1
' Ì :
OlllGliNK PROBABLE DES ESPECES SPONTANEES ACTUELLES.
OJI objectera que la houille était formée peut-être de dépôts flottés (car
c'est une des opinions les plus plausibles), et que, dans cette hypothèse,
elle ne pouvait contenir que certains végétaux ligneux habitant le littoral
delà nier et le bord des lleuves. Mais si ces espèces flottées se trouvent
semblables dans des dépôts fort éloignés, c'est très différent de ce qui
existe aujourd'hui par l'effet des transports. Le Gulf-stream ne charrie pas
les mêines bois que les courants de la mer arctique ou la rivière de la Plata,
Ainsi, l'uniformité de composition des houilles, dans des pays éloignés,
montre bien une certaine uniformité de végétation dans le monde à cette
époque, par conséquent, un nombre absolu d'espèces plus petit qu'à
l'époque actuelle, et cela indépendamment de toute hypothèse sur la formation
des dépôts de houille.
Depuis cette époque, il a donc paru plus d'espèces végétales qu'il n'en a
disparu. Cela est certain pour les plantes ligneuses, et, par conséquent,
très probable pour les autres, car les plantes ligneuses appartiennent à
plusieurs familles de végétaux. Nous ignorons si la progression a été
régulière; maison ne peut guci^e se refuser à admettre une progression.
Ceci est d'autant plus important pour nous que les espèces actuelles de
végétaux datent, pour la plupart du moins, d'époques antérieures à la
nôtre, et peuvent provenir d'époques très variées, selon les pays et selon
les familles ou genres auxquels elles appartiennent.
D'après la formation même du sol de végétation, ce sont des Cryptogames,
des plantes marines et des espèces vivant dans les lieux inondés ou
humides, qui ont dû se manifester les premières. D'après l'observation des
végétaux fossiles, ce sont des espèces appartenant à des Cryptogames ou à
des Phanérogames peu compliquées qui prédominent, ou peut-être qui
vivaient exclusivement dans les formations les plus anciennes, ou au moins
dans ce qu'on a retrouvé des êtres organisés de cette époque ; ainsi, les deux
ordres de faits concordent assez bien. A une époque subséquente (époque
tertiaire), les Dicotylédones deviennent abondantes ; mais on remarque l'absence
ou la rareté extrême des Dicotylédones gamopétales, entre autres de
celles à ovaire infère, comme les Composées et familles voisines, dont
l'organisation est la plus compliquée.
M. Ad. Brongniart insiste avec raison sur ce point (a), et assurément, la
découverte récente de quelques Rubiacées (6), et celle plus curieuse
encore de cinq espèces de Composées (c), ne change pas la vérité et la
gravité du fait, car à l'époque actuelle, les Composées constituent 1/10®
(a) Tahl. des vég. foss., dans Diet. sc. nal. de d'Orbi^-ny, 1849.
(b) Unger, Genera et spec, plant, foss., 1850.
(c) M. Heer les'a trouvées dans les terrains de molasse supérieure, de l'époque tertiaire,
en Suisse (Flora tertiaria Helvetioe, in-4, Zurich, 1854, Einleitung, p. 10).
OIUGINE ET REPARTITION PREMIERE DES ESPECES.
des plantes phanérogames, et les familles gamopétales, en général, sont
nombreuses et répandues sur toute la terre.
L'apparition d'espèces de plus en plus organisées paraît donc un fait
certain pour les végétaux, quoique, pour le règne animal, d'habiles paléontologistes
ne pensent pas pouvoir l'admettre.
Je ne vois qu'une seule objection, mais elle n'est pas forte. On pourrait
dire que certaines espèces compliquées, des Composées, par exemple,
peuvent avoir existé dans les époques anciennes, chaque espèce limitée à
un petit district, et, par conséquent, rare dans les fossiles. Je ne crois pas à
cette objection, car les êtres compliqués d'organisation sont souvent doués
de moyens actifs de difl\ision,et il n'est guère probable qu'ils restent pendant
longtemps sans se disperser. On l'a remarqué pour l'homme. La
rapidité de son extension depuis quelques milliers d'années prouve qu'il
est moderne; il n'aurait pas pu exister dans un pays sans s'efforcer de
se répandre ailleurs et l'on en trouverait des traces géologiques. On peut
faire le même raisonnement sur les plantes de la famille des Composées.
Leurs akènes donnent une certaine facilité de dispersion, très grande sur
les continents, faible, j'en conviens, pour traverser les mers. A l'époque tertiaire,
le sol était assez desséché pour des plantes de cette famille, puisque
les arbres étaient des Juglans, des Acer, etc., et qu'aujourd'hui, il y a aux
États-Unis une multitude de Juglans et d'Acer, vivant avec des Composées.
Si donc il avait existé conjointement avec les Acer et les Juglans des terrains
tertiaires, plusieurs espèces de Composées, elles auraient occupé
une partie notable des régions de cette époque, chaque espèce se serait
multipliée sur son propre continent, et Ton en trouverait nécessairement
des empreintes assez nombreuses, el'autant plus que la nature coriace de
leurs graines les conserve dans les dépôts (a).
L'extension relative de nos espèces actuelles, comme je l'ai déjà fait
remarquer, confirme très directement l'apparition successive d'espèces de
plus en plus parfaites.
En effet, si nous avons toutes les raisons possibles de croire que les
Cypéracées, Graminées, Renonculacées, Polygonées et autres Phanérogames
actuelles, d'une structure simple, datent d'un temps où la configu-
(a) L'argument serait moins fort, si l'on parvenait à prouver que tous les fossiles ont
été flottés et ballottés par les eaux, avant d'être enfouis par les sédiments là où ils se
retrouvent aujourd'hui, car dans ce g-enre de formation, les petites graines, celles même
qui sont coriaces, risquent bien d'avoir été détruites. Heureusement on retrouve certaines
graines fort petites, celles de Chara, par exemple, même dans des dépôts longtemps submergés.
D'ailleurs certains fossiles, ceux des diluvium en particulier, ne semblent pas
avoir été broyés par un long transport sous Teau, et des couches ont sans doute été
recouvertes par de simples éboulement^, ou par des boues, des limons accumulés
promptement dans quelques localités.