
font enfuite placés côte à côte fous le preffoir
& par étages ou rayons, où ils refont vingt-quatre
heures.
7°. Le ficelage : on démonte enfuite les pref-
foirs, on tire les carottes de leurs moules , & on
les tranfporte au premier étage dans un atelier
particulier, où des ouvriers les ficèlent tourà-
tour, & y attachent la marque à la vignette de
l’adjudicataire ; on rogne enfuite les deux bouts
à la faveur d’un couteau fixé à la table par
un piton : les groffes rognures fervent à de nouvelles
carottes, & les plus petites à être mouillées.
Nous avons reconnu que les carottes étoient
compofées des mêmes qualités fans côtes, &
d’une odeur agréable.
Ces carottes font dépofées au rez-de-chauffée
dans des magafins bien parquetés & lambriffés
tout au tour en groffes planches de chêne, & à
une diftance de la muraille d’environ un pied. Si
on ne prenoit des précautions auffi fages, les carottes
rifqueroient de contra&er de la moififfure ,
du mauvais goût, de l’odeur & une détérioration.
8°. Le moulinage : on emploie au moulinage
les mêmes efpèces ou qualité de tabac dont on
fait les carottes. Après avoir fubi toutes les préparations
que nous avons rapportées, elles ref-
tent en dépôt pendant cinq eu fix femaines; et
enfuite elles font livrées aux ouvriers. Cette opération
fe fait dans un vaffe atelier du premier
étïge , où les moulins font placés dans la longueur
& fur les deux ailes.
Ils font compofés d’abord d’une poche de toile
placée verticalement, où eft mis le tabac , dont
l’ouverture inférieure communique à une trémie
de tôle qui communique à fon tour au corps du
moulin, auquel eft adapté un blutoir, placé dans
une caiffe pofée à terre. Le tabac mouillé à fon
point, eft porté dans un autre atelier, & le fon
eft mêlé avec d’autre tabac pour être remis au
moulin.
Le public s’étant alarmé au fujet du tabac mouliné
, fous le prétexte que le moulinage en altère
la qualité, ou qu’il eft mélangé de fubftances
étrangères ou nuifibles , & l’arrêt de la Cour portant
fpêcialement : la vérification des tabacs, tant
en corde que pulvérifés, c’eft fur ces efpèces de tabacs
que les experts ont porté une nouvelle attention
; en conféquence ils ont fait l’expérience
fuivanre qui eft des plus concluante.
La température de l’atelier du moulinage étant
à neuf degrés au-deffus du point de la congella-
tiondu thermomètre de Réaumur, on a requis un
ouvrier d’ouvrir la caiffe du blutoir ; on a fubite-
ment enfoncé la boule ifolée du thermomètre
dans le ras de tabac , fortant du moulin ; le
mercure a refté au même point ©ù il étoit auparavant.
Cette expérience a été répétée au milieu
, au fond de l’atelier & fous divers moulins
^ le mercure eft une feule fois monté à neuf
degrés & demi, c’eft-à-dire à demi degré plus
haut que celui de l’athmofphère & des autres
moulins. La chaleur ne peut donc occafionner
aucune altération fenfible au tabac qui eft mouliné.
Les tabacs moulinés font jetés par une trappe
dans un atelier du rez de-chauffée, & tombent
dans de grandes armoires ( ou alcôves de bois, )
bien fermées, où ils relient en malle pendant
cinq ou fix femaines ; enfuite on a foin de v ider
les armoires qui ont été remplies les premières.
Les^ ouvriers de cet atelier jettent le tabac
pulvérifé fur de grandes tables ; & fi par la chaleur
fpontanée, il a contraélé quelque féchereffe ,
on le mouille à l’ordinaire avec de l’eau falée ,
dont la proportion eft feulement de huit livres
d’eau fur deux quintaux de tabac ; après cela ils
le liffent avec des mains de bois , & l’enferment
dans des. tonneaux , où il eft fortement preffé
pour être^ enfuite diftribué aux entrepôts & bureaux
généraux du département de la manufacture.
Le tabac de Cantine eft préparé avec des feuilles
non ecotées , felôn les conditions du bail ;
ainft les ouvriers n’ont autre chofe à faire qu’à
couper le pied ou tronçon du bas des manoques
% les mettre en rôle, ayant déjà été époular-
dees : les broquelines ou pieds de manoques font
mifes à part dans des magafins jufqu’à ce qu’on
les incendie. ^.
Dans l’enclos ou jardin de la manufacture, on
voit deux fourneaux en maçonnerie deftinés à
brûler les cotes ; ils font en cône tronqué, de
la hauteur de 15 pieds fur 14 pieds de diamètre
dans oeuvre : chacun defdits fourneaux , outre
une grande ouverture latérale en forme de cendrier
, a huit regiftres ou ouvertures latérales ,
placées^ dans fon contour , & à diverfes diftan-
ces, d’un pied carré ou à-peu-près, & au fom-
met une^ grande ouverture pour fervir de cheminée.
Dans le même lieu & à une diftance des fourneaux
, on obferve encore un efpace de terrain
de vingt toifes de long , de fept à huit de large ,
fur une profondeur indéterminée , mais confidé-
rabie, où eft le tabac réduit en fumier, provenant
des avaries.
