
En faifant entrer les deux entailles l’une dans
l ’autre , & plaçant les deux extrémités du cerceau
en-dedans, on forme une efpèce de noeud
qui acquiert d’autant plus de folidité, que l’on a
eu plus de peine à faire entrer le cerceau fur
les douves qui forment le barril.
Quelquefois , quand il s’agit de retenir des
douves pour former un vaiffeau auquel on ne
veut pas prêter grande attention & mettre beaucoup
de propreté, on fe contente de paffer les
deux extrémités du cercle l’une fur l’autre, fans
pratiquer d’entaille ; la preffion feule empêche
que les deux extrémités ne fe féparent, quand
on vient à les mettre en place.
Les cercles pourriffent plus promptement dans
les caves & les celliers où l’on dépofe les tonneaux,
que les douves. Auffi eft-on obligé de
veiller à l’entretien des cercles , pour ne point
perdre le vin que renferment les tonneaux ; &
«n les fait relier fouvenr.
Les pièces, dans quelques caves humides qui
ont peu d’air, pourriffent & fe perdent plus promptement
que dans d’autres. Celles-là exigent plus
d’attention. Regarnir le tonneau de nouveaux cercles
, ou ce qu’on appelle le relier, eft du ref-
fort du tonnelier.
Si l’on craint encore, qu’en remuant une pièce
qui renferme du v in , ou tirant le vin qu’elle contient,
les derniers cercles de la pièce ne viennent
à manquer, au rifque de perdre la liqueur ,
ou en prévient le tonnelier, qui répond de la
perte s’il en arrive.
Il le charge pour lors de plufieurs cercles de
fer.
Dans les pays où le vin a beaucoup de feu,
la plupart des futailles qui reftent dans la cave
font reliées en cercles de fer. Celles qui font def-
tinées à tranfporter les vins d’un endroit à l’autre
n’ont que des cercles de bois, mais affez forts
pour n’avoir rien à redouter de pareil. Les cercles
de fer font faits de bandes d’un fer bien
doux , d’une épaiffeur proportionnée au diamètre
du cercle. On les plie à chaud, pour leur donner
la forme convenable , à laquelle on les fixe
par de forts clous rivés. Six cercles de cette
forte fuffifent pour les pièces ordinaires & ils
durent autant que le fer.
Ces cercles font formés de plufieurs bandes de
fer applaties & circulaires , qui fe joignent les
unes avec les autres par le moyen d’un crochet
que porte une de ces bandes, qui entre dans
l’une & l’autre des ouvertures que l’on a faites
fur la fécondé bande de fer , qui laiffe ainfi Ja
liberté de ferrer plus ou moins le cercle, & de
le rendre ou plus grand, ou plus petit, fuivant
la groffeur de la pièce à laquelle on veut l’adapter
On refferre le cercle de fer fur la pièce à l’aidé
d un écrou que l’on tourne avec une clef.
Le tonnelier garnit la pièce de deux de ces
cercles , & la met ainfi en état d’être remuée,
ou d en tirer le vin. Le propriétaire devient en-
fuite le maître, fi les douves font encore bonnes
de faire relier fa pièce, & d’y remettre de nouveau
v in , ou le même, fi fon deffein n’étoit pas
de le mettre en bouteilles.
■< Dans les provinces, où fouvent lés tonneliers
n ont pas de cercles de fer, ils fe fervent, d’une
corde dont ils entourent le poinçon , & ils fi
ferrent avec un garreau.
, Quelquefois on s’aperçoit qu’une des douves
d une futaille laiffe échapper le vin ; pour lors,
ou fe fert du même moyen : on tranfvide le’
vin dans une autre pièce, & le tonnelier fubftitue
une nouvelle douve pour remplacer celle qui
eft défeâueufe.
Quelques tonneliers fe font propofé comme
chef-d’oeuvre, de changer une douve d’une pièce
pleine de vin , fans qu’il s’en perdit. On fént que
® m®r‘|e de^ ce problème ne réside que dans la
difficulté de l’exécution , puifqu’il eft toujours plus
aife de foutirer le vin dans une autre pièce, &
que l’on fe rend par-là le maître de raccommoder
aifément la partie défeâueufe de celle que
Ion a vidée. .
Dans l’exécution de ce chef-d’oeuvre, ou de
cette preuve d’adreffe, il fe perd toujours un peu
de liqueur, quand la pièce eft bien pleine; mais
le peu de temp^que l’on emploie pour mettre en
place la douve que l’on a apprêtée, le coup-d’oeil
précis de celui qui l’ajufie, contribue à remplir
plus ou moins bien les conditions & les difficultés
du problème.
Nous ne parlons pas ici de certaines adreffes
que les tonneliers emploient pour cacher leurs
fraudes; comme de mettre à une douve une pièce
affez adroitement pour que l’oeil ne puiffe la diftin-
guer; celle de boucher les fentes,.ou d’empêcher
qu on n aperçoive les défauts d’une douve , avec
le maftic, &c. de boucher des trous devers avec
des epines de pommiers ou pruniers fauvages.
— s *™ .V, Liuuvcm avoir ete cachés lou
des cercles, & que le vin fe perde par cette ou
verture , le propriétaire peut intenter un procèi
au tonnelier, qui eft condamné à payer les dom
mages quilaoccafionnés par une négligence qui
eft împoffible de reconnoitre. Si le tonnelier a né
glige de boucher les artuifons à d’autres endroit!
