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CHANGEMENTS DANS Î. HAlìITATiON DES ESPECES.
[FI. Angl.^ 1778) le décrivail le premier eii Angleterre, sous lo. nom de Lepidium
anglicum, croissant en Devonsliire et dans le Cornouailles, sur les décombres.
Malgré ce nom, je crois ì espèce étrangère, car une fois sur une côte,
elle se répand de port en port, et il n'est pas probable qu'elle fût depuis longtemps
confinée dans un seul point des îles Britanniques. Si elle avait existé ailleurs dans
ce pays, l\ay et Dillenius ne l'auraient pas ignorée, vu sa station près des villes
et ses caractères si distincts.
* eal;i-cSnunB, — ® — A paru dans des localités de la Grande-
Bretagne depuis 1835 [lingL liât., t. 2853, et ci-dessus, p. 74). Il y a eu probablement
plusieurs introductions depuis vingt ans, par les semis de graines étrangères,
car les localités sont fort éloignées les unes dos autres, et la plante est
venue ordinairement dans des champs de blé. Elle en sortcependant quelquefois,
puisque M. Babington (.1/rin., édit., p. 26) indique les pâturages communaux
(Voy. Wats.,C/yi).,I, p. 135).
C o c h i c n r h i r iast icann, Lani . (C. Armor a c i a ) , !.. — — Dans unarticlc
de la Bibiioihèqne iiniverseile de Genève, de sept. 1 851, j'ai fait l'histoire de cette
espèce sous le double point de vue de son nom et de son origine. J'ai montré qu'on
avait tort de traduire quelquefois /irmoracia comme si c'était armorica^ par
r é p i t h è t e de Bretagne^ car le mot substantif Armoracia a été pris dans Pline, et
s'appliquait à une Crucifère de la province asiatique du Pont, peut-être au Baphanus
sativus. Quant à l'origine, voici comment je m'exprimais :
La plante ne croît pas sauvage en Bretagne. Ceci est constaté par les botanistes
zélés qui explorent aujourd'hui la France occidentale. M. l'abbé Delalande en
parle dans son opuscule intitulé : Hoedic et Houat (brochurein-8^, Nantes, 1850,
p. 1 09), où il rend compte d'une manière si intéressante des usages et des productions
de ces deux petites îles de la Bretagne. 11 cite Topinion de M. Le Gall,
q u i , d a n s une Flore (non publiée) du Morbihan, déclare la plante étrangère à la
Bretagne. Cette preuve, du reste, est moins forte que les autres, parce que le
côté septentrional de la péninsule bretonne n'est pas encore assez connu des
botanistes, et que l'ancienne Armorique s'étendait sur une portion de la Normandie,
où maintenant on trouve quelquefois le Cochlearia sauvage (Hardouin,
Renou et Ledere, Catal. du Calvados, p. 85; de Brebisson, Fi. de Normand.^
p. 25). Ceci me conduit à parler de la patrie primitive de l'espèce.
Les botanistes anglais l'indiquent comme spontanée dans la Grande-Bretagne,
mais ils doutent de son origine. M. H.-C. Watson {Cybele^ 1, p. 12!9) la regarde
comme introduite. La difficulté, dit-il, de l'extirper des endroits où on la cultive
est bien connue des jardiniers. 11 n'est donc pas étonnant que cette plante s'empare
de terrains abandonnés e t y persiste, au point de paraître aborigène. M. Babington
[Manual of Brit, bot., édit., p. 28) ne mentionne qu'une seule localité
où l'espèce ait véritablement l'apparence d'etre sauvage, savoir Swansea, dans le
pays de Galles. Tâchons de résoudre le problème par d'autres arguments.
Le Cochlearia rusticana est une plante de l'Europe tempérée, orientale principalement.
