
tuyau d’un pied enquarré, & fort avec un degré
de viteffe propre à lui faire parcourir vingt-cinq
milles dans une heure.
Dans cette fupputation , j’ai eu égard à l’air qui
s’échappe entre les bords des, diaphragmes & les
côtés des Ventilateurs, que j’ai évalué à deux pieds
& demi cubiques par chaque coup de levier.'
Nonobftant cette grande impétuofité de Pair,
le mouvement de celui qui entre dans le fond
de cale , pour remplacer Pair qui en eft puifé, eft
fi peu fenfible, qu’on ne s’en aperçoit aucunement
, parce que la fomrfie de toutes les ouvertures
qu’il trouve au franc-tillac, eft égale à cent
cinq pieds quarrés ; de manière que l’air entre par
ces ouvertures, avec une vîteffe cent fois moindre
que celle qu’il a en fortant par le tuyau des V e n tilateurs.
Mais comme la forante dé toutes les ouvertures
qui font au tillac, eft de cinquante fept pieds
quarrés, le paffage de l’air par ces ouvertures doit
être à proportion plus lent, outre qu’il faut avoir
égard à la quantité d’air qui entre par les jointures
des fabords lorfqu’ils font fermés de leurs man-
telets & par les écubiers qui font à l’avant du
vaiffeau.
On peut fe fêrvir de ces Ventilateurs en toute
fureté pour les malades & pour ceux qui dorment,
dans le temps même où la voile dont on fe fert
ordinairement pour éventër, chafferoit l’air avec
trop de précipitation, à raifon de la force du
vent.
Ils feront aufli très - utiles dans un temps de
calme, parce qu’alors la voile à éventer ne fau-
toit produire que peu d’effet ; &,lorfque-le vaiffeau
fait voile, auquel temps on ne fe fert pas de la voile
à eventer. 11 eft donc faux de conclure que ces
V entilateurs font inutiles , parce qu’une voile à
éventer portera une bien plus grande quantité d’air
qu’eux , pour peu qu’il y ait. du vent ; car ce n’eft
pas a liez cle chaffer de temps en temps le mauvais
air d’un vaiffeau par le moyen de la voile
à éventer , quand le vent & le temps font favorables
pour cela, il faut encore en renouveler l’air
tous les jours , n 1 on veut conferver l’équipage
en famé.
En effet, puifqu’i l , eft certain qu’un homme •
en Angleterre, perd en douze heures de temps
dix-neuf onces & demie de matière par l’infen-
fible tranfpiration, cette grande quantité de vapeurs
, jointe aux exhalaisons qui s’élèvent continuellement
de l’eau qui féjourne au fond de cale
& que les pompes n’ont pu enlever, & à l’air
échauffé, corrompu & mal-fain qui eft enfermé
dans le fond de cale , doit faire fouhaiter de voir
renouveler prefque continuellement un air auffi I
pernicieux, foit avec la voile à éventer > lorfque 1
cela fe peut commodément ; foit avec les Ventila-
teurs, qui font faits pour fuppîëer aux défauts de
cette voile.
Ce ne peut être que faute de connaître la pro-
digieufe quantité de vapeurs échauffées & nuifi-
bl'es qui s’élèvent continuellement d’un grand nombre
de perfonnes renfermées dans un petit endroit,
que quelques perfonnes fe font imaginé qu’il fuffi-
foit, pour l’entretien de la fanté de l’équipr g e , de
renouveler de temps en temps cet air échauffé.
Comme ces vapeurs dangereufes font trop fub-
tiles pour être aperçues, il eft difficile de perfuader
à tout le monde, qu’un aie qui èn eft chargé eft
mal-fain, quoiqu’on en foit fuffifamment averti
par fa mauyaile odeur, qui à la vérité devient beaucoup
moins fenfible par l’habitude.
