
quement :,ces tonneaux font fixés folidement fur
les voitures. M. Gilbert a obtenu de l’académie
de Rouen , le rapport le plus favorable quant à
l ’invention , à l’exécution & au fuccès de fon
mécanifme. Il efl à délirer que des expériences
multipliées, en confirmant cette approbation , forcent
le public à mettre en ufage ces fortes de
pompes : avec elles point d’inîeétion , & elles
feroient difparoître les dangers auxquels font ex-
pofés les malheureux ouvriers condamnés , par
l’infortune, aux fondions rebutantes de la vui-
dange.
Obfervations fur les fojfes d’aifznce, & moyens de
prévenir les inconvéniens de leur vuidange ; par
MM. Laborie , Cadet le jeune, <S» Parmentier, membres
du. collige dé pharmacie , &c. &c. &c. avec le
rapport des commïffaires de l'académie des fcièhces,
imprimé par ordre & aux frais du gouvernement.
La vapeur méphitique qui règne dans les foffes,
fait, de leur vuidange , une opération dont les inconvéniens
ne fe bornent pas à porter dans l’at-
rmofphère , les émanations les plus funeftes à la
falubrite de l’air : la vuidange des fofles efl encore
pour les ouvriers que la misère a dévoués à cet
affreux fervice ,-îa fource d’accidens que l’humanité
ne>peut voir indifféremment. La plus déplorable
des conditions par fon abaiffement, l’eft encore
par fes dangers. Heureux le vuidahgeur quand,
dans le théâtre de fes travaux, il n’ouvre pas fon
tombeau ! témoin , entre mille, l’exemple encore
récent de trois de ces hommes q u i, l’année dernière
, périrent à la vuidange d’une fbffe à Saint-
Denis. Un procès-verbal que nous avons entre les
mains, en compte jufqu’à onze péris de même dans
une maifon de la rue Saint-Louis au marais.
Combien il étoit donc intéreffant que des recherches
trop long-temps négligées, vinffent éclairer
une opération abandonnée ayx hafards des plus
fâcheufes conféquences !
Nous avons été chargés des expériences dont il
s’agiffoit, & nous achevons de remplir notre mif-
fion, eii mettant leur réfuitat fous les yeux de
l’académie.
Nous le ferons précéder de quelques obfervar
tions que nous avons cru-néceffaire de recueillir
fur les phénomènes d’une région où la curiofité
ne porte guère les pas des phyficiens.
Des parties que difiinguent les ouvriers dans la matière
des fojfes.
Nous demandons grâce pour une nomenclature
qui doit ferYir à nous faire mieux entendre fur le
refie.
Les ouvriers difiinguent croûte, vanne,heurte'
gratin. La croûte s’entend de parties de matières
plus ou moins confiflantes, fouvent au point de
n’être entamées qu’avec une forte d’effort.
Une croûte fe rencontre affez conftamment à
la futface de la matière, & la recouvre dans toute
fon étendue.
Outre cette première croûte, les ouvriers tom-
bent encore quelquefois fur d’autres qu’ils rencontrent
dans l’épaiffeur de la matière..
Les croûtes n’ont fouvent aucune adhérence
avec ce qui efl au-deffous, & portent fur. la mofette
qui les a foulevées.
La vanne efl le nom que les ouvriers donnent
à une partie liquide que découvre la première
croûte une fois rompue, & qui fumage les matières
plus épaiffes du fond.
Quelquefois la vanne efl claire & fans couleur,'
& alors elle a très-peu d’odeur ; plus fouvent elle
efl verte, trouble & mouffeufe , & alors elle répand
l’odeur la plus infe&e ; femblable en tout point
à ces mares vertes que préfentent les voiries, en
été fur-tout.
L’heurte efl: un amas pyramidal de matières qui
répond aux poteries fous lefqüelles on le trouve.
Cet amas plus folide que le refie, fouvent ne
demande pas moins que la bêche ou la houe pour
être enlevé.
Le gratin eft, conformément à l'acception ordinaire
du terme, une matière adhérente au fond
& aux parois des fofles, de manière à faire, en
quelque forte, corps avec le moellon, & à pa*
roître comme defléché ; on remarque que ce gratin
eft plus folide & plus adhérent à proportion
que les murs font moins dans le cas, par leur
bâtiffe , de laifler tranfpirer la vanne.
De la mitte & du plomb.
C ’eft fous ces deux dénominations que les vui-
dangeurs difiinguent les accidens auxquels les
expofe la vapeur des fofles.
Ce qu’ils appellent mitte fe fait reffentir fou-
vent feul ; il n’en eft pas de même du plomb qui
ne va jamais fans la mitte, & l’accompagne toujours.
Dans la mitte, le nez commence par être
pris ; à l’enchifrenement fe joint bientôt une douleur
dans le fond de l’oe il, laquelle fe propage
dans les finus frontaux ; le globe de l’oeil & les
paùpières deviennent en même temps rouges &
enflammées ; jufques-là c’eft la mitte Ample. Mais
ils eu difiinguent une autre efpèce, qu’ils appellent
graffe, laquelle répandant fur leur vue une efpèce
de voile, les jette pour un ou deux jours dans une
cécité abfolue, accompagnée de douleurs & d’inflammation
confidérable.
