
Y I N.
( Art et théorie du )
ï_iES cl’.imHles, dit M. Macquer, donnent en
général le nom de vin à toutes les liqueurs qui
ont acquis du fpiritueux par la fermentation ; ainfi
le cidre, la bierre, l’hidromel vineux & autres
liqueurs de cette nature, font des vins.
Les principes & la théorie de la fermentation
Qui produit toutes ces liqueurs, font effentielle-
ment les mêmes. Nous nous occuperons principalement
dans le préfent article de ce qui concerne
le vin de raifin, auquel le nom de vin eft < ffcflé
plus univerfellcmem & d’une manière plus par i-
culière ; en ayant foin néanmoins de ne rien négliger
de ce qui eft relatif à la fermentation fpiritueufe
en général.
Toutes les matières végétales ou animales qui
ont une faveur douce, agréable, plus ou moins
fucrée, en un mot, qui font nutritives, font fuf-
ceptibies de la fermentation fpiritueufe; ainfi l’on
peut faire du vin avec tous ceux des fucs des
plantes, des fèves des arbres , des infufions ou
décodions de farines, des laits même des animaux
frugivores, qui ont ees qualités, enfin avec les
fucs de tous les fruits fuccu'ens, parvenus à leur
maturité ; mais toutes ces fubllances ne font pas
propres à fe transformer en un vin également bon
& généreux.
Le réfultat de la fermentation fpiritueufe étant
la produâion de l’efprit ardent, on doit regarder
comme le vin effennellement le meilleur, celui
qui contient le plus de cet efprit : o r , de toutes
les fubllances fufceptibles de fermentation fpiri-
tueufes, il n y en a aucune qui puiffe faire d’auffi
bon vin , dans ce ferts, que le fuc des raifins de
France , ou des autres pays qui font à-peu-près
à la même latitude, ou plutôt à la même température
; du moins ç’eft de ces derniers qu’on
tire les vinaigres & les eaux-de-vie les meilleurs &
les plus èftimés qu’il y ait dans le monde, & il
eft confiant d’ailleurs que ce font toujours les
vins les plus fpiritueux & les plus généreux qui
font les meilleurs vinaigres & les meilleures eaux-
devie. Ce fera donc le fuc des raifins de France,
parvenus à leur jufte maturité, dont la fermentation
nous fer vira d’exemple pour la fermentation
fpiritueufe en général.
Ce fuc , lorfqu’ il eft nouvellement exprimé, &
avant qu’il ait commencé à fermenter, fe nomme
moût, & en langage vulgaire vin doux; il eft
trouble, il a une faveur très-agréable & allez
confidérablement fucrée ; il eft fort laxatif, & occa*
lionne des cours de ventre & même des fuper«
purgations à ceux qui en boivent trop ou qui font
mal difpofés ; fa confiftance eft un peu moins fluide
que celle de l’eau , & il devient poiffeux en fe
léchant.
Lorfque le moût a été exprimé des raifins, &
qu’il a été placé en repos dans un vaiffeau & dans
un lieu convenable, à une température depuis dix
à douze degrés jufqu’à quinze ou fetze , ou même
plus, fuivant la qualité du moût, après un certain
temps plus ou moins longj on commence à y apercevoir
des effets fenfibtes ; la liqueur fe gonfle &
fe raréfie , enforte que fi le vaiffeau qui la contient
eft entièrement plein, elle déborde & s’extravafe
en partie. Il s’excite entre fes parties un mouvement
inteftin : ce mouvement à mefure qu’il augmente,
eft accompagné d’un petit bruit ou frémiffement,
d’un bouillonnement manifefte : on voit des bulles
s’élever à la furface ; il s’en dégage en même temps,
comme dans toutes les fermentations fpiritueufes,
une quantité-prodigieufe d’un acide volatil fous
forme d air; un fluide élaftique ou gas, qui éteint
le feu & tue les animaux : c’eft le gas méphitique,
dit air fixe. On aperçoit en même temps dans
la liqueur fermentante les parties groffières, telles
que les pépins, pelures & autres, pouffées par le
mouvement de la fermentation, & rendues plus
légères par les bulles de gas qui s’y attachent,
s’agiter en différens fers, & s’élever à la furface
où elles forment une écume ou efpèce de croûte
molle & fpongieufe qui couvre exaélement la
liqueur. Le mouvement de la fermentation continuant
toujours , cette croûte fe lève & fe fend
quelquefois pour donner paffage au gas qui fe
dégage & à des vapeurs qui s’échappent, après
quoi elle fe referme comme auparavant.
Tous ces effets continuent jufqu’à ce que la fermentation
venant à diminuer, ils ceffent peu à peu.
Alors la croûte qui n’eft plus foutenue, fe divife
en plufieurs pièces, à moins qu’elle ne foit trop
épaiffe, & fes débris tombent au fond de la liqueur,
•u fe foutîennent à fa furface, fuîvatit le rapport
de leur pefanteur fpécifique avec celle du vin qui
s’eft produit. Le gas méphitique ou air fixe qui éteint
la flamme, ceffe de fe dégager, enforte qu’une
chandelle peut brûler dans la partie fupérieure de
la cuve.
C’eft-là le temps qu’il faut faifir, lorfqu’on veut
avoir un vin généreux & riche en efprit, pour
favorifer la ceffation de la fermentation fenfible ;
on y parvient en enfermant le vin dans les vaiffeaux
qu’on tient bien pleins, qu’on bouche, & qu’on
tranfporte dans une cave ou autre lieu plus frais
que celui où s’eft faite la fermentation.
