Il feroit à défirer que les auteurs nous euflent
donné une description plus détaillée de monu-
mens auffi intéreflans, & fur-tout qu’ils nous enflent
tranimis les procédés qui les avoient produits. Ce
feroit alors que nous pourrions comparer avec
quelque fondement, les lumières des anciens ar-
tiftes avec les nôtres, & que nous faurions quel
degré d’admiration nous devons à des ouvrages
auni étonnans. Par exemple, les colonnes admirées
par S. Pierre, étoient-elles folidés & d’une
feule pièce ? Ce feroit un prodige de l’art, n’euf-
fent-elles que fix pieds de hauteur & lix pouces
de diamètre. Etoient-elles de plufleurs morceaux
rapportés les uns fur les autres ? ou enfin n’éroit-
ce qu’un revêtement de plus petites pièces de
verre réunies par un ciment approprié , une espèce
d ouvrage de. marqueterie ? Quoi qu’il en soit, &
quelque défiance qu’infpirent aux bons efprits plu-
fieurs aflertions des anciens , il paroit difficile qu’ils
hafardaflent des récits évidemment faux, ou feulement
incertains fur des chofes de fait, & en
parlant de monumens qui dévoient être connus de
leurs contemporains. Enfin , toutes ces defcrip-
tions ne fuffent-elles que des fables , elles prouveraient
toujours que l’art de faire du verre étoit
en honneur, & ne manquoit ni de reflources ni
de moyens , du temps des auteurs de qui nous
les tenons ; car ils fe feroient expofés à la dérifion
publique, sfils avoient ofé attribuer ainii des prodiges
à un art méprifable ou peu connu.
Le verre eft fufceptible , lorfqu’il eft chaud, de
prendre toutes fortes de formes •: cette propriété
en étend l’ufage à une infinité de befoins, tant .
pour la vie civile que pour ies arts, & c’eft dans
la diverfité de fon emploi que nous fommes , je
penfe , fupérieurs en verrerie aux anciens. Employé
en vitres, il tranfmet la lumière dans nos
habitations, & nous dérobe à l’intempérie des fai-
fons fans nous ô;er la vue des objets extérieurs,
& fans nous priver du fpeétacle de la nature. Tra- j
vaillé en vafes, il nous fournit les moyens de
conferver fans altération les liqueurs les plus pré-
cieufes , tant pour notre utilité que pour notre
fimple agrément. Sa tranfparence nous met à même
de juger de la couleur & de l’état de fon contenu :
fon imperméabilité à toute autre fubflance qu’à
la lumière, s’oppofe à l’évaporation des liqueurs
fpiritueufes. Le verre doit fa perfeâion à la chimie,
qui a affujetti fa compofition & fa fafion à des
règles certaines; mais auffi le verre fournit à cette
fcience des vaifTetux précieux , dont la tranfparence
permet à l’obfervateur de faifir des phénomènes
que l’opacité de toute autre fubflance lui
déroberoit. Le verre n’offre-1-il pas à prefque
toutes les branches de la phyfique , des fecours
inefiimables ? C ’eft par Jui que l’aftrônomie nous
fait lire dans les deux , & que les ob fer va fions,
microfcopiques étendent à nos yeux les bornes
de l’univers , jufques dans les infiniment petits.
La tranfparence du verre nous rend en quelque
forte vifible l ’état de Pathmofphère qui nous
environne : fans 'le verre , Tilluftre Boyle ne
fut jamais parvenu à l'invention de cet infiniment
fingulier à l’aide duquel il a démontré tant
de vérités, & imaginé un fi grand nombre d’expériences
qui l’ont rendu célèbre dans fa patrie 8c
chez l’étranger. Par le moyen du verre, on corrige
les défauts de conformation d’ un de nos plus
précieux organes, & on en conferve l’ufage aux
vieillards. Enfin, c’eft avec un prifme de verre
que Newton a anatomifé la lumière.