Pour la mitte qui n’eft pas graffe, leur remède
eft, huit ou dix minutes de repos à l’air libre J
leur nez coule, leurs yeux pleurent, & la douleur
ainfi que la rougeur fe d.flipenr.
D’après cette observation fur l’efpèce d’évacuation
par laquelle fe termine cet accident, nous
pensâmes à un moyen de la hâter , en faifant
refpirer de Yalkali volatil fluor , à des ouvriers qui
fortoient de la foffe prb de la mitte ; c’eft le vrai
remède.
L’expérience confirmant notre, idée, nous les
vîmes foulages de la douleur , par un écoulement
plus prompt du nez & des yeux ; mais ils avoient
toujours befoin d’aller refpirer l’air, quelques minutes
avant d’être en état de reprendre le travail.
Pour la mitte graffe, ils ont la tradition d’une
méthode curative , qui confifte à fe mettre au li t ,
& à fe tenir les yeux couverts de compreffes
deau fraîche, fréquemment renouvelées.
On fe tromperoit d’imaginer pour principe de
la'mitte, une vapeur analogue à celle qui, dans
les cabinets d’aifance, prend fi vivement au nez
&aux yeux, lors de certains changemens de temps.
Les vuidangeurs que nous avons fait expliquer
là-deffus, s’accordèrent tous à nous dire que rien
de femblable ne fe fait fentir dans les foffes , &
qu’aucun piquant dans l’air qu’ils refpirent ne leur
annoncé la mitte qui va les faifir.
Le plomb, auteur des dangers que court la vie
des vuidangeurs , les affe&e de différentes manières
qu’ils comptent pour autant de fortes de plomb ;
ils en font monter le nombre à dix-fept, mais
c’eft fans avoir pu nous en donner des caraâères
fuffifamment diftin&ifs.
Le refierrement du gofier, des cris involontaires
& quelquefois modulés, ce qui fait dire aux ouvriers
que le plomb les fait ch n te r ; la toux con-
Vulfive, le rire fardonique , le délire , l’afphyixie &
la mort font les accidens par lefquels fe diverfifie
l’aftion du plomb fur les vuidangeuis.
La mort ou une afphyxie fubite , n’ eft que trop&
fouvent la première impreflion que reçoit le vuidan-
geur d-s foffes plombées; & ces mêmes accidens, ne
manquent pas de venir à la fuite des autres , fi
1 ouvrier qui en reffent les atteintes, ne va pas
promptement en chercher le remède dans la ref-
piration d’un air libre & frais.
Nous avons jeté force eau fraîche au vifage
des ouvriers qui étoient dans ce cas ; nous leur
avons fait refpirer, de l'alkali volatil, fans nous
apercevoir que ces fecours leur aient été d’aucune
utilité fenfible.
Dans les foffes où les vuidangeurs ont à fe
défendie du plomb, ils obfervent pour méthode,
de détourner la tête à chaque mouvement qu’ils
donnent à la matière; d’éviter les fortes infpira-
tions, & cela en befognant avec lenteur , &
s’abftenant abfolument de parler, ou ne le faifant,
au befoin v que redreffés , & la tête tournée du
côté de l’ouverture de la foffe.
Les vuidangeurs reconnoiffent la préfence du
plomb à une odeur que nous avons été à portée
plufieurs fois de fentir, mais qu’il ne nous
eft pas, pour cela, plus aifé de définir : il nous
a femblé feulement diftinguer une certaine fadeur
qui fe mêbit à l’odeur infeâe. Ce dont nous pou*
vons dépofer , c’eft de la qualité malfaifante de
ceite vapeur ; nous . ne l’avons point refpirée de
fois que nous n’ayons remporté une petite toux
fèche , un chatouillement fatigant du gofier, de
la gêne dans la refpiration, le nez pris , ce qui
étoit fuivi la nuit d’un fommeil interrompu &
troublé par les fonges les plus défagréables.
Ce n’eft pas feulement dans l’intérieur des
foffes que la mitte & le plomb attendent le vui-
dangeur ; fouvent il s’en trouve très-vivement
atteint, quoique travaillant encore en dehors à
l’épuifement de la' vanne.
On a vu nombre de fois à l’ouverture des foffes ÿ
le plomb exercer la plus terrible aâivité & jeter
dans l’alphyxie les hommes & les animaux qui refa
piroient à la portée de la vapeur.
Il eft des foffes où le plomb eft confiant depuis
le commencement de la vuidange jufqu’à la fin;
il en eft d’ autres où il n’eft manifefté que par fuc-
ceflion de temps & dans le progrès du travail ;
il en eft enfin où le plomb n’eft que local.
Nous avens entendu les vuidangeurs nous dire
que la floraifon des pois, des fèves inffuoit fur
la produébon du plomb , & qu’il n’étoit jamais
plus à craindre pour eux, que dans cette faifon ;
ce que nous apprenoit leur rapport, c’eft que la
température de cette faifon affeéiant l’air des folles,
redonne une nouvelle vigeur au mouvement intef-
tin d’une matière très-fermentefcible.
Nous difons matière très-fermentefcible , &
nous remarquons en paffant, qu'elle eft au point
de bouillir, fi la comparaifon eft permife, comme
la vendange, dans les tonneaux qui la tranfpor-
t.ent ; les ouvriers du ventilateur font obligés,