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<>'•0 CllANfiEMENTS DANS I.'hABITATIOX DES ESPÈCES.
est de savoir si les espèces qui ne vivent absolumeiil que diuis des terrains
cultivés, ou parmi des décombres, sur des ruines, près des habitations, ou
sur des fumiers ; en un mot, dans des stations déterminées par l'homme,
doivent être considérées comme naturalisées dans le pays dont on s'occupe.
J'ai beaucoup hésité sur cette question, mais je suis enfin parvenu à une
idée claire et simple qui lève tous mes doutes. Les stations artificielles sont
ou passagères, ou durables: les unes doivent être renouvelées et entretenues
continuellement par l'honune, ce sont les champs, les jardins, etc. ;
les autres peuvent durer plus qu'une génération et même plus que
l'espèce humaine dans un jjays, ce sont les murs, les ruines, les décombres,
les terrains imprégnés d'azote par les déjections des animaux. Si une
plante habite dans une station passagère ; si elle croît, par exemple, dans
les champs, sans se répandre dans les sables ou terrains légers du pays, elle
n'est véritablement qu'une plante cultivée, que l'homme entretient, sans le
vouloir, d'année en année. Si, au contraire, une espèce existe dans les
stations durables, elle a autant de chances d'exister dans un millier d'années
que les espèces aborigènes du pays. On pourrait même citer des
régions où les marais et les forêts ont moins de probabilité de durée que les
murailles et les décombres résultant d'un long séjour de l'espèce humaine.
Dans ce cas, les plantes introduites sur les murailles et dans les décombres
valent bien les espèces les plus ancrées dans le pays.
Il ne faudrait cependant pas conclure, inversement, qu'une espèce des
terrains cultivés soit ipso facto une espèce d'origine étrangère. Elle
pourrait avoir existé jadis, comme plante spontanée, dans des terrains
légers, au bord des rivières, par exemple, avant l'époque où ces mêmes terrains
ont été envahis par la culture. De même, les plantes des décombres et
des terrains azotés ont pu exister dans un pays avant l'arrivée de l'espèce
humaine, les unes sur des rocailles, les autres à côté des cavernes hantées
par des animaux carnassiers, ou dans les vastes prairies sur lesquelles
l)aissaient d'immenses troupeaux de ruminants.
Je ne dis rien des espèces attribuées à certains sols très exceptionnels,
comme les scories rejetées des usines, les emplacements où l'on a fait (hi
charbon, etc., car il faudrait prouver que des espèces vivent uniquement
sur ces stations, et il est permis d'en douter. Un cas plus énigmatique
encore est celui de cryptogames qui viennent sur des produits chimiques
ou industriels d'une certaine nature, et qui ne sont pas connues ailleurs.
Ainsi, les fromages ont des espèces cryptogamiques, et chaque fromage
paraît avoir les siennes. Qu'arriverait-il si l'on cessait d'en fabriquer? Et
où se trouvaient ces espèces avant qu'on eût créé leur station? La réponse
est difficile; niais si l'on n'est pas disposé à croire aux générations sponta-
EXTENSIOiN DES i.lMITES ET NATURALISATIONS. 611
nées ni à des créations spéciales et surnaturelles pour chaque produit que
l'industrie humaine peut inventer, on supposera plutôt que ces espèces à
stations bizarres existent ailleurs, et que leurs formes se sont modifiées par
une station toute nouvelle. Pour les phanérogames, dans lesquelles nous connaissons
mieux les variations des espèces, les questions de ce genre n'existent
pas; il est vrai qu'elles aifectent moins des stations particulières ou
extraordinaires. C'est un motif pour borner à cette classe nos considéralions
géographiques, et je reviens ainsi aux phanérogames naturalisées.
Une dernière réflexion se présente avant d'aborder les détails : c'est que,
sous un certain point de vue géologique, les espèces regardées aujourd'hui
comme aborigènes dans un pays, sont peut-être venues jadis d'un autre
pays et s'y sont naturalisées, il est possible que toutes les espèces d'une île,
même d'une région continentale, aient été primitivement introduites. Des
faits de ce genre ont pu arriver avant ou depuis l'existence de l'homme.
Ils se passent sous nos yeux, quand une île madréporique surgit du sein
(les mers. La distinction entre les espèces naturalisées et les autres espèces
peut donc paraître subtile. Ce serait, pour la plupart des pays, ou pour
beaucoup d'entre eux du moins, une question de temps, c'est-à-dire que
les espèces auraient été d'abord naturalisées, puis considérées par nous
comme originelles. J'en conviens ; mais cette objection ne fait que redoubler
mon zèle pour constater les phénomènes de naturalisation. Je voudrais
trouver des caractères pour distinguer les plantes cuUivées, adventives,
récemment naturalisées, puis anciennement naturalisées, et enfin
primitives ou aborigènes, car il y a sans doute ces cinq catégories dans
la plupart des pays. Je crains fort que tout ce qui tient à l'origine première
des espèces ne soit longtemps ou à jamais ignoré, à cause de la
complication des événements géologiques ; mais si l'étude des phénomènes
actuels peut projeter un rayon lumineux dans ces ténèbres éloignées, ce
sera un résultat satisfaisant, eu égard à la faiblesse de nos moyens d'investigation.
Ouant à la distinction, plus accessible et plus pratique, des
espèces adventives et des espèces naturalisées depuis les temps historiques,
j'en ferai l'objet spécial de mes recherches dans les articles III, IV et Vdu
chapitre actuel.
S i l l . DES DEUX ESPÈCES DE NATURALISATIONS A PETITE ET A GKA«DE
DISTANCE.
Lorsqu'une espèce s'introduit dans un pays et y prend tous les caractères
d'une plante naturalisée, il se peut qu'elle vienne directement,
ou par l'intermédiaire des jardins, tantôt de quelque pays rapproché,
tantôt d'un pays éloigné. Ces termes eux-mêmes sont seulement relatifs. Ils