910 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
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Elle porte dans le midi de l'Europe des noms dérives de Cucumis (prononcé
àia manière des Latins, Coucoumis) : ainsi, Cocomero en italien,
Cogombro en espagnol, etc. Les Allemands disent Ktikummer, et aussi
Gurke. L'origine de ce dernier mot paraît être dans les langues slaves, car
les Bohèmes disent : Agurha, et les Polonais Ogorek (Moritzi, Dici, inécl.
(les noms vulg.). Les Esthoniensdisent Ukkuritzel Uriiz. Cette diversité
montre une diffusion ancienne dans l'Europe orientale et septentrionale.
Le nom persan est Kxjar (Roxb., Fl. Ind., III, p. 720), et le nom arabe
Fakûs (Forsk., p. LXXVI). Il y a un nom sanscrit, Sookasa (Pidd., Ind.,
p. 26), que nous devons prononcer Soukasa, et qui pourrait bien être
l'origine des mots grecs Sûuoç, SÎXU-À, SCXU«, appliqués à l'espèce actuelle et
à d'autres Cucurbitacées. On cultive fréquemment le Concombre dans
l'Inde (Roxb., III, p. 720; Wall., n. 6737), en Cochinchine (Lour.,
p. 726), en Chine (id.),au Japon (Thunb., FL, p. 32/j), à Java (Blume,
{Bijdr., p. 930), en Arabie (Forsk.), en Egypte (Del.), en Abyssinie
(A. Rich., Tent., p. 29/i); mais, dans aucun de ces pays, on ne l'a rencontré
sauvage, ni seulement avec l'apparence d'une plante échappée hors
des cultures. L'existence d'un nom sanscrit indique une ancienneté très
reculée dans le nord de l'Inde, et, comme l'espèce a été connue des Grecs
avant plusieurs fruits de l'Asie méridionale, c'est probablement du nordouest
de l'Inde, par exemple du Caboul ou de quelque pays adjacent,
qu'elle est originaire. Tout fait présumer qu'on la découvrira un jour dans
ces régions encore mal connues.
R i b e s Grossularia, L. —L a Groseillc à maquereau cultivée dims les
jardins n'est qu'une variété du Ribes Uva-crispa, si commun en Europe
(DC., Fl. Fr., IV, p. m ; Koch, Stjn., 2« édit., I, p. 292 ; Ledeb., FL
Ross., II, p. 195). On la trouve quelquefois sauvage (Engl. Bot.,
tab. 1292, 2057; Ledeb., Le.-, Poil., FI. Veron., I, p. 30Zi);mais elle
peut s'être échappée des jardins. Ni l'espèce ordinaire, ni la variété cultivée
ne sont dans les auteurs grecs et latins. Probablement, elle manquait
alors à l'Europe méridionale, où l'extension de la culture l'a naturalisée
depuis çà et là.
Tous les auteurs du x v r siècle en parlent et la ligurent sous les noms de
Uva-crispa, Uva-spina, Grossularia. Les Italiens et les Espagnols
emploient communément la première expression, tirée de l'analogie avec le
raisin. Le nom de Grossularia vient, dit-on, de Grossulus, petite figue
mal mûre(Ruell., p. 283), et le mot français de Groseille, écrit autrefois
Groiselle ou Groisseleiz (Dod., p. 7!iS), aurait la même origine. Cependant,
comme l'espèce était inconnue aux Romains et se trouvait plus au
nord que le Figuier,l'étymologie me paraît douteuse. Le nom de Groseille
ORIGINE FTES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 911
vient plutôt de l'allemand Krausheere ou Krauselheere, qui signifie luimême
6a{e cmpee (à feuilles crispées). Matthiole (édit. Valgr., p. 135)
distinguait déjà la variété cultivée de la plante spontanée. Les langues slaves
et celtes avaient des noms différents du nom allemand. L'ancien nom
anglais était Feaberry et Feabes (Phillips, Account of fruits, p. 177).
Le nom breton est Spezad(he%oni&., Diet.). Cette diversité concorde avec
une existence spontanée ancienne dans plusieurs pays. Le nom anglais moderne,
Gooseberry, et le nom français à maquereau, viennent, selon Phillips
(L c.),de cequ'on en faisait une sauce pour les oies et les maquereaux.
R i b e s r u ï , r u m , !.. — Le Groseillier ordinaire, rouge, est spontané dans
l'Europe septentrionale et tempérée, de même que dans toute la Sibérie
(Ledeb., FL Ross., II, p. 199) jusqu'au Kamtschatka, et en Amérique
du Canada et du Vermont à l'embouchure de la rivière Mackensie (Torr. et
Gray, FI. N. Am., I, p. 150). Comme le précédent, il était inconnu aux
Grecs et aux Romains, et la culture s'en est introduite dans le moyen âge
seulement. La plante cultivée diffère à peine de la plante sauvage. L'origine
étrangère pour le midi de l'Europe, est attestée par le nom Groseille
d'outre-mer, donné en France (Dod., p. 7/|8)au xvi'' siècle. A Genève, la
Groseille se nomme encore vulgairement Raisin de mare, et dans le canton
de Soleure, Meertrilbli. Je ne sais pourquoi on s'est imaginé, il y a
trois siècles, que l'espèce venait d'outre-mer. Peut-être doit-on l'entendre
dans ce sens, qu'elle aurait été importée par les Danois et les Normands,
ou que ces peuples du nord, venus par mer, en auraient introduit la culture?
J'en doute, cependant, car le Ribes rubrum est spontané dans presque
toute la Grande-Bretagne (Wats., Cyb.) et en Normandie (Breb., FL)-,
les Anglais, qui ont eu des rapports fréquents avec les Danois, ne cultivaient
pas encore ce fruit en 1557, d'après une liste des fruits de cette
époque, rédigée par Th. Tusser et publiée par Phillips (Account of fruits,
p. 136), et encore du temps de Gerarde, en 1597 (Herb., p. Il/i3), la
culture en était rare et la plante n'avait pas de nom particulier (a) ; enfin,
il y a des noms français et bretons qui font supposer une culture antérieure
aux Normands dans l'ouest de la France. Les vieux noms de cette
contrée nous sont indiqués dans le Dictionnaire de Ménage. Selon lui, on
appelait les groseilles rouges, à Rouen, Gardes, à Caen Grades, dans la
basse Normandie Gradilles, et dans son pays, en Anjou, Cas tilles.
Ménage fait venir tous ces noms de rubius, rubicus, etc., par une suite de
transformations imaginaires, du mot ruber, rouge, des Latins. Legonidec
(Diet, celto-breton) nous apprend que les groseilles rouges se nomment
(a) Celui de Currant est veau plus tard, par suite de l'analogie avi
Corinthe (Phillips, ib.).
les raisins de
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