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ORIGINE PROBABLE DES ESPECES SPONTANEES ACTUELLES,
La creation ou premiere formation des êtres organisés échappe^ par sa
nature el par son ancienneté, à nos moyens crobservation. C'est donc en
s'adressant à un autre ordre d'idées, ou en imaginant de pures hypothèses,
qu'un naturaliste peut aborder ce grand problème. Il reconnaîtra bientôt
alors les deux ophiions qui ont été admises ou énoncées depuis que l'homme
réfléchit.
Dans Tune de ces opinions, le premier ou les premiers êtres organisés
sont sortis de la matière inorganique par quelque loi physique à nous
inconnue; dans l'autre, ils ont été créés ou du néant, ou de la matière
inorganique préexistante, par une cause supérieure étrangère à la matière.
Chacune de ces opinions admet quelque chose que nous ne pouvons ni
voir, ni toucher, ni même comprendre. Dans l'un des systèmes, c'est la
force, la cause qui donne à des molécules soumises aux lois de la physique
et de la chimie seulement, des propriétés toutes nouvelles; dans Tautré,
c'est une cause plus élevée, plus générale dont l'essence est au-dessus de
la sphère de notre intelligence.
Dans la première opinion, la matière serait douée d'une faculté spéciale,
la génération, qui transformerait les corps inorganiques en corps organisés.
Ce serait une force, dont nous verrions les effets, sans en comprendre la
nature intime, comme dans le cas de raffinité ou de l'attraction; mais il y
a une différence qui rend l'hypothèse de la génération spontanée suspecte.
Cette difl'érence est que l'affinité, l'attraction, agissent continuellement sous
nos yeux, tandis que la force créatrice des êtres organisés n'a agi que dans
certains moments. Le développement successif des êtres organisés,"en vertu
de leur organisation, en est quelque chose de très différent, et les expériences
dans lesquelles on a cru voir de la matière inorganique se changer
en matière organisée, se sont toujours évanouies devant des moyens plus
puissants ou plus précis d'observation. Elles deviennent plus douteuses
encore aujourd'hui que l'on a montré la présence de corps organisés infiniment
petits, et par conséquent de germes dans des milieux où autrefois
on ne les soupçonnait en aucune manière.
Quelques naturalistes croient échapper à ces questions de création en
supposant que les êtres organisés se sont développés les uns des autres,
au travers de périodes géologiques très longues^et d'influences variées. Ce
genre d'hypothèse ne dispense pas d'une autre hypothèse sur l'origine
primitive, en dehors du cours naturel des phénomènes. Lamarck faisait
remonter toutes les espèces à une monade, mais entre cette monade, douée
d'une pareille faculté de développement et un corps inorganique^ il y a une
'différence immense. Plus on suppose à la monade une faculté exagérée de
modifications, plus la différence intrinsèque est grande. J'ajouterai qu'entre
ORIGINE ET REPARTITION PREMIERE DES ESPECES.
une monade ayant la vie végétative et une monade ayant, à un degré aussi
faible qu'on voudra, la faculté de sensation et la spontanéité qui cai^actérisent
les animaux, il y a aussi une différence théorique immense, car le
degré de perception ou de sensation et le degré de spontanéité sont peu
de chose, en comparaison du fait d'avoir ou de ne pas avoir des qualités
pareilles (a). D'ailleurs, l'opinion de Lamarck est aujourd'hui abandonnée
par tous les naturalistes qui ont étudié sagement les modifications possibles
des êtres organisés. Elle reviendrait, si on voulait la soutenirj à une
hypothèse, fondée aussi sur une cause surnaturelle, savoir que des espèces
pourraient se transformer, au delà de ce que nous voyons, en des espèces
totalement différentes, les espèces d'un genre en espèces d'un autre genre,
celles d'une classe en espèces d'autres classes. Ainsi en voulant diminuer
les faits attribués à une cause extra-naturelle, ils reviennent par milliers.
Et si l'on s'écarte des exagérations de Lamarck, si l'on suppose un premier
type de chaque genre, de chaque famille tout au moins, on se trouve encore
à l'égard de l'origine de ces types en présence de la grande question de la
création.
De toute manière, le naturaliste doit admettre que le mode de formation
des premiers êtres organisés est un phénomène qui écliappe aux moyens
d'investigation dont il dispose. Chaque opinion part d'une action extranaturelle,
c'est-à-dire d'une action dont le principe et la manière de faire
ne tombent pas dans le domaine de l'observation. Le seul parti à prendre
est donc d'envisager les êtres organisés comme existant depuis certaines
époques, avec leurs qualités particulières. Il nous faut raisonner sur les
rapports des êtres organisés, sur leur histoire et sur leurs attributs, comme
les minéralogistes ou les chimistes raisonnent sur le fer, l'hydrogène ou le
carbone, sans examiner comment ils ont été créés. On pourra constater
que certaines espèces dérivent d'autres espèces, comme on a découvert
que la potasse et la soude résultent de combinaisons, mais on arrivera
toujours à certaines formes primitives, plus ou moins nombreuses, qui
seront pour les naturalistes comme des corps simples pour les chimistes.
A ce point, le domaine des sciences d'observation s'arrête, et celui des
sciences philosophiques commence,
La limite étant ainsi tracée, nous remarquons en deçà, de notre côté,
(a) Deux etres pourraient se ressembler infiniment sous le microscope, et Pun d'eux
seulement avoir la faculté de sensation, ou cette qualité interne de spontanéité, soit
force propre, qui caractérise les animaux, et dont nous avons une idée parce que nous
appartenons au règne animal. Entre une telle qualité et l'absence de cette qualité, je
ne conçois pas de milieu possible, comme entre la lumière et l'absence de lumière, entre
le mouvement et réquilibre. Les passages prétendus entre les deux règnes sont des cas
dans lesquels nous ne savons pas distinguer si une condition très atténuée existe.
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