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1 0 8 / i ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
désire tirer parti. Ces individus donnent des produits qui ont déjà, plus
complélement ou plus habituellement, la qualité recherchée. On sépare de
nouveau dans cette génération les individus qui olï'rent au plus haut degré
ce qu'on désire. Leurs produits ont encore plus souvent ou plus complètement,
la qualité recherchée. On continue ainsi, et il est rare qu'au bout
de quelques générations, une race ne soit pas établie (a).
Ce procédé, si connu des éleveurs et des horticulteurs, a permis de
reconnaître deux lois, dont la cause intime est mconnue, mais qui résument
clairement les faits observés.
La plus importante est que les êtres organisés ressemblent habituellement
à ceux qui les ont produits (ressemblance au premier degré).
La seconde loi est que les êtres organisés ressemblent quelquefois à
leurs ancêtres de générations antérieures (atavisme, du mot atavi,
ancêtres). Dans nos familles de l'espèce humaine, il n'est pas rare qu'un
individu ressemble à son aïeul ou à son bisaïeul, même à son trisaïeul,
de la ligne paternelle ou de la ligne maternelle, quoique sans doute
on ressemble plus ordinairement à son père ou cà sa mère. Les mêmes
circonstances ont été remarquées dans tous les êtres, animaux et végétaux.
Ces deux lois compliquées expliquent un grand nombre de faits concernant
l'histoire des races. Ainsi, au commencement de leur Wistence, les
races sont peu établies, peu sûres; les individus retournent trop fréquemment
(par atavisme) aux formes des générations qui n'avaient pas les
caractères de la race. Liversement, lorsque les races sont anciennes, leur
fixité est très grande, témoin une des plus belles races humaines, celle des
juifs. La cause en est simple. Qu'un juif ressemble, par exception, à son
aïeul, ou à son bisaïeul, ou à son ancêtre le plus reculé, plutôt qu'à son
père, ses traits offrent, précisément par cette cause, le type remarquable
de sa race. La même loi tend d'abord à détruire les races, plus tard, au
contraire, à les consolider.
Toutes les modifications des individus sont susceptibles de devenir héréditaires.
Ainsi, les variations, les monstruosités et les variétés peuvent
passer à l'état de races. Elles ont toutes une certaine tendance à le devenir;
mais elles rencontrent dans la nature une foule d'obstacles qui rendent la
constitution de races indépendantes de l'homme extrêmement rare. Tantôt,
les déviations appelées variations, monstruosités, ou variétés, sont telle-
(a) Les horticulteurs ont imaginé certaines précautions, certains procédés qui dirigent
dans la formation d'une race ou qui l'accélèrent. Je rappellerai à ce sujet les observations
de M. Louis Vilmorin, dont j'ai donné un extrait dans la Bibliothèque universelle de
Genève^ en 1852.
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CHANGEMENTS QUI ONT TU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1085
ment graves; elles attaquent si profondément les moyens de reproduction
de la plante, que les graines ne peuvent plus se former, ou du moins ne se
forment plus en quantité suffisante. Évidemment, les races à fleurs complètement
doubles ne peuvent pas exister, par défaut absolu de graines.
Les races à fleurs semi-doubles sont même sans exemple dans la nature,
quoique l'homme sache bien les propager aulour de lui, en prenant soin
du petit nombre de graines qu'elles peuvent donner. La monstruosité si
curieuse dite Peloria ne donne des graines fertiles que rarement, et Willdenow
parait avoir été le seul qui soit parvenu à la conserver autrement
que par des boutures (a). Souvent aussi, le transport du pollen par le
vent ou les insecles, a lieu entre les pieds dissemblables de la même
espèce, et produit des états intermédiaires qui empêchent l'établissement
de races. Enfin, si une variation, une monstruosité ou une variété a été
produite par des circonstances internes ou externes qui viennent à changer,
ces modifications de l'espèce n'ont pas le temps de s'établir sous la forme
héréditaire.
Les conditions pour qu'une race s'établisse dans l'état naturel des
choses, hors de l'action de l'homme, sont donc : une organisation qui ne
nuise pas à la reproduction par graines; l'isolement d'avec toutes les
formes différentes de la même espèce, dont le pollen pourrait influer ; la
durée des circonstances qui ont amené une forme particulière ; à'' enfin, un
certain laps de temps, qui permette à la loi d'atavisme d'arriver au point
de consolider la race, tandis que, dans l'origme, elle a pour effet de le
détruire.
La réunion de toutes ces conditions est extrêmement rare dans la
nature, tandis que l'habileté de l'horticulteur sait très bien l'obtenir dans
un jardin. Il faut ajouter encore que les espèces cultivées sont souvent les
plus flexibles, et que les conditions auxquelles on les soumet ont une intensité
et une durée qui se trouvent rarement dans l'état ordinaire des choses.
Par tous ces motifs, les modifications héréditaires de l'espèce doivent être
infiniment rares dans les plantes spontanées, et il n'est pas surprenant
qu'elles échappent à nos moyens imparfaits d'observation, qui ne comprennent
qu'un temps borné.
Les difficultés ne sont pas dans la production de formesnouvelles.il
s'en crée tous les jours (les variations) et de très extraordinaires (les
(a) Chavannes, Mon. des Antirrh., p. 57; Moquin, Térat., p. 186. Willdenow dit
{Sp. pl., III, p. 2o4) : « Semina Pelorioe solo pingui sata faciem plantoe conservant. » Il
n'ajoute aucun renseignement. M. Chavannes n'a jamais trouvé de graines fertiles. Avant
lui, Linné, Ventenat et plusieurs autres parlent des Peloria comme de plantes stériles.
Assurément on ne les conserve pas de graines dans les jardins, car elles y sont rares et
accidentelles.
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