent le mérite cte
cette méthode ; mais il ne faut pas fe refufer à
reconnoitre qu’elle a d’un, autre côté fes incon-
Eéniens.
La grandeur qu'elle demande aux enveloppes,
le poids confidérabie des combuftibles ( néceffai-
res pour alimenter la dilatation , les difficultés
de manier de grofles machines croiflahtes dans
les proportions progrelfives de leurs volumes, &
quelques dangers difficiles à effacer entièrement,
préfentent des obftacles : ils ne font pas invincibles,
toutefois une efpérance incertaine n’a pas
le droit de détourner des travaux dont le but eft
de perfe&ionner la méthode de l’air inflammable
que nous allons examiner.
De Vair inflammable.
L’interprétation de la nature eft affujettie à des
difficultés infinies. On ne peut bien interpréter
que ce que l’on peut bien définir. Une définition
exaéte exige une çonnoiffance claire & évidente
de l’objet qu’elle concerne. Il faudroit remonter
à fon effence pure & primitive ; mais en fe rapprochant
de cette effence, le voile de la nature
nous couvre de plus en plus de fon obfçurité.
Les grands progrès que la chimie a faits de nos
jours , ont pénétré un peu au travers de ce voile,
cela eft vrai; mais en fermant ces progrès , 011
ÿappçrçoit aifément qu’on eft infiniment plus redevable
9evable à cette fcience pour les erreurs qu’elle
a détruites, que pour les connoiftances réelles
qu’elle nous a acquifes.
Il étoit généralement admis anciennement de
reconnoitre quatre élémens , comme étant la
fource commune de laquelle tous les etres matériels
émanoiént.. Les chimiftes modernes ont
reconnu & démontré , que non - feulement ces
élémens prétendus étoient des compofés , mais
qu’ils ,pouvoient être tranfmués les uns dans les
autres.
L’air offre fingulièrement des exemples de ces
compofés & de ces métamorphofes. Il contient
plufieurs efpèces bien différentes lés unes des
autres , & il feroit téméraire de prononcer que
ces efpèces mêmes fuffent réellement élémentaires.
L’air inflammable eft une de ces efpèces. Quel
eft-il? On l’extrait d’un très-grand nombre d’êtres'
ou de corps , tant du règne minéral que du
règne végétal. Il exifte incontefiablement dans
le règne animal ; on le produit par la combiîftion
de l’eau ; il eft enfin dans toute la nature. Cette
exiftence bien reconnue, il-n’en eft pas moins difficile
de le faire mieux apprécier que par fa préfence
& par fes effets. Nous ne le confidérerons ici que
fous le rapport de fa légèreté , qui a conduit à
s’en fervir comme d’ un moyen tiès - efficace &
aflùré de contrebalancer & furpaffer la légèreté de
l ’air.
Avant qu’on eût imaginé d’en-retirer ce fervice,
les chimiftes ne s’étudioient guère à retirer l’air
inflammable des diffère ns corps, que pour parvenir
à approfondir les grandes théories du feu & du
plilogiftique, & on l’appliquoit à de belles expériences
de phyfique. Ce but n’exigeoit pas d’en
produire de grandes quantités à la fois, & quoique
la dépenfe de cette produftion fût coûteufe, elle
l’étoit peu relativement à la modicité de cette
quantité.
Il n’en a plus été ainfi , lorfqu’on a voulu l’employer
pour acquérir l’équilibre entre l’air & des
corps mille & plufieurs mille fois plus pefans que
lui. La dépenfe a effrayé, fur-tout dans les premiers
momens de fon application à la découverte
aéroflatique , ou l’on n’avoit encore que des enveloppes
très-perméables, & la crainte d’en acquérir
difficilement de meilleures. Les phyficiens- ’
chimiftes fe font donc étudiés à l’envi à découvrir
& fe procurer les moyens de produire, par des
procédés peu difpendieux , l’air inflammable. Il
fuffira , pour en avoir, une idée , de pafeourir les
divers réfultats que M. de Morveau a obtenus de fes
expériences.
L’air inflammable, produit par la mixtion du
zinc & de l’acide vitriolique, étoit eftiaié être à
Arts & Métiers. Tome VLÎl,
l'air dans les rapports de 1 à 10, jufqu'à i à i ç .
M. de Morveau l’ayant divifé par fon opération *
en quatre produits diftinfts & confécutifs, a reconnu
le premier rapport à l’air confidéré 1 , être
o,212 : le fécond rapport 0,128 ; le troifième rapport
0,05)6 , & le quatrième 0,059. On s’apper-
çoit aifément que la différence confidérabie entre
le premier & le fécond produit, doit fon exiftence
à l’air commun qui fe trouvoit renfermé dans les
vaiffeaux, & qui fe mêloit au gaz dans une pro-
greffion décroiflante, qui n’a plus eu lieu au dernier
produit. Celui-ci fe, trouve être à peu près
dans le rapport de 1 à 16 , & un peu moins de 1 à
17. Les rapports de l’air inflammable dégagé du fer
par l’acide vitriolique , Ont été de 0,154, 0,185 &
0,196. Ces rapports font.affez conformes à celui
de 0,163 | . évalué par M. Pilatre de Rozier, & de
0,190 qui a été reconnu produit dans les expériences
en grand de MM. Robert & de M.
Blanchard. M. de Morveau, après avoir tenté fans
aucun fuccès fatisfaifant le dégagement de Pair
inflammable des métaux, parla calcination, afin
d’en diminuer la valeur eau fée par le haut prix
de l’acide vitriolique , a porté fes vues fur les
matières, végétales & animales, en.opérant c©
dégagement par leur diftillation.
Il a obtenu les rapports fuivans :
Gaz dégagé de la pomme de terre 0,256.
Gaz dégagé du maïs 0,3 23.
Gaz dégagé du fon des amidoniers 0,323*
Gaz dégagé du fon ordinaire 0,476.
Gaz dégagé de la paille de froment 0,555«
Gaz dégagé du charbon de terre 0,370.
Gaz dégagé du fucre brut 0,400.
Gaz dégagé de la gomme arabique 0,400.'
Gaz dégagé du tartre de vin <3.5 5 5. -
Gaz dégagé de l’huile d’olive 0,555.
Gaz dégagé de la corne de pied de'cheval
0,5; 5.^
Gaz dégagé du bois 0*625..
Gaz dégagé des marons d’inde 0,714,.
Gaz dégagé des charbons par le nitre 0,769.
Gaz dégagé du fu if, plus pefant que l’air commun
, quoiqu’il foit inflammable 1,100.
On remarque dans tous ces réfultats que celui
qui donnoit le plus d’efpérance d’en pouvoir faire
un bon ufage, étoit le gaz dégagé des pommes
de terre. Il ne çoûteroiî pas 6 deniers le pied cube,
& quoiqu’il fe trouve être un quart plus pefant
environ , que celui dégagé du fer par l'acide vitriolique
, la modicité du prix lui mériteroit la pré