Elle est répandue de la Finlande à Astrakhan et au désert de Cuman
(Ledebour, FL Ross., I, p. 159). M. Grisebach l'indique aussi dans plusieurs localités
de la Turquie d'Europe, par exemple, près d'Énos, où elle est abondante au
bord de la mer [Spicilegiuni FL RumeL, I, p. 265). Plus on avance vers l'ouest de
l'Europe, moins les autours de Flores paraissent certains de la qualité indigène,
plus les localités sont éparses et suspectes. L'espèce est plus rare en Norwége
NATURALISATION A PKTTTE DISTANCE. 655
qu'en Suède (Fries, Summa, p. 30, et autres auteurs), et dans les îles Britanniques
plus qu'en Hollande, où l'on ne soupçonne pas une origino étrangère (Miquel,
Disqiiisitio pl. regn. Bat,),
Les noms de l'espèce confirment une habitation primitive à l'est plutôt qu'à
l'ouest de l'Europe. Ainsi, le nom Chren est russe (Moritzi, ])ict. inéd. des noms
vulgaires). On le trouve dans toutes les langues slaves : Krenai en lithuanien,
Krenm illyrien (Moritzi, ÍÍ;. ; Visiani, Fi. Valu., III, p. 322), etc. Il s'est
introduit dans quelques dialectes allemands, par exemple autour de Vienne (Neilreich,
FL Wicn, p. 502), ou bien il a persisté dans ce pays malgré la superposition
do la langue allemande. Nous lui devons aussi le mot français Cran ou Cransou.
Le mot usité en Allemagne, Meerretig.et en Hollande, Meer-rudys, d'où
notre dialecte de la Suisse romane a tiré le mot Méridi ou Mérédi, signifie radis de
mer, et n'a pas quelque chose de primitif comme le mot Chren, Il résulte probablement
de ce que l'espèce réussit près de la mer, circonstance commune avec
beaucoup deCrucifères, etqui doit se p résenter pour celle-ci, car elle est spontanée
dans la Russie orientale, où il y a beaucoup de terrains salés. Le nom suédois
Peppar-rot (Linné, FL Suec., n. 540) peut faire penser que l'espèce est plus
récente en Suède que l'introduction du poivre dans le commerce du nord do
l'Europe. Toutefois, ce nom pourrait avoir succédé à un autre plus ancien
demeuré inconnu. Le nom anglais,//orsíí rad/s/t (radis des chevaux) n'est pas
d'une nature originale, qui puisse faire croire à l'existence de l'espèce dans le
pays avant la domination anglo-saxonne. Il n'a pas plus d'importance que le
nom du marronnier, Uorse chesmU, qui est bien bien certainement moderne. Le
nom gallois àncvcmRhuddygl maurth (il. Davies, Welsh /^toio/of/y,p. 63),n'est
que la traduction du mot anglais, d où Ton peut inférer que les Celtes de la
Grande-Bretagne n'avaient pas un nom spécial et ne connaissaient pas l'espèce.
Dans la France occidentale, le nom de Ra.ifort, qui est le plus usité, signifie simplement
racine forte. On disait autrefois en France Moutarde des Allemands,
Moutarde des capucins, ce qui montre une origine étrangère et peu ancienne.
Ainsi, dans toute l'Europe occidentale, en Suède, en Allemagne, en Hollande, eu
Angleterre, dans le pays de Galles, on France, les noms de l'espèce sont d'une
nature composée, faisant présumer ordinairement une date peu ancienne. Au
contraire, le mot Chren de toutes les langues slaves, mot qui a pénétré dans
quelques dialectes allemands et français sous la fornie de Kreen et Cran ou
Cranson, est bien d'une nature [)rimitive, montrant l'antiquité de l'espèce dans
l'Europe orientale tempérée. Il est donc infiniment probable que la culture a propagé
et naturalisé la plante de l'est a l'ouest, depuis environ un millier d'années.
M. Watson icgarde le Barbarea proecox,Bv., comme d'origine étrangère,
plutôt adventif ; mais sa présence sur le continent voisin, et en Angleterre, déjà
du temps de Ray (Sî/ii.,p. 297), me fait croire qu'il peut tout aussi, bien être
originaire du pays. M. Babington le regarde comme indigène. M Power a la
môme opinion pour le midi de l'Irlande [Bot. guide Cork, p. 7).
U Malcomia maritima^Bw, vient d'être observé près de Douvres (Wals.,
C î / ^ . , p . 1 5 7 ) . C'est une plante du midi de la France, qui peut-être nedurorapas
en Angleterre. Elle n'existe pas en Irlande.
Hesperis matronalis, L. MM. Babington et Watson inclinent à regarder l'espèce
comme répandue par l'effet d'une culture autrefois très générale ; cependant elle
paraît bien spontanée sur le contii)ent, jusqu'en Danemarck (Fries, Sanma.)^