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732 CHANGEMENTS DANS L'ilAniTATÎON DES ESPÈCES. NATUlULïSATION A GRANDE DISTANCE. 733
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trace de ces noms dans le grec moderne. Puisque cela n'esl pas, il est ^ raisemblable
que le mot Taloula a été dérivé par les Grecs modernes de Datoura, mol
sanscrit d'origine, qui s'était répandu en Kurope dans le xvi' siècle. 11 existe
d'ailleurs, depuis cette époque, une opinion générale que le Stramonium est d'origine
exotique. Columna lui-même (|k 50), toni en croyant avoir retrouvé l'espèce
dans Dioscorides, prétend qu'elle existe au Mexique, circonstances assez difiiciles
à concilier. Zannichelli (/.s/or., p. 253) disait positivement, en 1753, qiu^
du temps des Bauhin et de Columna. le Stramonium élait cultivé, qu'on le croyait
d'origine exotique, mais qu'il était devenu spontané autour de Venise, comme la
plante colorée (le Tatula des bolanistes) autour de Bologne. L'un et l'autre manquent
à l'herbier de Bauhin (DC., mss.), quoiqu'ils existent aujourd'hui dans les
environs de Bale. Autour de Paris, leur existence n'est pas ancienne, car Vaillant
et Tournefort ne les indiquent pas, et cependant ce sont des plantes apparentes.
dont les propriétés avaient attiré l'attention de tout le nionde et que l'on
connaissait parfaitement dans les jardins. En Angletei're, du teuips de Ray et de
Dillenius, on regardait le Datura Stramonium comme sorti des jardins par les
déblais qu'on en rejette (Sî/h., édit. 1724, p. 266), L'édition de 1597, de Gerardo,
n'en parle pas, du moins comme plante spontanée en Angleterre. Le Datura
Tatula ne s'est jamais naturalisé dans ce pays. Pounpioi les deux espèces ne
seraient-elles pas arrivées plus tôt en France, en Suisse el en Allemagne, si elles
étaient aborigènes du midi de l'Europe? En Italie même, où elles sont bien
spontanées aujourd'hui, par exemple dans les marai s l'ontins (Bertol., Fl, It,, II,
p. 607). on les croyait généralement d'origine étrangère, à l'époque de Zanoni,
il y a deux siècles (Zan., p. 212). Le nom italien Sirii/)/on?o ou Slrimonio, correspondant
au non) Stramonium des botanistes, indiquerait, il est vrai, une origine
du pays. D'un autre côté, s'il était ancien, il se trouverait dans Pline, dont le
silence est remarquable. En définitive, il n'est point démontré que les Datura
Stramonium et Datura Tatula, L., aient existe jadi s en Europe, même en Italie, où
ils sont le plus spontanés. Les arguments me paraissent plus forts dans le sens
d'une origine étrangère, contrairement à l'opinion de M. Bertoloni, présentée, je
le reconnais, avec beaucoup de clarté et d'érudition.
L'opinion d^uneorigineaméricaine repose sur des bases erronées ou incertaines.
Linné (i/or/. ('////".) avait rapporté, à l'imitation de Columna, le Tlapall de Hernander
{Tfics. Mexic., p, 278) au Datura Stramonium, mais il n'en parle plus
dans son Species. La plante du Mexique, figurée dans Hernandez, a des feuilles
peu lobées pour le Stramonium ou le Tatula, et, de plus, elle n'aurait aucune
odeur remarquable, ce qui la dist ingue de ces espèces, l-es fruits sont représentés
trop jeunes pour (pi'on puisse s'assurer du caractère des aiguillons. Linné a
continué cependant de dire le Datura Stramonium d'origine américaine, probablenient
parce qu'on en rapportait alors des échantillons d'Amérique, où il pouvait
s'être naturalisé. Aujourd'hui, les auteurs de Flores des États-Unis, s'accordent
à regarder les Datura Stramonium et Tatula comme d'origine étrangère,
mais naturalisés. Nuttall (G>/i., 1, ]). 150) les croit venus d'Asieou de l'Amérique
méridionale. M. Darhngton (F/. W, édii., p. 224) pense qu'ils sont
d'Asie. Les Portugais du Brésil, selon M. do Martius [Fl fase 6, p. 163),
croient aussi le D. Strauionium introduit d'Asie dans leur pays.