Yiiibles, c est a 1 acquéreur à y remédier.
Le tonnelier ajufte fouvent & retient une partie
d’une douve fous les cercles , pour rétablir une
douve épeignée , c’eft-à-dire , rompue dans le
jable. La partie que l’on ajoute à cette douve pour
la rétablir , fe nomme peigne.
Comme le jable eft toujours la partie la plus
foible dans une futaillè, la rainure que l’on a pratiquée
dans cette partie, étant prife sur la moitié
de l’épaiffeur des douves, & étant d’ailleurs fouvent
expofée à de très-grands chocs, une douve
fe rompt très-fréquemment dans cet endroit : auffi
eft-il permis au tonnelier d’y remédier. Nous
allons rapporter les moyens qu’on a coutume
d’employer pour réparer ce dommage.
Pour mettre un peigne à une douve compue
dans le jable, le tonnelier enleve les cercles qui
portent le jable. Il choifit une partie d’une bonne
douve de la même largeur que celle qu’il veut
rétablir. Si cette partie eft plus large , il la réduit
à une largeur convenable fur la Celle à tailler &
fur la colombe.
Il faut que cette portion de douve n’ait que la
hauteur de la partie-du jable que l’on veut rétablir
, & de plus environ deux ou trois pouces,
qui doivent fervir, comme on va le voir , de
recouvrement.
Le tonnelier coupe uniment la douve rompue
dans le jable. Il fe fert, pour la couper, de la
petite fcie à main. Il doit en avoir de différentes
grandeurs. Les petites fe nomment ègoines.
Il l’unît, & enlève enfuite dans l’étendue de
deux ou trois pouces une partie de l’épaiffeur de
la douve, y formant un talus , de façon que la
portion la plus mince de ce qu’il enlève^ l'oit à
l’extrémité de la douve rompue , qui fe termine
au jable.
Il préfente fur cette douve la partie de celle
qu’il veut y fubftituer, pour s’affurer fi elle eft de
même largeur que celle qui eft rompue. Il ne laiffe
auffi à celle-ci que deux ou trois pouces de plus
que la hauteur du jable. Il forme le bifeau qui
doit fe trouver en-dedans à l’extrémité de la douve,
& qui doit fe rapporter avec celui qui eft déjà
formé fur la circonférence intérieure du jable.
Enfin il diminue l’épaiffeur de cette partie de
douve formant un bifeau, de façon que la portion
de cette douve la plus mince fe trouve , à
fon extrémité oppofée au jable, & que la partie
de la douve caffée foit auffi diminuée d’épaiffeur ;
de forte que le peigne,& la douve épeignée étant
placés l’un fur l’autre , ne forment pas plus d’é*
paiffeur dans la partie du recouvrement que fur
tout le refte de leur longueur.
L’extrémité de la douve rompue , coupée uniment
à l’endroit où commence à paroître le peigne
qu’on y a fubftitué, forme le jable ou la rainure
dans laquelle entre le fond.
On peut aifément mettre un peigne à une douve
fans défoncer la pièce , & même fans la v ider,
quand cet accident arrive lorfque la pièce eft
remplie de liqueur.
Les cercles que l’on pofe fur. la partie du recouvrement
, retiennent le peigne en place, & une
douve épeignée devient prefqu’auffi bonne qu’une
entière.
Si la douve fe caffoit plus bas que le jable, il
faudroit néceffairement lui en fubftituer une entière.
; car il eft défendu dvy mettre un peigne
pour réparer ce défaut.
Souvent il faut encore avoir recours à des expé-
diens pour arrêter la liqueur qui tranffude d’une
pièce de vin ; ce qui arrive quand les douves ou
les pièces du fond ne joignent pas exactement.
Le tonnelier fe fert pour lors de toile èfilée,
& d’un petit couteau qu’il nomme ètancHoir ; il
fait entrer cette charpie dans la fente; il l’enduit
auffi de graiffe, de cambouis, ou de fuif, qui
arrête la liqueur.
La forme de l’étanchoir eft affez indifférente.
I l faut qu’il ait une pointe capable de réfifter à
une preffion affez confidérable. Le manche doit
être court &-gros , pour être faifi avec avantage.
Les tonneliers emploient quelquefois, pour garnir
les intervalles qui fe rencontrent entre deux
douves , par où s’échapperoit la liqueur , une
efpèce de maftic , compofé de feuilles d’orme
& de graiffe de mouton, pilées enfemble.
Selon les ftatuts des tonneliers, une pièce de
bon bois , fec , non pourri, rongé , vergé ni artui-
fonné, & fans aubour, doit être marquée.
Les maîtres tonneliers, pour marquer leurs
pièces & les reconnoître , fe fervent d’un petit
compas que l’on appelle rouane\ dont une branche
eft pointue, l’autre eft plus courte & tranchante.
C ’eft avec cet outil, qu’ils tracent différentes
figures : par exemple, des cercles coupés par des
lignes, ou des demi-cercles. Ce font autant de
caraâères particuliers qui fervent à faire reconnoître
L’ouvrage de cet artifan.
Les commis aux aides &les marchands de vin
' fe fervent auffi de la rouane. Lès tonneliers tracent
leurs marques fur le tonneau ; & l’on ap