La nature, après cette première opération, tend
d’elle-même à un point de repos quelle indique
par la ceffation des effets fenfibles de la fermentation
fpiritueufe, & femble inviter les hommes
à profiter de ce temps pour conlerver une liqueur
auffi agréable par fa faveur, qu’utile par fa qualité
; fortifiante & nutritive, quand elle eft prife iobre-
ment & en petite quantité.
Si l’on examine les qualités du vin qui a fubi
[ le premier mouvement de la fermentation que nous
venons de décrire, on trouvera qu’il diffère tota-
! lement & èffentiellement du fuc des raifins non
[ fermentés ; il n’a plus la même faveur douce &
fucrée : celle qu’il a eft , à la vérité, encore trè$-
agréable, mais elle eft d’un genre tout différent,
j elle a quelque chofe de très-relevé & même de
piquant. Au lieu de produire un effet laxatif comme
[ le moût, le vin porte au contraire à la tête, quand j il eft pris en une certaine quantité , & occafionne,
[ comme tout le mondé fait, l’état qu’on nomme
ivreffe. Enfin, fi on le foumet à la diftillation, au
I lieu de n’en retirer au degré de chaleur qui n’excède
| point celui de l’eau bouillante, qu’une eau infipide
[ que fournit le moût; on en obtient au contraire,
j la liqueur volatile, fpiritueufe & inflammable, que
l’on nomme efprit de vin ou efprit ardent. Cet efprit
I eft par conféquent un nouvel être : c’eft le produit
\ de la fermentation que nous venons de décrire,
& qui porte le nom de fermentation fpiritueufe.
Comme d’une part les liqueurs fufceptibles de
mécanifme la nature opère-t-elle cette métamor-
phofe? Quelle eft au jufte l’efpèce d’atténuation
qu’elle fait fubir à cette partie huileufe ? Dans quelle
proportion, & de quelle manière la combine-t-elle,
elle, ou feulement fon principe inflammable, avec
le principe aqueux pour en compofer l’efprit ardent ?
Ce font-là ae ces myftères de la nature qui nous
font encore entièrement inconnus, & qui paroiffent
bien difficiles à pénétrer; nous n’en fommes pour
le préfent qu’à obferver fa marche le plus exaélement
[ fermentation fpiritueufe contiennent principalement
I une huile douce rendue parfaitement mifcible avec
I l’eau par l’intermède d’un acide, & que, d’une
I autre part, la liqueur réfultante de la fermentation
I fpiritueufe eft inflammable, & néanmoins mifcible
I avec l’eau, compofée par conféquent d’un prin-
I cipe aqueux & d’un principe inflammable, on
I conçoit facilement en général, que le travail de la
I nature pendant la fermentation fpiritueufe, confifte
I principalement à atténuer, à divifer, à volatilifer
I la partie huileufe des matières fermentefcibles, &
I a la combiner d’une manière intime & toute par-
K ticulière avec le principe aqueux. Mais par quel |
qu’il eft poffible : nous nous abftiendrons
donc de toute fpéculation ultérieure fur la pro-
duélion de l’efprit ardent, pour achever l’hiftoire
de la fermentation fpiritueufe.
Il paroît certain que, lorfqu’une liqueur quelconque
éprouve la fermentation fpiritueufe, toutes
fes parties ne fermentent pas à la fois & en même
temps, autrement la fermentation feroit achevée
en un iuftant, & les phénomènes dont elle eft
j accompagnée feroient infiniment plus fenfibles &
plus marqués : il fuit de-là que dans une liqueur
bien difpofée à la fermentation , ce mouvement
eft beaucoup plus prompt & plus fimulrané que
dans une autre qui y eft moins difpofée; l’expérience
a appris d’ailleurs que les vins, fur-tout quand la
maturité des raifins n’a pas été parfaite, dont
' la fermentation eft trop lente & traîne en longueur
, ne font jamais bons & manquent de fpiritueux
: auffi les vignerons font-ils dans l’ ufage dans
ce cas, & lorfque la ïaifon eft trop froide, de
chauffer un peu l’endroit où l’on fait le vin.
M. Maupin, citoyen zélé qui s’eft beaucoup
occupé des moyens de faire le v in , & qui a pu-
1 blié depuis quelques années les obfervations & expériences
qu’il a faites fur cet objet, a propofé des
expédiens pour améliorer les vins, & en particulier
pour augmenter la qjualité & diminuer la verdeur de
ceux des années trbp froides ou trop pluvieufes,
dans lefquelles le raifin ne parvient pas à une bonne
maturité. Comme cet objet eft de la plus grande
importance, j’entrerai fur cela dans quelques détails.
Les moyens de M. Maupin fe réduifent en général
, foit à concentrer le moût par l’évaporation ,
parce qu’il eft ordinairement trop aqueux quand
le raifin pèche par défaut de maturité , foit à lui
procurer une fermentation plus prompte, plus vigou-
reufe & plus complète, en faifant chauffer dans des
chaudières une partie du moût, enintroduifant ce
moût bouillant au fond des cuves avec un entonnoir
à long tuyau ,en enveloppant la cuve dans des couvertures
, & en entretenant par des fourneaux ou
poêles un allez grand degré de chaleurdans le lieu où
fe fait la fermentation ; & l’expérience lui a prouvé
qu’il bonifioit fenfiblement ces fortes de vins par ces
manipulations. Quoiqu’elles ne fuffent point inconnues
, quoiqu’elles fuffent mêmes pratiquées la
plupart dans les mêmes circonftances par des vigne*