Le verre n’eft pas borné dans fes ufages à notre
utilité ; il peut encore fervir à notre parure & à
notre agrément. Enrichi par la chimie, de la propriété
de recevoir prefque toutes fortes de couleurs
, il nous fournit des corps qui, à la dureté
près, ne le cèdent en rien à la plupart des pierres
précieüfes. Préparé avec foin , il eft fufceptible
du plus beau poli; & par des manoeuvres particulières
à cette partie dé l’art, que l’on trouve
décrites dans l’article Glaces de ce diélionnaire,
on obtient des plateaux de verre, « dont la tranf-
” parence eit portée à un fi haut point de per-
» feélion, que nous ne pourrions pas croire que
» ce lut un corps folide, fi le toucher ne nous
» en affuroit. Les glaces, dans cet état, auroient
” déjà été une belle production de l’art; mais elles
8 pouvoient acquérir encore : elles ont été enri-
» chies d’un don plus précieux. La nature nous
” avoit procuré de tout temps l’avantage de mul-
” tiplier à nos yeux dés objets uniques et même
» notre propre image , mais nous ne pouvions
» jouir de cette création fubite que fur le bord
» d’une onde pure , dont le calme & la clarté
» permettent aux rayons du foleil de fe réfléchir
* jufqu’à nos yeux fous le même angle, fous lequel
” lIs étoient dardé?. L’art, en voulant imiter le
» cryflal des eaux & produire les mêmes effets,
” *es a fitrpaffes. La chimie, par un mélange de
” mercure & d’étain répandu également & avec
» foin fur une furface dès glaces, donne à celles-ci
” Ie moyen de rendre fidèlement tous les corps
” qui leur font présentés. C ’eft par cette faculté mi-
” raculèufe que les glaces font devenues un des
” plus nobles ornemens de nos habitations. *
” Le verre pou voit encore, en fe déguifant fous
» la forme a’un vernis brillant & poli, fournir aux
» arts un moyen de s’étendre fur des objets de
” pur agrément dans leur principe, mais que le
» luxe a rendu depuis un fiècle, une branche de
» commerce confidérable : on,voit bien que je
» veux parler de la porcelaine chir.oife, que les
» Européens ont tâché d’imiter par de nouvelles
w manufaélures éclatantes, non par la nature de
” la pâte, mais par la noblèffe de leurs contours ,
» la beauté du deffin , la vivacité des couleurs &
v le brillant de la couverte. »
Le verre, confidéré chimiquement, eft le produit
de la diffolution des terres vitrifiables par le
feu, aidé de l’a&ion de quelques fondans. M. de
Morveau, dans fes digreffions académiques ( pag.
*60 ) , le regarde comme une véritable criilalli-
fation* L’opinion que nous venons d’expofer, eft
celte des académiciens de Dijon, lotfqu’ils difent
( pag- 174, tom. 1 de leurs élèmens de chimie )
| lqué les fondans ne font-que des agens intermé-
„ diaires pour fixer & réunir la chaleur, prévenir
» une déperdition trop rapide, & fuppléer de cette
„ manière, par un inflrument prefqu’aufli mêca-
„ nique que phyfique, le degré dé feu que l’art
V ne peut produire. »
Les terres vitrifiables font celles du genre des
cailloux, les quarts, les grais, les divers fables:
elles ne font efi'ervefcence avec aucun acide. Lorf-
qu’elles font en mafles dures , elles réfiâent aux
outils d’acier trempé ; frappées avec le briquet,
elles jettent des étincelles. Les plus pures font
ordinairement tranfparentes ou demi-tranfpai entes :
il en eft cependant d’opaques , comme il en exifte
déplus ou moins dures; mais elles ne doivent ces
diverfes modification^ qu’a des circonftances particulières
: toutes, lorfqu’elles font pulvérifées, fe
léduifent en fable, & toutes, fous quelque forme
qu’on les obtienne , paroiffent réfifter puiffamment
à l’aélion du feu connu, dont elles n’éprouvent
aucune altération. Cette infufibilité des terres du
genre des cailloux , dont, fuivant les expériences
de M. d’Arcet, d’autres terres ne jouiffent pas,
fembleroit devoir faire refufer à ces fubftances le
titre de vitrifiables ; mais c’eft une dénomination
déjà connue & adoptée, fans doute parce que c’eft
avec la terre du genre- des cailloux, que l’on eft
parvenu à former le verre le plus propre à nos
ufages, & à imiter ces corps brillans que la nature
nous prèfente, & dont l’éclat & la dureté excitent
notre admiration.
