
quatre pies & demi de longueur , & dont les pas 1
quarrés étoient profonds de quatre lignes & demie
, & larges de près de demi-pouce.
Son feul fecret n’eft que d’oppofer à la réfiftance
de la dureté du fer ou de l’acier , une puiiTance
proportionnée, & ce par la folidité du tour &
de fon fupport.
La conftruâion de fon bec-d’âne ne lui fert
pas auffi de peu ; n’ayant qu’une ligne & demie
de large fur environ cinq de hauteur , & n’étant
taillé que fur l'angle de quarante-cinq degrés. Il
choifit pour cela l'acier le plus fin d’Allemagne,
qu’il trempe fortement ne le recuifant que fur
le jaune.
Il ne l’éguife que fur la meule, mais vivement ;
& le tenant très-ferme fur le fupport, il l’incline
en telle façon fur la pièce qu'il ne prend
qu’autant de parties de fer qu’il eft capable
d’emporter félon la force qui lui réfifle.
Mais outre la folidité de fon tour & de fon
fupport , la trempe & la forme de fon outil , il
proportionne la longueur de fa pédale à la gro-f-
ieur de la pièce qu il tourne ; la tenant longue
ïi elle eft épaiffe , & plus courte fi elle eft menue
, il la pouffe vivement, & non biufquement,
ni précipitamment ; & à chaque trois coups de
pédale, il mouille fon outil dans de l’eau fraîche
, afin qu’en s’échauffant il ne fe détrempe.
La manière de tourner l’acier & le fer du
Leur Taiilemars demande une fermeté de poignet
très-grande 6i une adreffe toute particulière , pour
tourner & polir avec trois feuls outils, le bec-
dane droit , le rond & le grain-d’orge , toute
forte d’ouvrages de fer avec vis & moulure , fans
fe fervir de limes, d’émeril & de la potée.
Pour donc bien réuftir , il faut premièrement
que le tour dont vous vous fervez foit très-fort
en toutes fes parties , affermi par des buttes contre
le mur & le plancher, les poupéts courtes , &
le fupport d’une pièce de bois mis de bout &
arrêté par une forte bride de fer avec une clef au
coin au plus près de l’ouvrage. Il faut auffi que
le dos du fupport ne (bit fi haut de deux à trois
lignes que le cenrre de l’ouvrage, & qu’il foit taillé
en relais par-devant, pour y adoffer l’outil à crochet.
On aura plufieurs de ces fortes d’outils de di-
verfes manières; favoir, en face droite , rende
& pointue , ou en grain-d’orge.
Le tour & les outils étant apprêtés de la forte,
il faut enfuite déterminer la groffenr & longueur
de votre arbre ou autre pièce , félon l’exigence
des ouvrages que vous avez deffein d’entreprendre,
6c en faire un modèle en bois un peu plus
gros d’une ou deux lignes' qu’il ne doit être.
Après quoi faites - en forger un femblable par
le meilleur ouvrier que vous pourrez conno tre,
& du plus excellent fer que vous pourrez trouver
, c’eft-à-dire , qu’il ne foit pas neuf, mais
bien corroyé & bien battu au marteau, & fur-
toüt qu’il n’ait ni pailles , ni gerçures , ou fur-
échauffurés.
Je dis qu’il ait été bien corroyé ; car ordinairement
les fers neufs & qui n’ont pas été bien
battus au martinet, contiennent encore des gouttes
rondes de la fonte, & c’eft ce que les ouvriers
appellent des grains , lefquels émouffent
. la vive arête des outils quand on tourne les
font caffer & leur ôtent lé tranchant", enfin font
gliffer les outils par-deffus.
Les fers de cette ' nature font appelés par les
bons ouvriers , des fers ladres , fur lefquels ni
lime , ni outils ne fauroient mordre.
Ayant donc trouvé de bon fe r , faites - le bien
forger ; & afin qu’il devienne plus tendre, il feroit
. bon de chauffer avec du charbon de bois ; car
le charbon de pierre , outre qu'il brûle ordinairement
le fer, fi l’on n’y prend bien garde , contient
en foi un foufre qui l’aigrit, le rendant plus
dur &xaffant.
Si dans la forge on y découvre d ■:s gerçures,
il faut les faire couvrir avec un peu de terre
graffe , & ayant fait donner au fer une chaude
filante, il faut le bien fouder à petits coups de
marteau au commencement, & frappant enfuite
fortement quand il fera foudé.
L’arbre étant forgé & foudé conformément au
modèle, il faut lui faire donner un recuit, c’eft-
à-dire , le faire rougir doucement couleur de ce-
rife , & le laiffer ainü refroidir fur les charbons
mêmes jufqu’à ce qu’ils s’éteignent & que le fer
foit refroidi.
Il y a des ouvriers qui, pour recuire & attendrir
le fer , le couvrent d'argile ou de terre graffe,
comme quand on trempe en paquet, & qui le
laiffent refroidir dans la terre.
Quand on aura fait recuire l’arbre ou la pièce
de fer , on le difpofera à être mis fur le tour,
en cherchant d’abord les centres des deux extrémités
avec un compas, & les ayant trouvés, on
donnera un grand coup de pointeau par-deffus.
Puis avec un foret, on les approfondira environ
de deux lignes , afin qu’ils n’échappent des pointes
, lefqueiles doivent être courtes , bien acérées
& bien trempées ; la bafe doit être au moins
d’un pouce de diamètre , & la longueur ti’au-
tant.