- On peut placer un on plufieurs Ventilateurs de
différentes grandeurs dans un navire, à proportion
de la cargaison ; & dans les vaiffeaux qui fervent
d’infirmerie, où l’on ferme les fabords d’une Ample
toile qui laiffe un libre paffage à l’air , on
pourra, en attirant le mauvais air par le moyen
des Ventilateurs , en fubftituer fans ceffe de nouveau
, fans qu’on s’en aperçoive.
Ces Ventilateurs feront fur-tout fort utiles dans
les vaiffeaux neufs, qu’on a obfervé être les plus
maî-fains, à raifon de la grande quantité d’exba-
laifons provenant de la fève du bois neuf, exha-
Iaifons qui rendent un air renfermé plus à craindre.
I's feront auffi un fur préfervatif pour les chevaux
qu’on tranfporte dans les navires, qui font
quelquefois fuffoqués lorlqué, dans une tempête ,
on eft obligé de fermer les écoutilles..
On pourra auffi chaffer par leur moyen , du
fond de cale, les dangereufes vapeurs qui s’élèvent
du blé ; vapeurs fi fort à craindre y que quelquefois
on n’ofe fe hafarder à defeendre fous le
franc-tillac, qu’après avoir tenu les écoutilles ouvertes
pendant quelque temps.
Ce renouvellement de l’air fera encore utile,
non-feulement pour la confervatidn de plufieurs
fortes de marchandifes,, mais encore pour celle du
bols de charpente & des, vaigres du fond de cale
même, foit que ce bois y foit en magafin ou mis
en oeuvre ; d’ailleurs , il rendra l’air du fond de
•cale moins nuifible, quoiqu’il ait toujours une
mauvaife odeur provenante de l’eau qui y féjourne,
& que les pompes ne fauroient enlever entièrement..
Le moyen de corriger en partie cette mauvaife
odeur de l’eau, eft d’y jeter fouvent de nouvelle
eau de la mer y . & de la franchir enfuite avec les
pompes : eette méthode,eft bonne r & doit être
mife en pratique nonobftant l’ufagé des Ventila- |
teurs.
Quant à la principale objection qu’on a faite
contre ces Ventilât eut s , qui roule fur la peine &
la difficulté de les mettre en mouvement, on fient
affez, combien elle eft frivole & mal-fondée j.lcrf- -
qu’on examine bien ce dont il s’agit. En effet,
comme ils font principalement néceffaires aux endroits
où il y a un grand nombre d’hommes, le
travail en ce cas, fe trouvant partagé également
entre tous , devient par-là peu confidérable ; car fi
deux hommes peuvent les faire’ aller pendant un
quart d’heure , quatre hommes, en fe relevant,
pourront bien continuer ce travail pendant une
heure.
Suppofons donc qu’ il y ait cinq cents ou quatre
cent quatre-vingts hommes dans un vaiffeau, &
que chacun prenne fa part du travail, il fe trouvera
que le tour de chacun n’arrivera que de cinq
en cinq jours , pour travailler une demi-heure ; &
fuppofons que , dans un vaiffeau deftiné au tranf-
port des efclaves de Guinée, il y ait deux cents
hommes, ce qui eft à peu près le nombre ordinaire :
dans ce cas, chacun d’eux fera obligé de travailler
une demi-heure tous les deux jours ; mais comme,
dans un pareil vaiffeau , les Ventilateurs feront plus
petits que ceux décrits ci-devant, le travail en
fera auffi d’autant moins pénible.
Ce que je viens de dire , fuppofe qu’il faille renouveler
l’air fans difeontinuer, nuit & jour; ce
qui ne sera pas néceffaire dans les vaiffeaux de
guerre , quand on pourra tenir les sabords ouverts
& qu’il fera du vent ; de manière qu’en fuppofant
que.cela arrive pendant la moitié du temps que
l’équipage fera à bord , alors chaque homme n’aura
que demi-heure de travail de dix en dix jours.
