860 ORIGINE GEOGRAPHIQUE DES ESPECES CULTIVÉES.
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cain; mais par inatlenlion j'attribuai cette opiinoa à M. Brown, qui s'était
borné à revendiquer une origine américaine en général (a).
Depuis, des faits de diverse nature ont confirmé cette manière de voir.
L'Anona squamosa, L., a été trouvé sauvage en Asie, avec l'apparence
plutôt d'une plante naturalisée; en Afrique, et surtout en Amérique, avec
les conditions d'une plante aborigène. En eiïet, d'après le docteur Royle
( I I I . l l imal . ^ p. 60), celte espèce a été naturalisée en plusieurs localités
de l'Inde ; mais il ne l'a vue, avec l'apparence d'une plante sauvage, que
sur les flancs de la montagne où est le fort de Adjeegurli, dans le Bundlecund,
parmi des pieds de Teck. Lorsqu'un arbre aussi remarquable,
dans un pays aussi exploré par les botanistes, n'a été signalé que dans une
seule localité hors des cultures, il est bien probable qu'il n'est pas originaire
du pays. M. Hooker fds l'a trouvé dans l'île de Santiago, du cap Vert,
formant des bois sur le sommet des collines de la vallée de Saint-Dominique
(Webb, dans FJ. N i g r . , p. 97). Comme l'A. squamosa n'est qu'à l'état
de culture sur le continent voisin { F l o r , N igr , , p. 20/i) ; que même il
n'est pas indiqué en Guinée par les collections de Tbonning {PL Gilin,),
ni au Congo (Br., Co^igo, p. 6), ni dans la Sénégambie (Guill. Perr. et
Rich., Tent. FL Seneg.)^ ni en Abyssinie ou en Egypte, ce qui montre
une introduction récente en Afrique; enfin, comme les îles du cap Vert ont
perdu une grande partie de leurs forêts primitives, je crois dans ce cas à
une naturalisation par des graines échappées de jardins. Les auteurs s'accordent
à dire l'espèce sauvage à la Jamaïque. On a pu autrefois négliger
l'assertion de Sloane ( /am, , II, p. 168) et de P. Brown { J am. , p. 257),
mais elle est confirmée par M. Macfadyen { F L J am. , p. 9). M. de Martius
a trouvé l'espèce dans les forêts de Para { F L Bras. , fasc. 2, p. 15),
localité assurément d'une nature primitive. Il dit même : « Sylvescentem
in nemoribus paraënsibus inveni, » d'où Ton peut croire que les arbres
formaient à eux seuls une forêt. Splitgerber (iVei/^W. K r u i d k . Arch., 1,
p. 2ÎiO) l'avait trouvé dans les forêts de Surinam et l'indique an spontanea?
Le nombre des localités dans cette partie de l'Amérique est assez
significatif. Je n'ai pas besoin de rappeler qu'aucun arbre, vivant ailleurs
que sur les côtes, n'a été trouvé véritablement aborigène à la fois dans
l'Asie, l'Afrique et l'Amérique intertropicales (chap. X). L'ensemble de
mes recherches rend un fait pareil infiniment peu probable, et si un
arbre était assez robuste pour offrir une telle extension, il serait excessivement
commun dans tous les pays intertropicaux.
D'ailleurs les arguments historiques et linguistiques se sont aussi rèn-
(a] Voyez Bot. of Congo, el la traduction allemande des oeuvres de Brown, qui a des
tables alphabétiques.
ORIGINE DÈS ESPÈCES LE PLUS GÉPÎÉRALEMECT CULTIVÉES. 86I
forcés dans le sens de l'origine américaine. Les détails donnés par Rumphius
(I, p. 139) montrent que l'Anona squamosa était une plante nouvellement
cultivée dans la plupart des îles de l'archipel indien. Forster
n'indique aucune Anonacée comme cultivée dans les petites îles de la mer
Pacifique { P l a n t . escuL). Uheede { M a l a b . , Ill, p. 22) dit l'A. squamosa
étranger au Malabar, mais transporté dans l'inde d'abord par les Chinois
et les Arabes, ensuite par les Portugais. 11 est certain qu'il est cultivé en
Chine et en Cochinchine (Lour., F L Cock., p. /|27), ainsi qu'aux Philippines
(Blanco, FL) ; mais depuis quelle époque? C'est ce que nous ignorons.
Il est douteux que les Arabes le cultivent (a) ; mais dans l'Inde on le
cultivait du temps de Roxburgh { F L Ind. , éd. 1832, v. Il, p. 657), qui
n'avait pas vu l'espèce spontanée, et qui ne mentionne qu'un seul nom
vulgaire de langue moderne (bengali), le nom A l a , qui est déjà dans
Rheede. Plus tard on a cru reconnaître le nom Gunda-Galra comme
sanscrit (Piddington, I n d e x , p. 6); mais le docteur Royle (///. Him.,
p. 00) ayant consulté le célèbre Wilson, auteur du Dictionnaire sanscrit,
sur l'ancienneté de ce nom, il lui a été répondu qu'il avait été tiré du
Sahda chanrika, compilation moderne comparativement. Les noms de
A t a , A t i , se trouvent dans Rheede et Rumphius (I, p. 139). Voilà sans
doute ce qui a servi de base à l'argumentation de Saint-Hilaire, mais
un nom bien voisin est donné au Mexique à l'Anona squamosa. Ce
nom est Ate, Ahate de Panucho, qui se trouve dans Hernandez (p. 3/i8
et hhh) avec deux figures assez semblables et assez médiocres', qu'on
peut rapporter ou à l'A. squamosa, avec M. Dunal {Mém. Anon., p. 70),
ou à l'A. Cherimolia, avec M. de Martius { F L Bras., fasc. 2, p. J5).
Oviedo emploie le nom de Anon (b). Il est très possible que le nom de
A t a soit venuauRrésil du Mexique et des pays voisins. Il se peut aussi, je
le reconnais, qu'il vienne des colonies portugaises des Indes orientales.
M. de Martius dit cependant l'espèce importée des Antilles au Rrésil
{ F L Bras., 1. c.). Je ne sais s'il en a la preuve ou si elle résulte de
(a) Cela dépend de Topinion qu'on se formera sur l'A. glabra Forsk. {A. aslatica^
p. Dun., Ànou., p. 71 ; A. Forskalii, DC., Syst., I, p. 472), qui était cultivé quelquefois
dans les jardins de FEg-ypte lorsque Forskai visita ce pays, sous le nom de
Keschia, c'est-à-dire lait coagulé. La rareté de la culture et le silence des anciens
auteurs montrent que c'était une introduction moderne en Egypte, Ebn Raithar (trad,
allem. de Sontheimer, 2 vol. 18iG), médecin arabe du xiii'' siècle, ne parle d'aucune
Anonacée et ne mentionne pas le nom de Keschta. Je ne vois pas comment la description
et la ligure de Forskai {Descr., p. 102, ic. tab. 15) diffèrent de FA. squamosa.
L'échantillon de Coquebert, cité dans le Syslema, concorde assez avec la planche de
Forskai, mais comme il est en fleur et que la planche donne le fruit, Fidentité ne peut
être bien prouvée.
(h) De là vient le nom de genre Anona^ que Linné a changé en Annona (provision),
parce qu'il ne voulait aucun nom des langues barbares, et qu'il ne craignait pas les jeux
de mots (voy. la note p. 837).
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