MM. de Humboldt et Bonpland ont rapport é le Datura Tatula de Caracas. D'après
les auteurs et d'après mon herbier, cette fornie colorée paraît un ])eu plus com-
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mune en Amériíjue et plus spontanée que l'autre. Si c'est la môme espèce que le
Stramonium, elle l'aurait précédé, j e suppose, carello paraît plus robuste, et en
général les modilications décolorées sont des dérivations des espèces plutôt que
des ty[)es. Si ces deux formes sont deux espèces, il est très possible que l'une fût
de l'ancien et l'autre du nouveau monde, et alors je croirais le Tatula américain
plutôt que l'autre. La plante à lleur blanche (D. Stramonium) paraît, il est vrai,
avoir existé aux Antilles, dans les décombres, près des habitations, déjà du temps
tie Sloane [Jam., I, p. 1 59), à la fin du xvii^ siècle. Depuis cette époque jusqu' à nos
jours, les renseignements ne sont devenus que plus difficiles sur la question de
spontanéité, et surtout sur l'origine ; mais il est remarquable que le Tatula soit
comnum dans les montagnes de Caracas. Depuis le voyage de M. de Humboldt,
Lambert en a tiré des graines du niême p a y s ( Swe e t , G a r d . , sér., tab. 83).
On indique peu de noins vulgaires pour ces Datura, et le plus souvent ceux
usités par les créoles sont dérivés des langues européennes et trahissent une
importation. En somme, il n'y a guèr e de preuves directes en faveur de l'origine
américaine, surtout à l'égard du Datura Stramonium.
Kestc l'hypothèse d'une origine asiatique. On sait que le mot Datura est
sanscrit, mais selon Roxburgh et Piddington [index, p, 29), il s'appliquait au
Datura fastuosa. Hoxburgh n'avait pas même vu dans l'Inde les Datura Stramonium
et Tatula (7^7. Ind., edit. Wall., li, p. 239). Celui du Népaul, que le
docteur Wallich avait pris pour le Stramonium, est une espèce particulière,
Datura Wallichii, Dun. [Prodr., v. XIII). Je ne sais s'il faut attribuer au Stramonium
un mauvais échantillon en fruit, rapporté par V^^allich du pays des Birmans
[Cat. itin., n. 436), que M. Dunal a nommé ainsi dans mon herbier, sans le citer
dans le i^rorfroïu/is. Évidemment les Datura Stramonium et Tatula sont rares et
en apparence nouveaux dans l'Inde anglaise.jOn ne les trouve pas davantagedans
les publications de Rlieede et de Uumphius, ni de ForskaI; cependant ils sont
de nature à s'être répandus beaucoup et depuis longtem[)S dans l'Inde, l'archipel
indien et l'Arabie s'ils étaient originaires de l'Asie méridionale et s'ils s'accommodaient
de pays très chauds, ce qui ne paraît guère être le cas.
Les régions où le Datura Stramonium se trouve le plus fréquemment sont le
Caucase, la Tartarie, le midi de la Russie et de la Sibérie. Un coup d'oeil sur le
Flora Rossicci, de Ledebour (III, p, 182), montre que tous les auteurs l'ont
indiíjué depuis Gmelin et Georgi jusqu'aux botanistes nos contemporains, et
des îles d'Gisel jusqu'aux monts Talysch et Altaï, même dans les districts les
moins accessibles à des plantes d'oi'igine étrangère, comme les rives du Volga
(Claus, dans Goebel, Relse, H, p. 294), les environs de Lenkoran (Hohen.) et de
Barnaul (Ledeb., Fl. Ait., I, p. 234), On l'indique il est vrai dans les décombres,
près des villes et villages, mais c'est la station la plus ordinaire dans toutes
les parties du monde. Je ne vois pas que dans l'étendue de l'empire russe on ait
observé le Datura Tatula, L. ; c'est toujours le Stramonium, celui à ileur blanche :
confirmation singulière de l'hypothèse énoncée tout à l'heure que le Datura Stramonium
serait de l'ancien monde et le Datura Tatula du nouveau. Ce dernier
n'est pas indiqué, même dans la Turqui e d'Europe (Griseb., Spicii,], ni en Grèce
(Sibth., Prodr.; Fraas, Syn., p. 169). Il paraît moins commun que le Stramonium
dans l'Europe occidentale, tandis qu'en Amérique c'est plutôt le contraire.
Enfin, je remarque l'opinion assez fréquente chez les auteurs au commencement
du xvu^ siècle, que la Stramoine serait arrivée en Europe par l'Orient. Un des
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