Ce calcul eft fait en fuppofant que tous ceux
de l’équipage travailleront également aux Ventilateurs
; mais ôtons-en un cinquième pour les officiers
, les infirmes, &c. dans ce cas chacun des
autres aura une demi-heure de travail une fois en
huit jours. Suppofé même qu’il fallût les faire aller
fans difeontinuer , un travail de demi-heure tous
les cinq jours, feroit-il affez grand & affez difficile
pour rendre l’ufage de cet inftrument impraticable ?
L’avantage de.fauver tous les ans la vie à des
milliers d’hommes, n’eft-il pas affez confidérable
pour récompenfer d’un auffi petit travail ? Seroit-il
dit de nos braves & vaiiians soldats de marine ,
que plutôt que de travailler une demi-heure une
fois tous les dix •jours , ils aimeroient mieux refter ,
oififs & les bras croifés, au rifque de voir éteindre
en eux ce courage mâle & intrépide, en refta'nt
dans un air renfermé- & corrompu ; poifon qui a
coûté la vie à des millions d’hommes des plus
robuftes, & qui aîtyftqne plus facilement qu’on ne.
penfe, le principe de la vie.
Bien des perfonnes croiront qu’il eft tout-à-faii
inutile d’employer beaucoup de raifons pour déterminer
les hommes à fe fervir d’un moyen auffi
facile & auffi fûr de conferver leurs propres vies
& celles de leurs compagnons. Mais je ne fais
que trop , qu’il eft .des efprits bornés qui ne fan-
roient fe départir de l’ufage ordinaire , quelque
mauvais qu’il foit , & qui ne manquent jamais
d’envifager par le mauvais côté ce qu’on leur pro-
pofe de nouveau, quelque bon qu’il puifie être
fans faire aucune réflexion fur les avantages qui
peuvent en réfulter. Il me fouvient que c’eft ce
qui eft arrivé à l’égard d’une invention fort utile
pour gouverner le timon avec beaucoup d’aifance
& de facilité, par le moyen d’ une roue piacée
fur le pont.
Je ne doute pourtant pas ; quelque difficulté
que j’éprouve d’abord à l’égard du Ventilateur dont
je propofe l’ufage, que l’utilité importante dé'cet
inftrument pour la confervation de la fanté & de
la vie des hommes , ne leur attire dans la fuite une
eftime générale, & ne les faffe mettre en pratique
pour l’avantage du genre humain; car je ne fau-
jois me perfuader qu’il fe trouve des hommes qui
préfèrent de tomber malades & de périr par les
impreffions d’un air corrompu , dont une vieille
expérience ne leur a que trop fait connoître les
mauvais effets, tandis qu'ils auront en main des
moyens furs & fondés en raifon, pour fe garantir
d’un pareil accident.
On ne fauroit douter que tout ce qui eft dans un
vaiffeau ne doive périr, fi les gens de l’équipage
ne fe donnoient la peine de faire jouer les pompes
lorfque cela eft néceffaire. Le motif de leur propre
confervadon ne fera-t-il donc pas affez fort
pour les engager à travailler gaiement aux V e n tilateurs
, qui peuvent non-feulement procurer à tous
fayantsge d’une meilleure fanté, mais qui, grâces
au ciel, font encore un moyen de conferver la vie
à plufieurs ? D ’ailleurs, qu’il me foit permis d’ob-
ferver ici que l’exercice lui-même contribue à la
fanté, & eft un préfervatif contre le fcôrbut,
maladie commune parmi les gens de mer.
Si la voile à éventer étoit fuffifante pour corriger
la mauvaife qualité de l’air, pourquoi donc
fouffre-t-on que, dans les vaiffeaux de tranfport,
& fur-tout dans ceux qui font la traite des efclaves
de G u in é e l’air y foit infecté au point de foulever
l’eftomaC & de n’être pas fupportable ?
Dans les vaiffeaux de guerre meme , l’air y eft
très - mal,-fain , fur-tout lorfque les fabords font
fermés. Là méthode que je propofe ic i , me paroît
[ très-propre à prévenir, du moins pour la plus
grande partie, ces inconyéniens, en introduifant