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1060 onioiNF-; prorable des espèces spontanées actuelles.
A priori : Eu eiïet, les formes spécifiques soul géucralemeut héréditaires
; les iléviatious se préseuteut plutôt comme des exceptions ; les espèces
figurées ou conservées dans les plus anciens monuments de l'Égypte, se
retrouvent identiques aujourd'hui ; et, par tous ces motifs, la stabilité des
formes doit être l'hypothèse qui s'ofire la première à un esprit non prévenu,
tandis que c'est aux partisans des rénovations fréquentes de formes à
la surface du globe, de prouver leur opinion. Ils ne manquent pas de l'essayer
en disant que les époques géologiques bien caractérisées ont eu
chacune leurs végétaux comme leurs animaux; mais sans vouloir discuter
en détail cette assertion, je dirai en peu de mots pourquoi elle me
paraît trop absolue.
L'état simultané du globe à chaque époque, et surtout dans chaque
siècle d'une époque géologique, est ordinairement douteux et le sera
peut-être toujours. Ainsi, quand on prouve qu'en Europe telle espèce a
disparu à une certaine époque, il est très possible qu'elle ait subsisté dans
quelque pays adjacent ou même éloigné, aujourd'hui inconnu, peut-être
dans un point recouvert maintenant par la mer. Pendant la durée, probablement
fort longue, de certaines époques géologiques, une espèce a pu
cesser d'exister dans une région, s'étendre et se prolonger dans une autre.
D'ailleurs, les géologues reconnaissent ordinairement les formations par
les corps organisés qu'elles contiennent; ils regardent comme contemporaines
celles qui présentent les mêmes espèces, et pour les naturalistes,
c'est précisément la chose douteuse de savoir combien de temps chaque
espèce a duré. Ils seraient tentés de juger de l'époque des espèces par les
formations, tandis que les géologues présument l'époque des formations
par les espèces. On roule ainsi dans un cercle vicieux. Or, ce serait nous
lancer dans des questions insolubles, pour nous botanistes, que de chercher
si toutes les plantes de l'époque de la houille, par exemple, ont vécu
simultanément, ont disparu ensemble dans tout le globe et ont été remplacées
par des espèces nouvelles. Les géologues ont des doutes'(a), et les
botanistes ne peuvent, à plus forte raison, éviter d'en avoir sur cette question
très générale. Il doit nous suffire, pour rendre probable une ancienneté
assez grande des espèces actuelles, de considérer seulement notre époque,
ses commencements et sa jonction avec une époque antérieure différente.
Dans ce but, je suivrai la méthode vraiment scientifique où l'on passe du
connu à l'inconnu, c'est-à-dire je remonterai la chaîne des temps.
De nos jours, les inondations qui surviennent laissent subsister beau-
(a) La localité de Petit-Coeur, par exemple, contient dos houilles dont les espèces ne
peuvent pas se distinguer de celle de la vraie houille, et cependant la formation en est
au-dessus.
PREUVES DE l'ANCIENNETÉ DES ESPÈCES. 1061
coup d'espèces. On a vu les bords de la Loire submergés pendant quelques
semaines, se montrer ensuite couverts de gazon, dans tousles points où un
dépôt de sable n'avait pas enfoui les plantes herbacées. Beaucoup d'arbres
avaient survécu, et quelques années après, un voyageur ne s'apercevait
de rien en traversant cette belle contrée. Certaines plantes délicates ont
peut-être péri; mais elles ont été remplacées par des graines venues de
localités voisines. Si l'inondation avait été d'eau salée, on aurait sans dou^e
observé plus de changement. Le terrain imprégné de sel aurait été pendant
quelques années impropre à la végétation de beaucoup d'espèces. Lave
ensuite par les pluies, il serait revemi à son état primitif, et les graines
de localités voisines auraient rétabli la végétation première. Le sol contient
toujours une infinité de graines, enfouies dans les fentes causées par'la
sécheresse à l'époque de la maturité, ou par des animaux rongeurs et des
accidents divers. Ces graines, à l'abri des variations de température, se
conservent longtemps. Elles reparaissent, en partie, dans certains cas,
lorsque la végétation de la surface a été détruite, surtout quand le terrain
a été profondément sillonne par les eaux. Par tous ces motifs, les inondations
dont nous sommes témoins ne détruisent guère les espèces, à moins
qu'elles ne soient très prolongées, qu'elles n'occupent une étendue plus
grande que l'habitation des espèces, ou enfin, qu'elles ne soient d'eau
salée. De telles conditions sont rares, d'autant plus que les espèces à aire
restreinte sont généralement sur des montagnes ou dans les îles montueuses
à l'abri de submersions prolongées. Cette cause de destruction des
espèces est donc à peu près sans influence, depuis deux ou trois mille ans
que les circonstances paraissent avoir été semblables à celles d'aujourd'hui.
Le déluge de l'époque historique, celui de Noé, a sans doute été plus
grave. Il ne paraît pas cependant qu'il ait .pu anéantir beaucoup d'espèces
de végétaux. Si l'on veut prendre le récit de la Genèse dans le sens le plus
littéral et le plus absolu, la surface totale du monde terrestre aurait été
submergée, et cependant il se trouva une branche d'olivier après cette submersion
; la vigne aussi avait résisté, et implicitement,la plupart des végétaux,
car l'historien sacré ne parle pas d'une création nouvelle après le
déluge. La conservation des espèces serait encore plus certaine en prenant
le mot de la Genèse, traduit par universel, dans le sens d'un phénomène
comprenant toutes les régions alors connues des Hébreux; de même
qu'avant la découverte de l'Amérique, on aurait appelé universel un événement
qui aurait enveloppé la majeure partie de l'ancien monde. Dans ce
cas, il est clair que les milliers d'espèces habitant la Nouvelle-Hollande, le
Cap, l'Amérique, etc., n'auraient pas été atteintes. Il y aurait eu seulement
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