partie cônftituante des corps , & alors on 1 appelle
phlogijlque ou feu fixe, ou comme pur, libie &
non combiné : Ions cet afpeâ, ce feroit une matière
fimple & homogène. On le conçoit dans cet état,
mais on ne l’obtient pas : nous ne le connoitrons
jamais guère que par fes effets. Nous rendons le
feu fenfible à nos fens, ou par la réunion des rayons
folair.es au foyer d’un miroir ardent , ou par le
•frottement de deux corps durs, ou enfin par la
combuftion des corps inflammables. O r , dans tous
ces cas, le feu eft-il une fubflance fimple? Les
rayons folaires peuvent être décompofés : la diffé-.
rence des couleurs dont nous foromes affe&és pen-
| dant l’inflagration des divers corps combuftibles ,
excitée, foit par un frottement violent ée continué
Je regarderois comme le verre le plus parfait,
celui qui feroit compofé de terre vitrifiable pure,
mife feulement en fufion par l’aélion d’un feu violent
; mais l’art eft infuffifant en ce point : on ne .
peut fe procurer un feu d’une aflez grande intenfitê ,
& l’addition feule des fondans fup plée à ce qui
nous manque..
Le feu étant le diflblvant des terres vitrifiables,
& le verre étant le produit de cette diflolution ,
il feroit aflez naturel de penfer que les parties conf-
tituantes du verre font principalement la terre &
. la matière du feu ; mais, pour être afluré à cet
égard -, il faudrait, iQ. que la terre fût difloute
fans intermède, & par l’aêtion feule du menftrue ;
2*?. que la nature même de ce menftrue fût parfaitement
connue.
Ls feu peut être confidéré, ou comme faifant
, foit par l’approche 81 le contaél d’un corps
déjà enflammé, ne dépofe-t-elle pas auffi contre
l’homogeneïté des parties du feu fenfible ?
On regarde communément la chaleur & la lumière
, finon comme les produits du feu , du moins
comme des fignes non-équivoques de fa préfence.
M. Schéele, dans fon traité chimique de l’air &
du feu, d’aptes des expériences auffi délicates
qu’ingénieufes, croit devoir regarder la chaleur &
Y ardeur rayonnante , qu’on confidéreroit comme
‘ une chaleur extrême , ainfi que la lumière, comme
des fubftances matérielles & diftin&es^. Après avoir
établi qu’une portion de l’air atmolphet ique , qu il
défigne par le nom d’air du feu , eft abfolument
néceflfaire à l’entretien du feu , que par elle feule il
brûle, & qu’elle en eft abforbée, il conclud de
fes expériences ( pag. 152. & 153 )>. £l}ie la cl,al^l?r
eft une matière compofèe de phiogiflique & d air
du feu ; qu’une plus forte portion de phiogiflique
produit l’ardeur rayonnante , & qu’enfin la lumière
contient, avec l’air du feu , une plus forte dofe
de phiogiflique.
C’eft ce phiogiflique que je regarde comme une
des principales fubftances dont l’union avec la terre
vitrifiable forme le verre, & cette opinion pour-
roi t être déduite de la théorie de- M. Scheele ; car
on ne peut nier que, pendant la fufion , la matière
du verre ait été pénétrée, & de chaleur , &
d’ardeur, & de lumière, & que par conféquent
il y ait été porté une grande quantité de phlo-
gifliquè.
Le raifonnement m’avoit d’abord infpiré cette
façon de penfer : l’alkali fixe, fondant le plus en
ufage, eft, félon M. Maquer ( diftionnaire de chimie
) , compofé d’acide, de terre & d’un peu de
phiogiflique. De ces trois principes , l’ acide n’a
pas aflez de fixité pour opérer efficacement la
vitrification : la terre auroit elle-même befoin de
fondant; ce feroit donc principalement au phkg'.f-
tique qu’on feroit redevable de la fufion des terres
vitrifiables. Une expérience me confirma dans cette
1 idée. Ayant tenté vainement de faire fondre une
G g g a