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fe boffua en plufieins endroits fans que le vernis
en fût endommagé. Ayant effayé avec un marteau
d’en redreffer les courbures fur une enclume
de fer, il rendit la plaque aufîi unie qu’elle l’étoit
auparavant, & cela fans que le vernis, qui étoit
deflus, s’écaillât ni fouffrît aucune altération des
coups de marteau.
Ceux qui voudront procéder , conformément à
la méthode ci-deffus , ne doivent pas ignorer qu’avant
de donner la première couche de vernis,
ils doivent bien nettoyer le métal, l’unir avec
la pierre-ponce , & fur-tout faire, en forte qu’il
foit bien lec; qu’après avoir fait fécher au foleil,
ou à un feu modéré, cette première couverte,il
faut donner la fécondé à chaud, & qu’on peut
noircir ce vernis à la fumée d’un flambeau de réline,
dont la chaleur aide à applanir & à égaliser
le vernis.
C ’eft d’après ces premières expériences qu’il s’eft
établi en .Angleterre & en France des manufactures
de divers uftenfiies faits avec du métal
verni.
La meilleure compolition de vernis qu’on y a
employée jufqu’à préfent, eft celle dont nous allons
donner le détail.
Ce vernis, qu’on nomme communément vernis
diaboliques à caufe de fan beau noir, fe commence
d’abord avec du vernis à l’huile de lin , qu’on
fait en mettant dans un pot de terre verniflee ,
une livre d’huile de lin 3 un gros d’afphalte, une
once de litharge d’argent, demi once de minium,
autant de vitriol blanc , & autant de vitriol calciné,
le tout réduit en poudre très-fine.
Il faut obferver que le vafe dans lequel on
met toutes ces drogues puiffe contenir deux fois
plus de drogues que celles qu’on y met, afin que
lorfque ces matières viennent à bouillir , elles ne
fluent pas hors du pot en s’élevant par deflus :
on doit aufli avoir attention de faire cette opération
dans un lieu découvert, pour éviter la mau-
vaife odeur & la crainte du feu.
Lorfque l’huile de lin efl chaude, on y mêle
peu à peu les fufdites drogues pulvérifées ; on
fait enfuite bouillir le tout jufqu’ à ce que le vernis
monte : alors on *le retire du feu ; & après
avoir bien remué le tout avec un bâton , on
le remet fur le feu jufqu’à de qu’il monte une
fécondé fois. Dès qu’il a monté, on retire le pot
du feu, & on remue fans ceffe jufqu’à ce qu’il
paroiffe beaucoup d’écume par deflus.
Après avoir fini de remuer, on ôte l’écume ; &
dès que le vernis efi fuffifamment repofé , on le
paffe à travers un linge, & on le renferme dans
une bouteille.
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Cette première opération étant faite \ on met
une demi-livre d’ambre dans un pot de fer donc
on lutebien le couvercle, en obfervant cepen jant
d’y 1 ailler un trou dans le milieu, afin de pouvoir
y paffer un bâton pour remuer l’ambre à mefure
qu’il fond.
Ce pot étant mis fur des charbons ardens , mais
dont la flamme ne fort pas, de peur d’embrafer
les matières , on agite le bâton jufqu’à ce qu’on
fente que l’ambre foit tout fondu ; on retire alors
le pot du feu, on le laiffe repofer un moment
julqu’à ce que la grande chaleur fe foit diflipée ;
on verfe enfuite, par le trou du couvercle, environ
ü?e .Copine d’huile de lin dont nous venons de
détailler la préparation.
Ayant remis le pot fur le fîu , on l ’y laifle
environ quatre minutes, & on remue toujours
avec le bâton jufqu’à ce que le tout foit bien
amalgamé.
L’amalgame de l’huile & d e l’ambre étant fait,
on oie le pot du feu , on laifle repofer un moment
les ingrédiens qu’il contient •; après quoi
on y verfe une chopine d’huile de térébenthine ,
on remue le tout fur un feu doux, jufqu’ à ce
qu’il ait pris une confifiance un peu épaiffe.
Le pot étant encore retiré du feu, on en ôte
le couvercle , & on y verfe deux onces de la
terre d’ombre calcinée & bien broyée , ce qui
refte de l’huile de lin qu’on a préparée, & une
chopine d’efprit de térébenthine.
On remet le pot fur le feu , & on continue
de remuer avec le bâton, jufqu’à ce que toutes
ces drogues aient pris une confifiance de firop.
Lorfqu’on veut connoître fi ce vernis efi fuffifamment
cuit , on en laiffe tomber une goutte
fur du fer ou du cuivre poli ; fi en tombant la
goutte ne coule pas & fe fige comme de la cire
d’Efpagne, ou fi elle file en y mettant le doigt,
le vernis efi fait.
Pour lors on le retire du feu, on le paffe au
travers d’un gros linge fur un pot qui puiffe aller
au feu, & on le bouche bien pouf le mettre
à l’abri de la pouffiëre.-
Si en paffant ce vernis par le linge ; on trou»
voit -des morceaux d’ambre qui ne fuffent pas
encore fondus,, il faudroit les remettre dans, le
pot de fer, avec une quantité égale d’huile de
lin & de térébenthine , & les faire bouillir jufqu’à
ce qu’ils fuffent diffous.
Ce vernis étant trop épais pour être employé
tel qu’il e ft, on en prend ce qu’on veut au bout
d’une fpatule qu’on met dans un pot de terre
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verniflee, & fur lequel on verfe de l’huile de
térébenthine , jufqu’i ce qu'on l’ait rendu affti
liquide pour être employé au pinceau; pour cer
effet on le met fur un petit feu, afin que le vernis
fe liquéfie plus aifément.
