I,
I . "i
I
9 5 2 OKIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
thehorlic. Soc.^ I, p. ï\h) dont la Société d'horticulture de Londres avait
reçu des graines, par M. Floy, de New-York. Ce dernier disait les avoir
reçues des monlagnes Rocheuses! (Rocky mountains), et affirmait que
deux ou trois ans de culture avaient lait perdre les glumes et donné les
caractères du Maïs commun. Nous n'avons aucun moyen de vérifier l'exactitude
de M. Floy et surtout des personnes qui lui avaient remis les graines
primitives. La localité est singulièrement éloignée du Paraguay. Si les faits
sont exacts, si en même temps le Maïs cryplosperme a été trouvé dans
deux pays aussi distincts, je croirais volontiers que le Maïs ordinaire, quand
il se sème dans les clairières des forêts et se naturalise, prend des glumes
qui dépassent la graine. Ce serait un retour à un état primitif, comme ceux
observés par M. Roulin pour les porcs et autres animaux domestiques
redevenus sauvages. Peut-être l'espèce serait-elle spontanée au Paraguay
et naturalisée dans les montagnes Rocheuses ou plutôt dans le Mexique?
Rien ne prouve sa spontanéité véritable. En déiinitive l'origine américaine
me semble bien prouvée, mais la portion de l'Amérique d'où la plante est
sortie est très douteuse. D'après les anciens usages des habitants, ce peut
être le Mexique ou l'Amérique méridionale; plutôt le Mexique, à cause de
la marche probable des populations du nord au midi.
C h e n o p o d i u n i Quinoa, AViiid.—Le Quinoa formait la base de la nourriture
des indigènes de la Nouvelle-Grenade, du Pérou et du Chili, dans
certaines régions élevées à l'époque de la découverte de l'Amérique. La
culture en a continué dans ces pays, par habitude, et à cause de l'abondance
du produit, car la farine est mélangée d'un principe amer, dont on a de
la peine à se débarrasser par des lavages à l'eau froide. On a distingué de
tout temps le Quinoa à graine noire et celui à graine blanche (Molina, Hist,
fiat. Chilly p. 101). Ce dernier est le plus estimé. Molina parle des deux;
le père Feuillée décrit et figure seulement le blanc (Journ. des obs.^ édit.
1725; Plaîit. médic.^ p. 15, tab. 10). Il varie aussi par une teinte verdàtre
ou rougeâtre de toutes les parties (a). Dans l'Inde on ne cultive
aucune espèce de Chenopodium pour le produit des graines; on se sert
(a) Je ne puis adopter l'opinion de M. Moquin (Prodr., XIII, part, n, p. 67), qui rapporte
(comme variété) le Quinoa blanc d'Amérique, aune espèce très douteuse, que l'on
dit originaire d'Asie, le Chenopodium purpurascens, Jacq. La plante que M. Moquin m'a
donnée et que j'ai cultivée, comme le Qainoa blanc du jardin de Toulouse, ressemblé
beaucoup à la fi^. 3641 du Bot, mag. que sir W. Hooker et M. Moquin {Prodr.) rapportent
au Ch. Quinoa. Les fruits sont un peu rugueux et ponctués, mais dans un, Quinoa
noir du Chili, je les ai vus légèrement ponctués. Ils sont plus arrondis dans le blanc, à
cause de l'abondance de la farine. Le Ch. purpurascens, Jacq,, IL Vind., Ill, t. 80, a
des feuilles supérieures entières fort différentes et des étamines exsertes. Le Quinoa blanc
est bon à cultiver en Europe, à cause de ses feuilles, qui valent celles de Tépinard, et qui
pnt l'avantage de pouvoir servir dans la saison la plus sèche quand l'épinard manque
duns les jartlins. La graine est amcre, elle conviendrait probablenieut aux poules, d'après
ce que dit Molina.
;
OmOINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 953
seulement des feuilles de quelques espèces (entre autres du Chenopodium
album) pour légume (Hoxb., Fl., éd. 1832, vol. II). Il est même remarquable
qu'aucun Chenopodium n'a de nom sanscrit connu (Roxb., FL;
Pidd., Index), d'où l'on peut inférer que les espèces actuellement communes
dans l'Asie méridionale sont des mauvaises herbes d'origine étrangère.
Le Quinoa est certainement une plante américaine. Les deux races en
sont probablement fort anciennes. On peut soupçonner que la moins colorée,
qui est la plus farineuse, est une dérivation de l'espèce primitive. Ni l'une
ni l'autre ne sont indiquées autrement que comme plantes cultivées, mais
il s'agit de l'Amérique méridionale et des parties les moins connues de ce
vaste continent.
P o l y g o n u m F a g o p j ' r am, L. —Le blé uoir OU blé sarrasiii était inconnu
aux anciens Romains et aux Grecs (Reynier, Êcon. Celt,, p. A25; Link,
Die Urioelt, p. ¿15; Fraas, Sijn. FL class.). Il s'est introduit en
Europe vers la fin du moyen âge. Cherchons à en découvrir l'origine.
On le cultivait au xvr siècle dans l'Odenwald (Tragus, édit. 1552,
p. 6Z|8) sous le nom de Heydenkorn. Caesalpin (p. 166), en 1583, le
décrit comme cultivé, probablement en Italie, sous le nom de Formentone,
aliis Saresinum. Dodoens éd. 1616, p. et pl. 612) dit
qu'on le cultivait beaucoup en Allemagne, ainsi qu'en Rrabant. Le nom
Fagopyron a été fabriqué par les érudits, d'après la ressemblance de la
graine avec celle du hêtre (Dod., ib.; Reynier, ih.)] aussi est-il inconnu
qn Grèce (Sibth.; Reut. et Margot, FL de Zani . ; Fraas, Syn. FL class.).
On cultivait peu l'espèce en France il y a quelques siècles, car Olivier de
Serres (éd. 1629) n'en parle pas. Le nom de blé sarrasin n'est pas indiqué
dans J. Bauhin {Eist., 1651, II, p. 99Z|), qui avait vu la plante cultivée
à Montpellier et à Bale, et qui mentionne ordinairement les noms vulgaires
avec exactitude. Il cite les noms de blé QÏ dragée aux chevaux en français.
Le nom sarrasin ne doit donc pas venir des mots celtes had rasin,
signifiant blé rouge, comme le prétend Reynier (Êco7i. Celt., p. /|25),
car il se trouverait dans tous les pays et idiomes anciennement celtiques.
D'ailleurs, si les peuples celtes avaient connu l'espèce, Jules César en
aurait parlé et les Romains l'auraient répandu partout après la conquête
des Gaules (a). Il est plus probable que le nom sarrasin vient de la cou-
(a) M. Le Gall, conseiller à la cour de Rennes, a eu l'obligeance de m'écrire : « Comme
vous je pense que le Polygonum Fagopyrum a été introduit dans les Gaules longtemps
après la domination'romaine. Il n'a pomt im nom celtique proprement dit, un nom
simple. Il n'est indiqué en breton que par une sorte de périphrase, par un rapport certainement
peu naturel. Il est introduit comme rival du iroment, et son grain est noir; il
mérite d'être nommé Ed-da, blé-noir, Giumis-du, froment noir. Le mot sarrasin ou
had rasin appliqué à une plante ne figure pas, à ma connaissance, dans les diclionnaires
bretons ; ce serait d'ailleurs un mot composé. »