
feroit obftacle à la réaâion de l’air , & eonfer-
veroit certainement le vinaigre dans toute fa bonté.
Il fuit encore que les vafes deftinés à conferver
ou à contenir le vinaigre ne peuvent être trop propres
; le plus léger dépôt fuffit pour altérer cette
liqueur , même dans des vafes bien fermés. C ’eft
ici le même effet que celui qu’opère dans les travaux
en grand le dépôt de lie, qu’on appelle, à
caufe de cela , mère vinaigre , & qui concourt au
paffage. du vin à l’état vinaigre.
Des vinaigres aromat.ques ,* par M. de Machy.
On prépare des vinaigres aromatiques , en y
fai faut infufer les mêmes plantes qu’on emploie
dans la préparation des cornichons & autres. Les
rofes , les fleurs de fureau, l’eftragon ont été les
premiers végétaux dont on ait fait paffer l’odeur dans
le vinaigre, en les y . plongeant après les avoir un
peu amorties au folci1. Quinze jours ou moins
d’in&fion fuffifent ; au bout de ce temps on verfe
le vinaigre, on exprime les fleurs ; on filtre ou
on lai fie dépofer, & on l'es garde fous les noms
de vinaigres rofat, furat, ou d’eflragon.
Comme l’expérience eft toujours aélive, quelques
économes ont mêlé ces trois fleurs, & ont
eu un vinaigre compofé j enluite chacun a imagine
d'affecter celles des fleurs ou plantes qui forment
ce qu’on appelle la fourniture des falades ; &
puis iL en eft rèfulté de recettes fans nombre de
ce genre. J’en vais tranfcrire ici une, pour fervîr
d’exemple. Prenez, fleurs de fureau fèches fix onces,
élira go n amorti au foleil huit onces, ail trçis
onces, civette quatre onces , échalottes quatre
onces , fommités de baume , ou menthe-baume,
une once, girofles un gros & demi : le tout épluché,
écrafé & concaffé , fe met dans une cruche avec
avec huit pintes de vinaigre blanc d’Orléans : on
fait infufer durant quinze jours , on exprimé le
tout fortement, on filtre & on garde dans des
bouteilles. Je crois avoir remarqué que la dofe
de vinaigre pourroit être doublée fans inconvénient.
Quelques perfonnes font dans M ag e de joindre
un peu de fel à leur vinaigre : je ne préfume pas
que cela ajoute beaucoup à fa bonté ou à fa con-
fervation. Soit que les économes aient donné l’exemple
, ou que la médecine pratique n’ait eu befoin
que de fes lumières .fur l’avantage f i ’affocier les
plantes avec le vinaigre pDur charger celui-ci de
l’extrait réfino-aromatique des végétaux, ou que
d’autre part ie luxe , dont le principe eft le befoin
£e propreté, befoin bientôt dégénéré en abus ,
ait cru pour fa part raffiner fur l’ utilité réelle dont
pouvoit être le vinaigre dans certains cas , en recherchant
les aromates de tous les genres, pour
Jes digérer dans cette liqueur acide ; quelles que
puifient çtre les çonjeétures, & fn les abandonnanti
à- qui défireroit les vérifier, ou les difcuter;
la pharmacie & la parfumerie ont au {fi des vinaigrés
aromatiques , dont il eft jufte de donner une
idée.
Vinaigre médicamenteux.
Entre les vinaigres médicamenteux, je n’en citerai
que deux : un fimple, c’eft le vinaigre fcillitique;
ôc un compofé, c’eft le vinaigre des quatre voleurs
; & je ne répéterai' pas les obfervations fur
les attentions générales que méritent les plantes
avant d’être infufées dans le vinaigre , dont le
réfumé eft d’cutr aux plantes une première furaboiu
dance de leur eau de végéta’.ion , & de détruire une
partie de leur état vifco -muqueux, par une exfication
modérée, afin que cette eau & cette mucofué n’altèrent
pas la bonté du vinaigre, e.n s’y mêlant fans s’y
combiner.
Du vinaigre fcillitique.