Lorfqu’on veut vernir quelque vafe de cuivre
ou de fer blanc , on commence par le polir , avec
-la pierre-ponce, & on y pafle enfuite la prêle
& le tripoli. Pendant ce temps on a foin de ne
point ternir le vafe par l’attouchement des mains
ou des doigts.
La première couche de vernis étant mife, on
la laiffe fécher, & lorfqu’elle eft fèche , on fuf-
pend le vafe dans un four d’une chaleur médiocre,
afin qu’elle fe fèche tout-à^fait.
Cette première couche eft fuivie d’une fécondé*
en obfervant de donner toujours les coups de
pinceau dans le même fens.
Cette fécondé couche étant féchée à l’air, on
en niet une troifième & une quatrième qu’on fait
aufli fécher à l’air, apres quoi on met la pièce
dans un four d’ une chaleur modérée pour achever
de cuire & fécher le vernis.
On connoît qu’il eft au point qu’il le faut,
lorfqu’en preffant le vafe avec l’ongle , il n’y
fait point d’impreflion : pour lors on procède au
poliffage de la pièce, qui fe fait de la manière
fuivante.
On a un morceau de chapeau fin dont on frotte
le vafe avec de la pierre-ponce réduite en poudre
fine; on paffe par deffus de la prêle & en-
fuite du tripoli.
Lorfque ces divers ingrédiens n’ont pas donné
affez de luifant à l’ouviage , on fait détremper
de la cendre d’étain ou de la pierre pourrie avec
de l’huile d’olive ; on en frotte les vafes avec
un cuir fin, en obfervant de frotter tou jours du
même fens qu’on a appliqué les couches de vernis.
On prend enfuite de la poudre fine ou de
l’amidon, & on frotte le vafe avec la main pot r
enlever la craffe que l’huile & les fufdites poudres
y ont laiffée.
Lorfqu’on veut donner à l’ouvrage un poli plus
parfait, on ajoùte au poli qu’on a déjà donné ,
une couche de vernis , & apiès l’avoir fait fécher
au four , on la repolit de nouveau avec ,de
la pierre-ponce & de l’huile , & enfuite avec
de la poudre fine.
Quand on veut enrichir ces petits meubles
par de belles peintures & des dorures, on mêle
de l’ochre jaune à une certaine quantité du vernis
dont nous avons parlé, & on en peint tout
ce qu’on veut.
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Si après l’application de ce mordant, on voit qu’ il
happe le bout du doigt, o.n applique fon or ou
fon argent ; & aprèi en avoir enlevé les parties
inutiles au deffein qu’on veut exécuter, on mêle
au vernis de la terre d’ombre pour ombrer les figures
ou les ornemens : mais comme ces ombres
6c ces ouvrages exigent divers tons de couleur
pour être mieux rendus & parcùre plus agréables
à l’oeil, on peut non-feulement fe fervir du
godet où l’on a délayé l’ochre avec le vernis,
mais encore faire d’autres couleurs avec l’orpin
rouge , l’orpin jaune, la terre d’ombre, &c. mêler
ces differentes couleurs les unes avec les autres
, & par ce moyen rehauffer ou perfectionner
le deffein qu’on veut imiter.
Quand les couleurs font mélangées au point
qu’il le faut pour en obtenir les nuances qu’on
défite, qu’on a fini de peindre , St que tout eft
parfaitement fe c , on imbibe fon pinceau de vernis
qu’on paffe fur les peintures & fur les def-
feins où il y a de l’o r , & enfuite on les laiffe
fécher.
Les ouvragés en tôle qu’on vernit le plus communément,
après être fôrtis desrnains des ferblantiers
ou des chaudronniers, félon qu'ils appartiennent
à l’un de ces deux arts, font des fceaux
à mettre rafraîchir les liqueurs , des fceaux à
tenir dans l’eau les verres à boire ; des cabarets
garnis de toutes les pièces qui leur font néceffai-
res ; des baflins à barbe ; des garnitures de cheminée
pour y faire végéter dés- bulbes à fleurs ;
des uftenfiles de toilette-; des corbeilles de toutes
grandeurs ; des furtouts, plateaux, plats , af*
fiettes , & tous les affommens d’un fervice de table
pour' le deffert ; enfin des vafes de toutes
effèces , de quelque manière qu’on puiffe les
defirer.
Le fieur Clemeht , peintre-verniffeur à Paris ,
frappé de la beauté des ouvrages en ce genre que
les Anglois exportoient hors de chez eux , établit
en 1768 à la petite Pologne, la première ma-
nufaâure qui ait paru en Fiance dans ce goût-là.
Quelque attention qu’on eût dans cette nouvelle
fabrique à donner à tout ce qui en fortoit
un certain degré de perfeâion , l'entrepreneur ne
produifit que des ouvrages bien inférieurs à ceux
des Anglois, foit.par le fini de leur poli qui fait
que l’intérieur de leurs vafes réfléchit les objets
aufïi fidèlement que la glace la plus pure,- foiî
par la délicatefle & la beauté des peintures auxquelles
il ne paroît pas quelle ait atteint : aufli
cette entreprife échoua-t-elle bientôt.
Les ouvriers de cette manufa&ure étoient fur
le point de fe difperfer & de porter ailleurs leurs
talens , lorfque le fieur Framery , marchand bijou