8 J A ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES,
Argentine, la pomme de terre sauvage, indigène dans les montagnes de la
Famatina. Ses tubercules sont petits.
Meyen (Grundr. der Pflanz.geo., p. 365) dit avoir trouvé deux fois la
pomme de terre sauvage sur les Cordillères du Chili et du Pérou ; mais il
n'avait rapporté d'échantillons quede celle du Chili (Nees, Act.Acad. nat,
cur., XIX, suppl., p. 38/i). Meyen montre d'ailleurs une grande légèreté
dans son exposé historique de la pomme de terre, car il n'a pas consulté
l'ouvrage classique de Dunal et ne se doute pas de l'introduction par les
Espagnols.
Des témoignages plus positifs sont venus par M. Ch. Darwin, qui a trouvé
la pomme de terre sauvage, en grande quantité, dans l'archipel appelé
Chonos ou Chiloé, près du Chili, sous le degré de latitude. Le plus
gros tubercule de ceux qu'il recueillit n'avait que 2 pouces de longueur, et
son goût après la cuisson était insipide, un peu aqueux, nullement amer
(Darwin, Joimi . , cité par Lindi., Journ. Hort. Soc., III, p. 66). Le professeur
Henslow s'assura de l'identité spécifique avec le Solanum tuberosum
(î7>. et Hook, f., Fl. ani.,1, part, ii, p. 331). Le docteur Hooker
(ib.) énumère cinq variétés différentes du Solanum tuberosum, qui seraient
toutes spontanées dans le Chili, les îles Chiloé et le Pérou; le type le plus
sûr de l'espèce est indiqué par lui à Chiloé et à Lima (Mac Lean, herb.
Hook.). Il distingue du Solanum tuberosum, probablement, dit-il, comme
espèce, le Solanum Commersonii, Poir.,qui s'étend de Valparaiso à Buenos-
Ayres, et qui diffère surtout, d'après lui, par une fleur moins grande.
Je possède un échantillon qui paraît bien être du Solanum tuberosum et
que M. Dunal a rapporté à cette espèce après un examen attentif. Il doit
avoir été sauvage, car il a été recueilli au Chili par M. Claude Gay et nous
a été communiqué avec l'étiquette suivante : « Solanum tuberosum; au
centre des Cordillières de Talcagoué et de Cauquenes, dans les endroits
que visitent seulement les botanistes et les géologues. »
Dans son Historia de Chili, V, p. 75, M. Cl. Gay énumère le Solanum
tuberosum comme véritablement indigène au Chili, à Valdivia et à Juan-
Fernandez ; comme croissant dans les localités les plus reculées, les plus
sauvages ; enfin, comme ayant servi d'alimentation avant la conquête aux
habitants du pays, qui allaient les chercher sur les collines, au dire des
premiers voyageurs.
Il me paraît incontestable, d'après cet ensemble de faits, que le véritable
Solanum tuberosum croît spontané au Chili, dans les îles voisines, et même
jusqu'au Pérou. Les plantes analogues trouvées à l'orient de la chaîne des
Andes, dans la direction de Buenos-Ayres, sont toutes, peut-être, des espèces
différentes, savoir : lesSolanum Commersonii et Solanum Maglia des auteurs.
ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 815
On a trouvé récemment diverses pommes de terre indigènes dans les
parties élevées du Mexique. Le docteur Lindley {Journ. Hort. Soc., III,
p. 67 et 70) pense que le vrai Solanum tuberosum serait ou sauvage ou
naturalisé dans les montagnes de ce pays. Cependant deux des plantes munies
de tubercules qui lui avaient été envoyées comme vraiment spontanées
au Mexique, se sont trouvées être des espèces distinctes (Solanum demissum
et Solanum cardiophyllum, Lindl.), et parmi celles qui appartenaient
au Solanum tuberosum, l'une avait été adressée comme sauvage, mais
(( peut-être apportée du Pérou » (p. 70), et l'autre, toute seule, n'avait pas
d'indication analogue. Ce serait l'unique exemplaire du Solanum tuberosum
au Mexique, car le pied indiqué à la page 67, comme Solanum tuberosum,
en est évidemment différent. Le docteur Lindley, tout en disant
qu'il appartenait au Solanum tuberosum, le dit semblable au Maglia du
Chili et au Solanum verrucosum, Schlecht., qui sont d'autres espèces, du
moins selon ma manière de voir. Je dirai même franchement que la multiplicité
des formes réunies par le docteur Lindley au Solanum tuberosum
lait naître des doutes dans mon esprit sur le pied d'origine mexicaine qu'il
rapporte à cette espèce.
Une occasion m'a permis d'étudier le Solanum verrucosum en grand.
Il a été introduit dans l'agriculture d'un village du pays de Gex, près
de Genève, par de simples cultivateurs, qui l'avaient reçu du Mexique et
qui le multipliaient, en 1850 et 1851, comme exempt de maladie. Les tubercules
en sont tardifs, plus petits que ceux du Solanum tuberosum, d'un
goût excellent, de chair jaune; les tiges sont multiples d'un même tubercule,
très droites, et sont renflées près des feuilles; les fleurs sont d'un
rouge violet très vif; la baie est tachetée de blanc (a). D'autres espèces du
Mexique, ayant aussi destubercules, sont indiquées parles auteurs (Prodr.,
vol. XIII, part. I, p. 32 et 679), mais aucune ne paraît rentrer dans le
Solanum tuberosum,
La principale difficulté quant à la présence de la pomme de terre au
Mexique est dans des faits historiques malaisés à concilier. On ne peut
guère comprendre comment les indigènes de la Caroline auraient cultivé
le Solanum tuberosum, si les Mexicains ne leur avaient transmis cette
plante. Or, la pomme de terre rapportée de Caroline en Irlande était bien
le Solanum tuberosum, et, d'un autre côté, M. de Humboldt assure que les
anciens Mexicains ne cultivaient pas la pomme de terre. De plus, rien ne
peut faire penser que les indigènes des États-Unis aient eu autrefois l'ha-
(a) J'ai publié un récit détaillé de ces faits dans la Revue horticole du 1" juin 1832
Chez nous les tubercules sont restés petits, et ont été souvent atteints do la maladie. Eii
France, les essais ont été plus heureux {Rev. hortic., 1834); quelques tubercules ont été
d'une grosseur raisonnable et la maladie ne les a pas envahis.