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9 7 6 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
troduction me font croire que les graines avaient été tirées de l'ancien
monde, plutôt que du Mexique ou des Antilles ; mais les auteurs de Flores
américaines, M. Darlington lui-même, qui traite si bien les questions de
botanique agricole {Ayric. bol., 1 vol. in-12), ne le disent pas.
En résumé, diverses espèces de Gossypium sont originaires des zones
tropicales d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. Elles y croissent encore spontanément,
et il n'est pas extraordinaire, vu l'apparence des capsules, que
les anciens habitants de plusieurs pays aient eu l'idée de se servir du coton
et de cultiver diverses espèces dans ce but. Il est inutile de supposer pour
cela des communications entre les trois continents. Comme les espèces
sont naturellement très voisines, et que des graines peuvent avoir été
échangées anciennement entre l'Inde et l'Egypte ou la Syrie, puis, après la
découverte de l'Amérique, entre l'ancien et le nouveau monde, la difficulté
de les distinguer est devenue de plus en plus grande.
Cocos nucifcra, L. —L'origine du Cocotier présente un problème intéressant.
L'opinion commune est en faveur d'une origine asiatique ; mais
les onze autres espèces du genre Cocos connues jusqu'à présent, sont du
Brésil. Ainsi, les probabilités historiques semblent opposées aux probabilités
botaniques. Voyons ce qu'il convient d'admettre.
L'usage de la noix de coco, comme fruit et comme matière oléagineuse,
est extrêmement ancien dans l'Asie méridionale, car l'espèce a un nom
sanscrit (Iloxb., F / . Ind., Ill, p. {51/i) et des noms vulgaires dans toutes
les langues du midi de l'Asie et des îles voisines (Roxb., l. c. ; Rumpb.,
Amb., I, p. 7 ) .Le nom sanscrit Narikela, Narikeli, a laissé des traces
dans les langues qui en sont dérivées ; par exemple, en hindustani, Nariel,
en telinga Nari ; mais, ce qui est bien remarquable, les indigènes
d'O-Taïti appellent le Cocotier Ari, et le fruit de l'arbre Nia (Forst., Pl.
esc., p. /i9). Les Malais disent A^i'or, les Chinois Ja (Rumph.,/. c.).
Comme le sanscrit régnait dans une région où le Cocotier ne peut pas être
cultivé (a), il est clair que les peuples du continent asiatique ont reçu la
connaissance et le nom du fruit de l'archipel malai. Il y est effectivement
très répandu, même sur les îlots inhabités qui se sont formés au-dessus de
madrépores. Le climat de Ceylan lui est favorable, car on exporte annuellement
de cette île trois millions de noix de coco (Marshall, dans Mem.
Soc. Wern. Edinh., 5= part., I, p. 107), et dans tout l'archipel indien,
son abondance est si remarquable, sa présence au bord de la mer si fréquente,
que les anciens voyageurs ont toujours cru l'espèce à la fois spon-
(a) Au nord de Calcutta, par exemple, à Luknow, il ne donae plus de fruits (Marshall
Mem. Soc. Wern., V, part. i).
ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 977
tanée et cultivée dans ces parages (Forst., Pl. esc., etc.). La persistance
de la faculté de germer, après une immersion prolongée dans l'eau de la
mer, est un fait reconnu pour les noix de coco ; ainsi, il ne faut pas s'étonner
île la diffusion au milieu d'un archipel et dans toute la région polynésienne.
La limite s'arrêtait assez promptement au midi, car à la Nouvelle-Hollande,
à Hanover bay (lat. 15° S.; long. 12/r), le Cocotier manquait,
ainsi que l'arbre à pain, et ce sontMM. Gray et Lushington qui les ont introduits
récemment (JoMrn. rotj. Soc. Lond., 1838, p. Zi59).
Les Grecs et les Romains n'en ont pas eu connaissance. Les modernes
ont tiré le nom de coco du mot latin coccus, coque (Palma indica
coccifera, C. Bauhin; palma coccos ferens, Recchi); à moins que ce mot
ne vienne du Portugais Coque, mine, grimace, à cause des trois trous, qui
font ressembler à la tête d'un singe (Nierenb., Hisl. nat., 1635,
p. 296) (a), ou encore du mot arabe Gau%oz Indi, noix d'Inde (Rumph., I,
p. 7). Les Arabes l'ont porté vers l'Afrique, sous des noms qui signifient
noix de l'Inde, ou avec un nom tiré de l'Inde, comme Naregii, Narig, etc.
(Rumph., I, p. 7); mais ils n'ont pas pu le répandre beaucoup, parce qu'il
ne supporte pas la température de l'Egypte elle-même. En Arabie, on le
trouve jusqu'à Moka (Nieb., cité par Marshall, l. c.). L'extension vers
l'Afrique équatoriale est peut-être due aux Arabes, peut-être aussi aux
courants qui longent la côte de Mozambique, du nord au sud. Marcgraf
(Bras., édit. I6/18) en parle comme existant il y a deux siècles à l'île Maurice
(p.l/iO) et au Congo (p. 138) . D'après M. de Martius (/^a^m., p. 125),
les Portugais l'ont introduit sur la côte de Guinée, de Rengúela et jusqu'à
l'embouchure du Zaïre. M. R. Rrovvn remarque cependant (Bot.
Congo, p. 55) que l'expédition de Tuckey n'a pas rencontré le Cocotier sur
les bords du fleuve Congo, et que les naturels du pays ne le connaissent pas.
Le Flora Nigritiana n'en parle pas.
D'après l'ensemble de ces faits, l'existence dans l'archipel indien est
antérieure à la langue sanscrite; néanmoins, le Cocotier n'a pas été connu
du monde romain qui était en rapport avec Ceylan, et il s'est répandu
assez tard sur le continent africain, ce qui doit faire soupçonner une origine
éloignée, dans la direction des îles orientales de la mer du Sud.
Voici maintenant les données concernant l'Amérique :
Marcgraf (i?rai. , p. 138) et Piso (Bras.,^. 65) semblent admettre une
origine étrangère au Brésil, sans le dire positivement. Les noms brésiliens
qu'ils indiquent ont une certaine analogie avec les noms asiatiques, et euxmêmes
emploient le nom de Cocoeiro Indica. Le Cocotier a été apporté à
(a) Je ne trouve cependant pas le mot coquo dans les dictionnaires portui^nis.