L’ôignon de fcille, fcillahifpanica, eft une plante
bulbëufe, dont les écailles très-épaiffes rendent
fa déification très-difficile. Les anciens avoient
imaginé de le cuire, pour le mettre enfuite en
trochifque ; & lorfqu’ils vouloient le faire fécher,
ils enfiloient chaque écaille & expofoient l’efpèce
de chapelet qui en réfultoit, pendant plufieurs
mois , à l’ardeur du foleil. Je ne ferai point ici
rénumération critique des défauts réfultans de
cuire ainfi ou de fécher la fcille, parce qu’il ne
s’ agit pas de l’art du pharmacien : je me contenterai
de donner le moyen expéditif de fécher
, cette bulbe ou oignon avec avantage. On la coupe
tranfverfalement ; & alors chaque écaille fe trouvant
divifée en plufieurs tranches, laiffe iffue à
l’humidité vifqueufe , qui s’exhale en moins de
cinq jours , à la chaleur modérée d’une étuve.
Cette bulbe ainfi defféchée & concaffée,. on en
met fix onces pour trois pintes de vinaigre blanc
dans un matras qu’on bouche d’un parchemin percé
d’un petit trou , pour l’expofer durant quarante
jours au foleil d’été ; ou , fi l’on eft preffé , pour
le tenir durant trois jours fnr un bain de fable
chauffé au point de ne pas faire bouillir la liqueur,
qui prend une teinte rougeâtre : on la tire par in-
cfinaifon; & quoique certaines pharmacopées prefi
crivent de mettre le marc à la preffe , on fe con« |
tente de l’exprimer dans une toile forte autant quç
le peut l’effort des deux mains.
Vinaigre des quatre voleurs.
Une tradition déjà un peu vieillie;, rapporta
que quatre quidams, alléchés par'le defir de piller,
s’étoient introduits dans une ville où la- ped0
exerçoit fes ravages; qu’ils fréquentoient impunément
les maifons des peftiférés, s’emparoient de
leurs biens, & qu’enfin , le fléau ceffé, l’on ouvrit
les yeux fur leur conduite, que rendoit fuf*
pe&e une fortune trop rapide; qu’ils furent couvain*
j fe larcins fans nombre ; mais que leur conferva-
non dans ce défaftre patoiffant Un prodige , on
fonpçonna qu’ils tfêtoient demeurés feins & feuts
■ àVaide d’un fecret .qu’on jugea affez précieux
cour eu faire le prix de leur grâce., s'ils vouloient
le communiquer. C ’e fl, dkon , à cet événement
qu’on efi redevable du vinaigre dit des quatre voleurs,
’ à caufe du métier de ceux qui en donnèrent la
recette. . , . . „ .
Pour quatre pintes de vinaigre blanc , 1 on prend, (
grande & petite abfimhe, romarin, fauge , menthe,
rhue, de chaque à demi féehée une once & demie,
deux onces de fleurs de lavande fèche, a il, acor,us,
can elley girofles & mufcades, de chaque deux
gros;on coupe les plantes, ori concaffé les drogues
fèches, & on les fait infufer au foleil durant un
mois dans un vaiffeau bien bouché ; on coule la
[liqueur ,. on l’exprime fortement, & on la filtre,
pour y ajoutpr demi-once de camplire diffout dans
j un peu d’efprit de-vin.
Autre recette. .
I Prenez deux pintes de fort vinaigre , mettez-y,
fel, rhue , graine de genievre, angelique , petite
abfinthe, romarin, lavande, fauge,; menthe, de
chacune une poignée; ajoutez une once de clou,
dpnt la moitié fort coupée menu » & b ne tête d ail,
[ la moitié auffi coupée, de même : mettez le tout
dans un pot de terre neuf à petite ouverture ,
[que l’on placera dans le four par .deux fois, lorf-
I que le pain ert aura été retiré ; du bien tous ces
[ ingrèdiens feront mis dans une bouteille que l’on
j expofera au foleil pendant douze jours , après quoi
[ on coulera la liqueur. Pour fe garantir de l’épidémie,
on fe frottera les tempes, les narines & les mains
I de ce vinaigre tous les matins, & on en avalera quelques
gouttes1. ;
Ge vinaigre convient dans les maladies conta-
gieufes, & doit être un excellent prèfervatif contre
| les fièvres malignes. On le prend à la dofe d’un
l-jufqu’à quatre gros.
