7 9 ( 5 ClIANGEMRNTS DANS L'IFAIUTATION DES ESPÈCES.
Canavaliaobtusifolia. — 5 — Courants.
Ipomoea tuberculata, Iloem. et Scli. •—% — Culture.
Euxolus viridis, Moq. — © — Avec le lest, les graines potagères.
Eleusine indica, Goertn. — ® — Mélange de graines avec le lest, les
graines potagères, etc.
La vue de ce tableau fait naître les réflexions suivantes :
1 ° L'ancien monde a reçu plus d'espèces du nouveau monde que celui-ci
de l'ancien. On pouvait le deviner, à priori, caries courants les plus
actifs et les plus réguliers entre les tropiques marchent de l'Amérique vers
l'Afrique, et de l'Amérique vers les îles du grand Océan. Trois plantes
seulement m'ont paru être sorties de l'ancien monde par l'eiïet des courants,
et elles existent toutes les trois en Afrique. On peut augurer de là
qu'elles ont été portées en Amérique parle courant qui, de Benguela, va se
répandre en éventail, et, par une marche assez lente, sur le Brésil d'un
côté et les Antilles de l'autre. Parmi les espèces originaires d'Amérique, il
y en a quatre fois plus qui paraissent avoir été transportées par les courants.
Cette cause étant plus active dans un sens que dans l'autre, explique à elle
seule pourquoi l'ancien monde s'est enrichi plus que le nouveau par l'effet
des naturalisations entre les tropiques.
2o Néanmoins le chiffre des espèces naturalisées, soit dans l'ancien, soit
dans le nouveau monde, est une quantité insignifiante eu égard aux Flores
d'une richesse si extraordinaire des régions tropicales, et lors même qu'on
augmenterait la liste par de nouvelles découvertes ou en ajoutant plusieurs
des espèces indiquées dans l'article 6 du chapitre X {Espèces disjoiiiles),
ce serait toujours une fraction minime de la végétation de Chaque continent.
3° Avant l'intervention de l'homme, le mélange des espèces entre l'ancien
et le nouveau monde était presque nul dans la région tropicale. En
effet, la majorité des espèces naturalisées paraît avoir été apportée
par l'homme, soit volontairement, soit plutôt involontairement. Il y a tout
au plus quinze à vingt espèces qu'on puisse croire apportées par la mer;
et dans le nombre quelques-unes peuvent être récentes, tandis que d'autres
peuvent, avec autant de probabilité, avoir été apportées par l'homme.
Ce résultat indique une séparation entre l'Amérique et l'ancien monde
plus ancienne que l'existence même des espèces actuelles, et fait croire qu'il
n'a jamais existé, depuis ces espèces, de grandes îles ou des archipels
intermédiaires. Il semble aussi que les courants, il y a quelques milliers
d'années, n'étaient pas plus actifs que de nos jours.
Les transports les plus nombreux ont été, comme on pouvait s'y
NATURALISATION A GRANDE DISTANCE. 797
attendre, d'Amérique à la côte d'Afrique. Le grand courant de l'Atlantique
et la traite des nègres ont déterminé ce résultat. Les espèces échappées
d'Amérique par la côte occidentale s'élèvent au plus à une dizaine, et ordinairement
c'est l'homme qui les a portées avec lui et non les courants.
5° L'action de l'homme sur le transport des espèces intertropicales a été
jusqu'à présent involontaire plutôt que volontaire. Elle a eu lieu presque
toujours par-suite d'accidents qui jetaient de petites graines, communes sur
le littoral ou près des habitations, dans le lest des vaisseaux, parmi des
graines alimentaires ou potagères, ou dans des provisions de diverse nature.
Souvent aussi les espèces munies sur leurs fruits ou leurs graines de
poils crochus, de dents recourbées ou très pointues, ou de matières visqueuses,
ont été transportées par adhérence aux vêtements et aux ballots
de marchandises. A voir la rareté des espèces munies de ces moyens d'adhérence
dans le règne végétal, et leur abondance parmi les plantes qu'on
croit naturalisées, on ne peut douter que ce moyen de transport n'ait été
un des plus réels.
6° Les plantes transportées sont tellement de la nature de celles qui se
répandent aisément, que la majorité d'entre elles, après avoir gagné le
nouveau ou l'ancien monde, s'y sont propagées sur une étendue considérable.
Celles d'Amérique se trouvent en majorité à la fois en Afrique et en
Asie. Celles de l'ancien monde sont ordinairement asiatico-africaines, et
elles l'étaient peut-être avant de passer en Amérique.
7° Comme dans les régions tempérées, ce sont les espèces du littoral et
celles qui répandent beaucoup de graines dans les décombres, les jardins
ou les champs cultivés, qui ont été le plus souvent transportées. Viennent
ensuite les plantes cultivées comme ornement ou à titre de plantes officinales
ou économiques; mais leur proportion n'est pas grande, évidemment
à cause du petit nombre des jardins et du faible développement de la civilisation
dans ces contrées. Les espèces des forêts et les plantes submergées
dans l'eau douce ne présentent jamais d'indices d'une origine étrangère.
8" Quelques familles sont fortement représentées dans la liste. Ce sont
les Malvacées, Tiliacées, Légumineuses, Convolvulacées, Labiées, Amarantacées,
Nyctaginacées. Les unes ont des graines qui conservent longtemps
leur faculté de germer et peuvent flotter dans les courants ( Malvacées,
Légumineuses, Convolvulacées); d'autres ont souvent des fruits ou graines
munies de pointes, de crochets ou d'enduits visqueux (Tiliacées, Labiées,
Nyctaginacées); plusieurs, on peut même dire la plupart, sont fortement
représentées sur les côtes et dans les terrains légers des plantations.
9° La plupart des espèces sont annuelles ou ligneuses. Les premières