8 7 6 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPECES CULTIVÉES.
sur le montSalakà Java, mais dansiia écrit plus récent (M LugtL BaL^
I, p. 19Zi) il la rapporte à une autre espèce, et regarde le M. indica comme
sponlané à Ceylan et non dans l'arcliipel. Rheede n'avait certainement pas
trouvé le Mangifera indica sponlané, d'après ce qu'il dit d'une espèce sauvage
à propriétés vénéneuses (TV, p. 2); Roxburgh non plus (FL Ind.y
éd. 1832, V. 1, p. 6/il), mais il décrit sous le nom de Mangifera sylvatica,
un arbre de Sillet, qui pourrait bien être simplement une variété, malgré
le fruit pointu et une diflerence dans le nectaire. Le docteur Wallich paraît
n'avoir pas eu connaissance de celte espèce de Sillet, car il transcrit simplement
la description de Roxburgh (éd. Wall., II, p. Zi38) et la plante
n'est pas dans la table de ses Listes. Lui-même en parlant du M. indica,
dit : (( J'ai rencontré, en apparence sauvage, près de Iletounra, sur les
bords du ruisseau appelé Karra ou Karrara, un arbre que je prends pour le
Mango commun ; il n'était pas en ileur. » Cette phrase et le silence de
Loureiro, Wight, Royle et Griffith, montrent que le Mangifera indica, s'il
est spontané sur le continent asiatique, y est du moins bien rare. Cela n'est
pas aisé à concilier avec l'existence d'un nom sanscrit.
Le M. indica s'est peu répandu vers l'Occident. Il a des noms arabe et
persan, mais Delile ne l'a pas vu en Egypte (FL JE g, ill.), et je ne le vois
indiqué dans aucun des ouvrages sur l'Afrique continentale, même dans le
Flora Nigritiana et le Tmtamen FL Abyssinicoe récemment publiés.
Ebn Raithar, médecin arabe du xiii^ siècle, qui énumère les plantes connues
des Musulmans, n'en parle pas (trad, allem. de Sontheimer, 18/10).
Tout cela indique une expansion peu ancienne sur le continent asiatique.
Le fruit est excellent; l'espèce se multiplie de semis. Avec de pareilles
conditions, il est difficile de s'expliquer comment elle n'a pas été transportée
soit dans l'antiquité, soit par les Arabes dans le moyen âge,
d'Arabie en Nubie, de là en Guinée, si l'espèce était connue de toute ancienneté
dans l'Inde et à Ceylan. Ces réflexions, et la rareté ou l'absence de
pieds sauvages de l'espèce sur le continent indien, me font croire que l'île
de Ceylan est la vraie patrie de l'espèce. Toutefois le M. laurina, Rlume,
spontané dans les îles'de Java, etc., en est excessivement voisine et se
croise avec elle, si même elle n'est une simple variété.
On cultive à Maurice une multitude de variétés (Rojer, H. Maur.,
p. 73). A la Jamaïque, l'introduction date seulement de 1782 (Macfad.,
I, p. 221), mais l'espèce a réussi parfaitement et donne par les graines
beaucoup de variétés. A Cayenne, elle n'existait pas avant les premières
années du siècle actuel (Aubl., Diet, agric., YIII, p. 172). L'introduction
était plus ancienne au Rrésil, car c'est de là qu'on fit venir des
graines à la Barbade au milieu du siècle dernier (Hughes, Barb., p. 177).
ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 877
F r a g a r i a vcsea, L. — R i i b u s ï^. — L e fraisier et le framboisier
se cultivaient déjà dans le moyen âge, quoique les anciens en aient
parlé seulement comme de plantes spontanées. Les variétés sont devenues
nombreuses, surtout celles du fraisier. Cependant personne n'hésite à
reconnaître au milieu d'elles les espèces si communes dans les régions
tempérées de l'Europe et de l'Asie. L'introduction moderne de fraisiers
d'Amérique parmi les variétés de la fraise ordinaire n'empêche pas de constater
l'origine et l'identité spécifique de celle-ci.
Cerisiers. —Dcs auteurs modemes très estimables (Kocb, Syn. FL
Germ, y Ledeb., Fl. Boss., etc.) s'accordent à classer toutes les variétés
de cerisiers sous les deux espèces de Linné : Prunus avium et
Prunus Cerasus. La première est spontanée en Europe et au Caucase
(Ledeb., FL Boss., II, p. 6). La seconde se trouve dans les forêts au midi
du Caucase (Ledeb., L c.). On l'indique aussi comme spontanée » en
Crimée (Ledeb., Le.), en Bithynie et dans la Macédoine (Griseb., SpiciL.^
I, p. 87), et même (par naturalisation?) en Volhynie et Lithuanie (Ledeb.,
L c.). D'après la compilation de Pline (éd. 1631, 1. xv, c. 25), la cerise
manquait à l'Italie avant Lucullus, qui l'apporta du Pont. On ne peut douter
qu'il ne s'agisse d'une des variétés du Prunus Cerasus (Reynier, Écon. des
Perses, p. 298), car le Prunus avium est décidément spontané en Europe,
notamment en Grèce (Fraas, Syn. FL class., p. 68), et il l'était déjà
anciennement. Théophraste n'a pas pu entendre autre chose en parlant
d'un cerisier de très haute taille (1. m, c. 13). D'ailleurs le nombre des
variétés de cerisiers dont parie Pline indique une culture déjà ancienne à
son époque.
Les noms vulgaires confirment l'existence primitive de plusieurs espèces
ou variétés, répandues en divers pays de l'Europe et de l'Asie occidentale.
Presque tous les noms du midi de l'Europe et des langues germaniques sont
dérivés du Kspaaoç des Grecs; d'autres expriment la qualité amère (amarasca
dans la haute Italie), ou acide (griotte, autrefois agriotte, en France,
d'après Olivier de Serres, mot venant de acris) (a); une troisième source
est dans les langues slaves, Wischenka en russe, Wisné en Bohême,
Wischna en serbe, d'où Weichsel, nom allemand de la griotte; enfin le
(a) Le mot griotte est pris dans des sens différents suivant les provinces. Dans la
Suisse française, où les griottes sont acides, Tétymologie d'Olivier de Serres, fondée sur
les griottes de la France orientale, nous paraît très claire. A Paris, on nomme griotte ime
cerise douce (Duliam., Y, p. 27); aussi depuis longtemps s'est-on escrimé à inventer une
autre étymologie. Ménage {Diet,) fait venir le nom d'une suite de niodillcations de Cerasa,
par Cerasia, Cerasiota^ Crasiola, Craiota, Criota^ Griota, intermédiaires fictifs. BeschereUe
{Diet., en 1849) dérive de a privatif grec, et iVacer, aigre, parce que, dit-il,
l'espèce est plus douce qu'une autre. Singulière idée de combiner un mot grec et un mot
latin pour faire mi mot français ! Selon moi, ou les griottes ont changé ou le sens du
mot a été transposé dans la France occidentale.
m I