Vinaigres d*odeur.
Les plantes deftinées aux vinaigres d’odeur doivent
être' prifes dans le temps de leur pleine v igueur,
épluchées avec foin & féchées ou feulement
amorties par le foleil : on les coupe enfuite
par menus morceaux ; on concaffé les graines ,
[. ainfi que les aromates naturellement durs, & fur-
' tout ôn fait enforte que la totalité des ingrèdiens
I ne paffe pas en poids le quart du vinaigre qu’on
veut aromatifer , & que leur volume n’abforbe
pas tout le fluide : il eft rare qu’on mette plus de
[ quatre onces de plantes aromatiques & demi-once
j. ou deux gros de chacun des graines aromatifées
[ par chaque pinte de vinaigre. On met le tout dans
unvafe deverreoude grès, qu’on bouche exaéte-
|;ment; on l’expofe au foleil pendant une quinzaine
de jours, après quoi on décante la liqueur,
on exprime le marc, & on filtre, foit au coton,
foit au papier gris , pour être mis enfuite en bouteilles
qu’qn tient bien bouchées.
Je confeiïlerois aux perfonnes qui préparent des
provifions de vinaigre aromatique, d’ajouter fur
chaque pinte de liqueur filtrée une demi-once au
plus d’efprii-de-vin ; cet efprit devient un moyen
d’union plus intime entre les aromates & le v inaigre,
& garantit celui-ci de l’accident de £e
dècompofer , fi de hafard les plantes qu’on y a
mifes fourniffent trop de phlegme.
On a encore imaginé de fe procurer des v inaigres
aromatiques diftillés. On foumst à la dif-
tillation, plantes, aromates & vinaigre, en obfer-
vant qu’ici l’on ne nfque rien de furcharger l’in-
fufion avec des plantes , parce que, par la diflii-
lation, il n’en montera que très-peu de fubftance
odorante : il eft de plus effentiei de procéder à
la difiillation par une chaleur lente ; encore eft-il
impoffible de fauver à ces vinaigres diftillés le
goût de feu ou d’empyreume : mais il eft vrai que
ces fortes de travaux font très peu mis en oeuvre
par le petit nombre d’artiftes, vinaigriers ou parfumeurs,
occupés des vinaigres aromatiques.
Des liqueurs .qui portent improprement le nom de
vinaigre.
Il n’y a point de fubftance ayant quelque réputation
d’agrément , qu’on n’ait affociée ou au
moins fient d’affocier aux vinaigres ; il nJy a point
de couleurs fous lefquelles on ne les ait déguifées ;
8c pour ne rien omettre, 'point de qualification
fingulière qu’on ne leur ait donnée pour finalement.
Vinaigre de turbith , vinaigre à la fulranc,
vinaigre de ftorax, vinaigre virginal, &c. &c. Eli
. bien ! qui le croiroit ? ces vinaigres, pour la plupart,
ne font point des vinaigres & n’en ont que l’odeur.
Un bon efprit-de-vin fe charge , foit fous
la forme d»’efprir aromatique diftillé, foit fous la
forme de ce que les pharmaciens préparent fous
le nom de teintures, d’élixirs, de .quintcffences,
de baumes , cet efprit fe charge de tous les aromates
poffibles. On peut les varier à l’infini ; on y ajoute
par pinte autant d’onces de vinaigre radical qu’il
eft néçeffaire pour donner l’odeur de vinaigre ;
& voilà ces eaux diftillées , ces teintures , ces
quinteflences & autres, transformées en vinaigres,
auxquels un nom bien galant, ou bien obfcur ,
ajoute un mérite fingulier.
Rien n’eft plus aifé que de s’aflùrer de la vérité
de ce qu’on vient d’avancer. Prenez, par exemple,
de bonne eau de Cologne , verfez-y fur la pinte
depuis demi-once jufqu’à une once de bon vinaigre
radical, ou davantage, félon la force & le montant
qu’on veut donner à l’eau de Cologne ; don