Moyen facile de corriger l’âcretê de la fumée du tabac.
Tout le monde convient que la fumée du tabac
eft très- défagr éable , de même que l'haleine
de ceux qui mâchent les feuilles dtfféchées de
cette plante, pour leur plaifir ou pour leur fanté.
Comme il ftroit également impoffible & dangereux
de défendre cet ufage ou ce remède, c’eft
à l’induftrie de corriger ce que la fumée de tabac
a de nuifible & de révoltant.
Parmi les différentes recherches qui ont été faites
fur cet objet, il n’y en a point de plus ingé-
nieufe, ni de plus fimple que le moyen propo-
fé dans l’ouvrage latin de Gafpard Schott Jé-
fuite, intitulé Mechanica , Hydraulica , Pneuma-
tica.
On prend, dit cet auteur , un grand vafe de
verre reffemblant à un grand huilier dont, i°.
on bouche exactement l’ouverture fupérieure par
un couvercle de cuivre viffé dans une gorge de
même métal qui s’adapte au vafe.
a0. On fait traverfer ce couvercle par un tuyau
de terre ou de cuivre , & même d’argent qui
touchera prefque le fond du vaiffeau.
30. L’extrémité de tuyau qui eft au dehors s’adaptera
à une tête de lion ou de tigre en terre à
pipe ordinaire, dont la gueule fera très-ouverte
& communiquera avec le tuyau ; c’eft dans cette
cavité que l’on met le tabac & le feu.'
Lorfqu’on veut fumer, on déviffo le couvercle
du vafe , & on met de l’eau jufqu’à la moitié
du va.ffeau ; on le ferme enfuite pour afpi-
rer la fumée par le bec ou le tuyau. C ’eft alors
qu’on la voit paffer au travers de l’eau où elle
perd fa plus grande caufticité.
Comme les Allemands , & prefque tous les
peuples du Nord & ceux qui habitent l’Orient,
font leurs délices de la pipe , & qu’ils fe réunif-
fent pour cet effet, une grande machine conf-
truite dans le goût de celle qui vient d’être décrite
fuffiroit à une compagnie de cinq ou fix
perfonnes. Il s’agiroit feulement de ménager autant
de trous au vaiffeau , & d’y adapter ces
tuyaux de cuir flexible , dont on fe fert en Allemagne
pour les pipes de poche : fi l’on rem-
pliffoit la moitié du vafe d’ une liqueur agréable
au goût, la fumée du tabac pourroit en participer
& multiplier par ce moyen les fenfations des
amateurs de la pipe.
Singulière façon de fumer.
Les Caraïbes des îles Antilles ont une fingu-
lière façon de fumer. Ils enveloppent des brins
de tabac dans certaines écorces d’arbre très-unies ,
flexibles & minces comme du papier ; ils en forment
un rouleau , l’allument, en attirent la fumée
dans leur bouche , ferrent les lèvres, & d’un
mouvement de langue contre le palais, font paffer
la fumée par les narines.
Explication fuivie de cinq planches pour Vintelligence
de la fabrication du tabac, tome I V 9 des
gravures.
P L A N C H E I.
La vignette du haut de la planche n°. 1 , repréfente
Vatelier de l'époulardage où l’on fait le
triage des feuilles, & où l’on fépare les manoques
pour les diftribuer par fortes dans les cafés.
Fig. 1 , ouvrier qui coupe autour de la maffe d’un
boucaud toutes les feuilles qui ont été avariées
en mer ou autrement.
A B C , maffes de feuilles contenues dans les
boucauds.
Fig. 2 , ouvrier qui détache les manoques de
la maffe E d’un boucaud , pour les distribuer
dans les cafés F.
D , panier qu’on enlève par le moyen d’une
poulie, pour tranfporter les feuilles dans l’atelier
des écoteurs, placé au-deffus de celui-ci.
H K H , rôles de tabac dépofés au-deffus des
cafés.
La vignette du haut de la planche n°. 2 , repréfente
l’atelier de la mouïllade.
Fig. 1 , ouvrier placé devant une table L. Il
affortit dans les manoques ou bottes de feuilles ,
celles qui font propres à faire des robes.
On entend par robes, les feuilles les plus longues
& les plus larges deftinées à recouvrir les
rôles.
Cet ouvrier les mouille avec un balai fervant
d’afperfoir.
Ces feuilles paffent enfuite à l’atelier des
écoteurs.
A B , féaux dans lefquels la fauce eft contenue.
C , .manne où l’ouvrier met les robes à mefure
qu’il les mouille.
Fig. 2 , ouvrier monté fur un amas de feuilles.
Il tient d’une main un feau rempli de fauce, & de
l’autre un afperfoir pour mouiller par couches
ce qu’on appelle déchets mélangés.
On voit par la figure que cet .atelier eft placé
au rez-de-chauffée ; que le pavé eft formé par de
grandes falles de pierres un peu inclinées vers
celles du milieu E , qui font creufées en caniveau
pour laiffer écouler l’eau fuperflue.
D , planche qui couvre une partie du caniveau ,
afin que l’accès auprès des cuves de pierre G ,
foit plus facile.