La tige quarrée traverfant la poupée, & arretée
au bout par..un écrou , l’arbre étant pofé fur
les deux pointes, on gliffera doucement la main
* par
par-deffus , & on la fera tourner pour voir s’il eft
bien pofé dans fes centres ; & fi en tournant il
fautilie ou fait ventre , ayant bien remarqué
l’endroit , on approchera le centre en l'élargif-
fant avec les pointeaux du côté qu’il fait ventre ,
fi l’on n’aime mieux limer ce côté jufqu’à ce
qu’il foit rond ; ou bien fans chercher toutes ces
façons, on pourra emporter les inégalités avec le
crochet en tournant.
Mais avant que de le tourner, il y faut ajufter
une poulie de bois de cinq à fix pouces de diamètre
& d’environ un pouce d'épaiffeur» Vous
l’arrêterez bien par des coins au milieu de l’arbre,
prenant fur-tout bien garde de la poferà angles
droits avec l’arbre, de peur qu’en tournant elle
ne laiffe échapper la corde de fa couliffe.
Enfuite ayant fait paffer la corde de la grande
roue par-deffus, en la faifant croifer à la manière
de celles des couteliers, vous arrêterez bien votre
arbre ou pièce fur les poupées en pouffant les
clavettes à bons coups de maillet, de peur de
quelqu’ébr anlement.
Cela fait , vous mettrez quelques gouttes
d’huile aux deux extrémités de votre arbre, qui
fera pour lors prêt à être tourné; 6c parce qu’en
tournant, l'huile vient à fécher p .r la chaleur du
fer, il eft néceffaire d’en remettre de tems en tems
de nouveau , de peur que les pointes du tour ne
fe gâtent, & qu’ainfi les centres du mandrin ne
.Varient.
Votre arbre ajufté fur le tour & tout prêt à
être tourné , vous ferez tourner la grande roue
par deux hommes, s’il eft néceffaire , & appuyant
le dos d'un crochet à face droite fur la rainure
ou relais du fupport , vous préfenterez un des
coins du crochet ( que vous aurez premièremem
trempé dans l’eau) un peu au-deffus xlu centre
de l’ouvrage , mais à petit fer , c’eft-à-dire un
peu doucement & par ce moyen vous emporterez
les inégalités de votre arbre.
Prenant enfuite un autre crochet à nez rond,
vous êbaucheréz plus facilement votre ouvrage ;
& quand vos outils auront un peu travaillé , &
qu’ils commenceront à s’échauffer, vous les plongerez
dans un vaiffeau plein d’eau que vous
tiendrez toujours auprès de vous , pour qu’il
vous foit plus commode.
Vous reprendrez enfuite un autre crochet
mouillé de la même, manière , & quand votre
ouvrage fera ébauché & particulièrement arrondi
avec le crochet à nez rond , vous en prendrez
lin à face droite, avec lequel, de toute l’étendue
de fon taillant, vous emporterez les traits que
le crochet rond y avoit laiffés, & ainfi vous planerez
bien votre ouvrage fur lequel vous pourrez
faire les moulures que vous fnuhaîterez avec le
Arts 6» Métiers. Tome VIII.
graîn-d’orge, puis vous le polirez avec l’émeril
bien pilé & mis avec l’huile entre deux bâtons,
comme on l’a expliqué ci-deffus.
Votre arbre ou mandrin étant bien arrondi &
afforti de toutès fes moulures, fi vous voulez le
percer en canon , vous ôterez une des poupées
à pointes , pour fubftituer en fa place une pou-,
pée à lunette brifée dans laquelle vous poferez
le collet de votre arbre. Mais il faut l’ajufter de
manière qu’il ne vacille point du tout,
L’arbre ou mandrin établi , vous prendrez de
petits forets à nez quarré , & à double bizeau
comme ceux dont fe fervent les ferruriers pour
forer une clef, & commençant par un petit, en-
fuite par un plus gros -, vous le percerez de la
grandeur & de la profondeur que vous jugerez
vous être néceffaire.
Il faut avoir grand foin de tenir les forets bien
appuyés & bien fermes fur le fuppofr, autrement
on eft en danger que l’ouverture ne fé jette plus
d’un côté que de l’autre.
Il faut auffi avoir foin de retirer de temps en
temps le foret, foit pour faire fortir la limaille ,
foit même pour l’huiler , afin qu’il coupe plus
aifèment, &. qu’il ne fe détrempe en s’échaufr
fant.
Et parce qu’il eft difficile de percer bien concentriquement
avec les forets , vous rtébfierez
l’ouverture en cette manère. Il faut prendre un
outil quarré, beaucoup moins épais eue louver-
; ture de l’arbre n’eft grande , tranchant fur la
| longueur de l’un d ses bords , bi^n acéré ,
bien trempé, & vidé en fon milieu tant foit peu
en canal.
Cet outil eft proprement femblable à une gouge
qui ne c< uperoit que d’un côté de ù Cannelure
dans fa longueur. Il n’eft point d’t uûl qui le
vaille. Il fait à peu près le même effet que res
grands forets dont on fe fert pour nettoyer- les
canons de fonte.
Vous garnirez pour cet effet cet outil d’un
manche un peu long, pour que , le tenant entre
l’aiffelle & le bras, vous le cond ifiez des deux
mains ave.c plus de fermeté & d’aTir: nc?\ De
cette manière vous emporteréz toute l’irrégularité
qui fe trouvera dans la dire&ion de cette ouverture.
Il ne refte plus pour l’entière perfe&ion de votre
arbre ou mandrin que d’y tailler les ‘ pas de vis ;
ce qu’on peut faire en divers endroits & en différentes
manières; mais les uns les-taillent vers
la queue , & les autres vers le collet. En quelque
part qu’on les difpofe , il eft toujours néceffaire
J de bien, arrondir au tour la partie.