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1 0 7 6 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTxVNÉES ACTUELLES.
On a appelé espèce, dit-il (Philos. zooL, I, p. blx et suiv.) toute
collection d'individus semblables qui furent produits par d'autres individus
pareils à eux. Cette définition, continue de Lamarck, est exacte,
car tout individu jouissant delà vie ressemble toujours, à très peu près, à
celui ou à ceux dont il provient. Mais on ajoute à cette définition la supposition
que les individus qui composent une espèce ne varient jamais dans
leur caractère spécifique, et que, conséqnemment, l'espèce a une constance
absolue dans la nature. C'est uniquement cette supposition que je me propose
de combattre, etc. Ainsi, de Lamarck admettait deux caractères pour
l'espèce : la ressemblance et une descendance commune.
Eu employant l'expression bien affirmative qui furent produits, il
adoptait implicitement l'opinion de Linné, d'un auteur commun ou d'auteurs
communs à tous les individus de la même espèce, opinion contestée
déjà du temps de Linné, et qu'il vaut mieux laisser en dehors de la notion
d'espèce comme inutile et incertaine (a).
La tendance des zoologistes purs, comme Buffon, Cuvier et Flourens,
d'attacber plus d'importance à la reproduction ; celle de Lamarck, zoologiste
et botaniste, de mettre sur le même niveau les caractères de reproduction
et de ressemblance; enfin, celle des botanistes purs, de parler de
la ressemblance plus que des caractères de reproduction et surtout de
fécondité, s'expliquent aisément par la nature particulière de chaque
règne.
Dans les animaux, la reproduction au moyen d'individus de deux sexes
est l'ordinaire; celle par division et par individus hermaphrodites est l'exception.
Dans les végétaux, c'est précisément le contraire. Il est impossible
de ne pas reconnaître des espèces dans la grande classe des Cryptogames.
On dira peut-être qu'avec le progrès de la science on découvre tous les
jours dans cette catégorie de végétaux des organes variés, tendant à la
formation de corps reproducteurs; mais, la diversité même des moyens de
reproduction dans les Cryptogames, aura peut-être pour résultat de faire
considérer tous ces moyens comme des extensions, des divisions du tissu
de la même plante, attendu que les appareils sortent généralement des cellules
d'un seul individu. Dans les Phanérogames elles-mêmes, la fécondation
réciproque est assez rare. Un très grand nombre de fieurs émettent leur
pollen dans le bouton, d'autres sont fécondées ordinairement parles fleurs
(a) La définilion de l'espèce par Linné {Philos, bol., § 157) est : Species tot numeramus,
quod diversoe formai in principio sunt creatoe. Ainsi par une étrange manière de
raisonner, il faisait dépendre la distinction des espèces de ce qui avait pu arriver au moment
de la création, de sorte qu'on aurait pu, son livre à la main, lui dénier le droit de
constituer des espèces, à lui qui en faisait tous les jours et mieux que personne !
CHANGEMENTS QUI ONT PU s'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1077
qui se trouvent sur le môme pied, de sorte qu'en réalité la plupart des
individus végétaux se propagent par eux-mêmes, par une extension et une
division plus ou moins compliquées de leurs propres tissus. Pour hybrider
les plantes, on est obligé d'enlever les étamines dans le boulon, et la
iécondation avant l'ouverture des fleurs est si normale dans certaines
espèces, qu'on peut supposer à deux plantes évidemment de la même
espèce, vivant l'une à côté de l'autre, une provenance d'individus distincts
depuis plusieurs siècles, depuis plusieurs milliers d'années, peutêtre
depuis l'origine.
Par ce motif, et par d'autres bien plus puissants (art. 3), l'hypothèse
de plusieurs individus originels pour chaque espèce est plus probable dans
le règne végétal que dans le règne animal. En même temps beaucoup de
végétaux paraissent avoir traversé des époques géologiques antérieures à
la nôtre. On est ainsi amené à ne pas trop insister sur les circonslances
toujours obscures et peut-être fort reculées de l'histoire des espèces, et à
les caractériser plutôt d'après ce qu'elles sont, c'est-à-dire d'après leurs
ressemblances et différences actuelles.
Quant à moi, j'ai été conduit dans ma définition de l'espèce à mettre
décidément la ressemblance au-dessus des caractères de succession. Ce
n'est pas seulement à cause des circonslances propres au règne végétal, dont
je m'occupe exclusivement; ce n'est pas non plus afin de sortir ma définition
des théories et de la rendre le plus possible utile aux naturalistes
descripteurs et nomenclateurs, c'est aussi par un motif philosophique. En
toute chose il faut aller au fond des questions, quand on le peut. Or, pourquoi
la reproduction est-elle possible, habituelle, féconde indéfiniment,
entre des êtres organisés que nous disons de la même espèce? Parce qu'ils
se ressemblent et -uniquement à cause de cela. Lorsque deux espèces ne
peuvent, ou, s'il s'agit d'animaux supérieurs, ne peuvent et ne veulent se
croiser, c'est qu'elles sont très différentes. Si l'on obtient des croisements,
c'est que les individus sont analogues; si ces croisements donnent des
produits féconds, c'est que les individus étaient plus analogues ; si ces produits
eux-mêmes sont féconds, c'est que la ressemblance était plus grande ;
s'ils sont féconds habituellement et indéfiniment, c'est que la ressemblance
intérieure et extérieure était très grande. Ainsi le degré de ressemblance
est le fond ; la reproduction en est seulement la manifestation et la mesure,
et il est logique de placer la cause au-dessus de reiîet.
L'espèce ayant été définie, il nous faut examiner plusieurs questions
relatives à ses attributs, à son développement et à son origine; questions
très difficiles, où l'on est obligé de discuter souvent des hypothèses plutôt
rue des faits.
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